Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 9h30
Accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai dit en commission des affaires sociales, nous retrouvons la ténacité et l’engagement de Philippe Vigier, qui relance la question de l’accès aux soins, en faisant le constat de la désertification médicale sur certains territoires dépourvus de généralistes, de spécialistes mais aussi de structures hospitalières.

Si nous sommes tous d’accord sur le constat, démontré dans toutes les études et confirmé de manière très sérieuse par le Conseil national de l’Ordre des médecins, cette proposition de loi montre combien il importe, encore une fois, de défendre la liberté d’installation des médecins libéraux, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, car c’est ce que vous voulez remettre en question, monsieur Vigier : vous estimez, comme d’autres collègues, que la solution consiste à contraindre, à réduire cette liberté, voire à la supprimer.

Nous payons aujourd’hui, il faut bien le rappeler, la faiblesse du numerus clausus des années 1995-2000. Oui, c’est un sujet sensible ; ce n’est pas la première fois qu’il est évoqué, mais il l’est souvent sans accepter les conséquences des propositions avancées, qui pourraient être très contre-productives, je vais encore le démontrer aujourd’hui.

Dans votre rapport, monsieur Vigier, vous osez dire qu’il est grand temps de prendre rapidement des mesures fortes pour enrayer la désertification médicale tout en respectant les aspirations des jeunes médecins et en s’appuyant sur elles. C’est une contrevérité, voire une attaque contre tous les représentants des jeunes.

Vous vous référez à vos rencontres avec les syndicats étudiants. Je les ai aussi rencontrés. Que ce soit l’Intersyndicat national des internes, l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale ou le syndicat des jeunes généralistes REAGJIR, ils sont vent debout contre votre proposition de loi. Voici ce qu’a écrit l’Association nationale des étudiants en médecine de France – que je connais très bien –, après vous avoir rencontré à l’Assemblée nationale, il y a une semaine : « Non seulement la proposition de loi évoque une mesure de coercition à l’installation dans son article 6 mais elle suggère en plus une mesure de conventionnement sélectif dans les articles 7 à 11. Ce type de régulation, par la gestion des cabinets et non plus des professionnels, se rapproche beaucoup plus du système anglais, instauré par les NHS, où la régulation se fait par les autorisations de création contre fermeture de cabinets médicaux, et non par les professionnels directement. On connaît bien la dérive du système anglais, où il est impossible d’avoir accès directement à un médecin, sauf à faire appel à des médecins privés, non conventionnés, et donc créant une plus grande inégalité sociale entre les patients. Nos arguments sur le conventionnement sélectif demeurent intacts depuis l’amendement de Mme Le Houerou, il y a quelques semaines, et nous ne pouvons accepter que la mobilité sur le territoire soit soumise au bon vouloir de l’État, ou alors c’est l’étatisation de la médecine libérale française, en clair. »

Monsieur le rapporteur, vous voulez inciter les jeunes médecins à s’installer dans les zones sous-dotées et vous dite qu’il faut être à l’écoute de leurs demandes. Vous savez très bien – c’est un problème majeur – que peu d’entre eux s’installeront en médecine générale ambulatoire chaque année : à leur sortie de l’université, moins de 9 % choisissent la médecine générale. Vous savez aussi très bien qu’ils ne s’installeront jamais avant trente-cinq ans minimum, d’après les études du Conseil national de l’Ordre des médecins. Vous savez également très bien qu’ils ne s’installent pas seuls, mais qu’ils ont déjà un projet de famille. Vous savez encore très bien qu’un médecin qui n’a pas choisi de son plein gré sa zone d’installation est un médecin qui partira, laissant sa patientèle en jachère – les exemples, ici et là, sont frappants. Vous savez enfin très bien que les exemples de l’étranger sont parlants : en Allemagne, où je suis allé, en Autriche, pays dont j’ai étudié la situation, en Belgique et même au Québec, certaines tentatives ont provoqué la fuite des étudiants de la médecine générale. En un mot, les jeunes veulent une installation choisie et non pas une installation subie.

Monsieur le rapporteur, la médecine générale est le parent pauvre de la médecine. Elle subit des relations administratives difficiles, des contraintes multiples dans des territoires que les services publics ont désertés, des tarifs parmi les plus bas d’Europe.

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