Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure – chère Maina –, mes chers collègues, cette proposition de loi, au même titre que celle présentée par Philippe Folliot concernant l’île de Clipperton, qui sera examinée tout à l’heure, constitue une occasion d’évoquer la situation des outre-mer – de telles occasions sont trop rares dans cet hémicycle –, et de la Polynésie en particulier, avec ses réalités, ses singularités, ses atouts autant que ses handicaps.
Le groupe UDI ne peut que se réjouir de ce type d’initiative. Nous nous félicitons de l’accueil consensuel qui a été réservé à ce texte, tant au Sénat qu’au sein de notre commission des lois. Il nous appartenait d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour afin de mener la navette parlementaire à son terme, grâce au travail de nos collègues parlementaires Lana Tetuanui et Maina Sage.
Tout d’abord, on ne saurait aborder l’examen de cette proposition de loi sans avoir à l’esprit les réalités géographiques et institutionnelles, si particulières mais encore méconnues, de ce territoire situé à plus de 15 000 kilomètres d’ici. Notre collègue et rapporteure Maina Sage l’a rappelé, la Polynésie française est une terre isolée dont les archipels couvrent une superficie émergée de 3 600 kilomètres carrés, soit la moitié de la superficie de la Corse. Ces archipels s’étendent sur une surface équivalente à l’Europe : 118 îles disséminées sur une surface de plus de 4 millions de kilomètres carrés. Cela a indéniablement des conséquences sur la conduite des politiques locales.
Cette spécificité est aussi institutionnelle. La collectivité polynésienne est administrée par une assemblée, élue au suffrage universel direct, et ne compte qu’une seule catégorie de collectivités territoriales : les communes. Parmi les 48 communes existantes, une trentaine est constituée de communes associées. Les communes constituent l’échelon le plus proche des populations. C’est particulièrement vrai en Polynésie française, où la géographie impose que soit maintenue une telle proximité entre élus et citoyens.
Néanmoins, leurs caractéristiques géographiques et institutionnelles peuvent entraver le bon exercice des politiques locales, peuvent rendre plus complexe l’organisation des conseils municipaux et le fonctionnement de certains services publics locaux.
Un tel contexte justifie donc la nécessité d’adapter en Polynésie française le droit applicable aux communes.
En premier lieu, ce texte prévoit de réformer l’élection des conseillers municipaux et des maires dans les communes comptant des communes associées. Le mode de scrutin en Polynésie française est insatisfaisant pour la gestion municipale : il ne permet pas de dégager de majorité stable. Il a même pu favoriser des unions de circonstances aboutissant à l’élection de maires délégués qui représentent la majorité municipale tout en étant minoritaires au niveau de la commune associée.
La modification du mode électoral garantira ainsi la légitimité du nouveau maire. Ce dernier doit pouvoir s’appuyer sur une majorité, tout au long de sa mandature, et ce, dans l’esprit d’une bonne gouvernance et d’une meilleure gestion des politiques de développement à l’échelon communal.
Cette réforme permettra également d’asseoir la légitimité des maires délégués issus du résultat des urnes, en particulier celle des membres de la liste ayant gagné l’élection dans chaque commune associée ; elle permettra donc, en d’autres termes, de respecter la volonté de la population locale. Elle donnera ainsi aux maires délégués plus de compétences dans l’exercice de leur mandat sur leur propre territoire, avec une délégation de pouvoir que le maire pourra leur octroyer le cas échéant.
De surcroît, ces élus seront rétribués comme il se doit. Aujourd’hui, le barème de l’indemnité étant corrélé à la population de la commune associée, le maire délégué peut percevoir une indemnité inférieure à celle qui est versée aux adjoints. L’article 6 propose donc de remédier à cette anomalie en instaurant un nouveau régime d’indemnisation du maire délégué. Le conseil municipal pourra en outre fixer, pour le maire délégué qui en fait la demande, une indemnité de fonction inférieure à celle qui résulterait de l’application du barème.
En second lieu, cette proposition de loi prévoit des adaptations aux règles d’organisation et de fonctionnement des communes. Les distances entre les différentes communes représentent pour les élus des difficultés importantes dans la gestion quotidienne de leur territoire. Certaines de ces communes associées peuvent être éloignées de 110 à 430 kilomètres de leur chef-lieu communal. Cette proposition de loi propose donc de prendre en compte la géographie particulière de ces territoires, notamment au travers des conditions de recours à la téléconférence pour les réunions des communes associées.
En effet, grâce à l’article 4, les conditions permettant au maire d’une commune composée de plusieurs communes associées dispersées sur plusieurs îles de recourir à la téléconférence pour réunir le conseil municipal seraient modifiées. Déjà prévu par le code général des collectivités territoriales, l’usage de la téléconférence est exclu pour les délibérations les plus importantes, comme l’élection du maire ou l’adoption du budget primitif. La proposition de loi permet donc de supprimer la condition de l’urgence et d’élargir l’impossibilité de déplacement d’une partie des membres du conseil municipal à la difficulté matérielle de les réunir en un même lieu.