Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 9h30
Élection des conseillers municipaux dans les communes associées de polynésie française — Présentation

Ericka Bareigts, ministre des outre-mer :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative à l’élection des conseillers municipaux dans les communes associées de la Polynésie française et à la modernisation du code général des collectivités territoriales applicable aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics.

Avant d’évoquer la substance de ce texte, présenté par la sénatrice Lana Tetuanui, dont l’important travail mérite d’être salué, nous voulons souligner le processus de dialogue et d’écoute réciproque qui a permis cette proposition de loi.

Écoute et dialogue entre le Gouvernement et les parlementaires polynésiens d’abord. En effet, vous le savez, ce gouvernement a écouté les parlementaires polynésiens, estimant qu’il était préférable de laisser le temps à la concertation locale d’aboutir. C’est ce que nous avons fait. Voilà un exemple emblématique, je crois, d’une politique publique éclairée.

Écoute et dialogue, ensuite, entre les partenaires polynésiens eux-mêmes. En effet, le Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française – SPCPF –, qui réunit quarante-six communes sur les quarante-huit que compte le territoire, a mené plusieurs réunions de travail entre mars et septembre 2015. En octobre, le résultat de cette concertation a été présenté au haut-commissaire, au gouvernement de la Polynésie française, aux représentants de l’Assemblée de la Polynésie française et aux parlementaires. Ce processus a abouti aux propositions formulées par la sénatrice Lana Tetuanui.

On le voit, sur la forme, cette proposition de loi est une illustration de la volonté de co-construction et de concertation qui est chère à ce gouvernement. En l’espèce, cette concertation était d’autant plus nécessaire que le texte qui nous est soumis aujourd’hui a trait à la spécificité du territoire polynésien que sont les communes associées.

Sur ce sujet plus que sur tout autre, il nous a paru essentiel de parvenir à une approche commune, partagée et consensuelle. C’est aujourd’hui le cas et nous pouvons en être fiers. Ce travail a d’ailleurs été salué par les sénateurs, qui ont adopté le texte en première lecture.

Venons-en maintenant au fond du texte.

La configuration du territoire polynésien, vous le savez, est unique, comme nous le rappelle constamment Maina Sage. La Polynésie française est située à 18 000 kilomètres de la métropole. Constituée de 118 îles, réparties en cinq archipels, elle couvre une superficie émergée de 3 600 kilomètres carrés, dispersée sur plus de 4 millions de kilomètres carrés, ce qui équivaut à la superficie de l’Europe.

L’organisation de la vie publique et citoyenne y est nécessairement singulière et les règles qui trouvent à s’appliquer dans l’Hexagone doivent souvent être adaptées. C’est l’un des souhaits de ce gouvernement que d’écouter les territoires d’outre-mer et de se conformer aux réalités locales pour parvenir à des dispositifs aussi adéquats que possible.

La Polynésie connaît depuis longtemps une organisation particulière au sein de notre République. Les communes n’ont été créées qu’en 1971 en Polynésie française et, sur les 48 que compte le territoire, 30 sont composées de 98 communes associées.

Ces communes associées correspondent à un lieu géographique, un atoll de l’archipel des Tuamotu par exemple. Elles constituent une section électorale de plein droit. À leur tête, les maires délégués sont apparentés à d’authentiques tavana, c’est-à-dire les maires des communes de droit commun. Ils disposent en pratique d’un véritable magistère et remplissent les fonctions d’officier d’état civil et de police judiciaire.

Les Polynésiens sont très attachés, nous le savons, à ce dispositif qui permet de consolider la démocratie de proximité par-delà les difficultés de communication et de transport liées aux contraintes géographiques et à la configuration particulière du territoire.

Jusqu’au renouvellement général des conseils municipaux de mars 2014, les conseillers municipaux des communes composées de communes associées étaient tous élus au scrutin majoritaire plurinominal. Or, depuis l’entrée en vigueur, en 2013 et 2014, de modifications législatives, un nouveau mode de scrutin a été introduit, non sans donner lieu à des difficultés et à des frustrations, notamment dans les communes associées où le maire délégué n’était pas issu de la liste arrivée en tête dans la section, ce qui constituait en effet un problème pour notre démocratie locale.

Pour pallier ces difficultés, la proposition de loi qui vous est soumise propose de modifier le mode de scrutin dans les communes associées de Polynésie française. Voici, rapidement, les grands traits de cette réforme.

Dans les communes concernées, le nombre de sièges à pourvoir sera réparti, au sein des communes associées, proportionnellement à leur population. Toutes les communes de plus de 1 000 habitants, même celles composées de communes associées comptant moins de 1 000 habitants, seront soumises à un scrutin fondé sur la représentation proportionnelle.

L’élection se déroulera sur le fondement d’une liste unique qui comportera nécessairement un ou des représentants des communes associées afin de favoriser l’appropriation, dans les programmes, des enjeux propres à ces dernières.

Il est en outre prévu d’attribuer une prime majoritaire à la liste arrivée en tête au niveau communal, cette prime étant répartie dans chaque commune associée. Il s’agit de faire en sorte, ce qui est tout à fait légitime, que chaque commune associée dispose d’au moins un élu.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit que la liste ayant gagné dans une commune associée puisse disposer d’au moins un élu.

Ce nouveau régime électoral, qui respecte également la parité, permettra au maire délégué d’être issu de la liste arrivée en tête dans la commune associée, même si cette liste ne l’a pas emporté au niveau communal, ce qui renforcera les majorités au niveau communal tout en permettant l’émergence d’une opposition structurée.

Ce dispositif soutiendra ainsi la démocratie locale, dans le respect des singularités des communes associées de Polynésie française. Nous y sommes favorables.

La seconde partie de cette proposition de loi contient divers ajustements susceptibles de faciliter le fonctionnement des communes de Polynésie française. Les principales avancées envisagées sont les suivantes.

Il est proposé, tout d’abord, de donner la possibilité aux communes de la Polynésie française de créer des sociétés publiques locales afin de faciliter leurs commandes publiques, ce qui n’était pas permis jusqu’à présent. Nous ne voyons aucun obstacle à ce que cette possibilité soit désormais étendue à la Polynésie française.

Est ensuite envisagée la possibilité, pour les conseils municipaux des communes composées de communes associées, de se tenir par téléconférence, et, pour le maire, celle de disposer d’une délégation plus large en matière de marchés publics. Ces simplifications ne rencontrent, bien entendu, aucune opposition de notre part.

Enfin, des avancées en matière de formation des élus ont été adoptées au Sénat grâce à des amendements d’origine parlementaire. Nous ne voyons naturellement aucun obstacle à ce que ces droits soient étendus.

Mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui représente une avancée pour la démocratie locale en Polynésie française, dans le respect des spécificités liées à ce territoire. En outre, elle permet de moderniser le droit des collectivités locales dans un sens tout à fait positif.

Au Sénat, 312 voix se sont exprimées en faveur de ce texte, sur 342 votants. Ce résultat significatif atteste l’important soutien dont bénéficie cette proposition de loi.

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