Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, la loi devrait avoir un principe fondamental : l’intelligibilité. En France, en effet, nul n’est censé ignorer la loi. Toutefois, les spécialistes eux-mêmes ne la connaissent pas.
À cet égard, le code général des collectivités territoriales demeure un continent étrange, inaccessible aux profanes, incompréhensible pour de nombreux élus, chronophage pour les services et franchement lassant pour ceux qui voudraient que nous passions du jacobinisme et du centralisme à un régime de libertés locales et territoriales.
Personne ne doute un instant, tous les orateurs précédents l’ont souligné, que les habitants et les élus de Polynésie partagent cette volonté. D’abord, la belle authenticité de leur culture mérite en effet mieux que les diktats d’une énarchie si éloignée de la réalité des îliens. Ensuite, le législateur est confronté à une réalité qui lui est insupportable : la nature. Et la nature a ceci de particulier qu’elle se moque absolument des textes de loi et des idéologies. Autant dire qu’elle n’a que peu d’intérêt à s’adapter aux contingences des EPCI. Est-il vraiment nécessaire d’en passer par votre article 10, qui prête à sourire, pour forcer la mise en oeuvre par un haut-commissaire d’intercommunalités qui soit seraient représentées par des habitants de grandes villes, soit couvriraient l’ensemble d’un archipel ? N’est-il pas frappant que les singularités insulaires varient ; en coutumes, en problématiques, en familles, en aspirations ? Pourquoi en venir à financer des trajets dispendieux au motif qu’il faudrait absolument que le modèle de gestion des collectivités métropolitaines s’appliquât par-delà les océans ?
Chers collègues, la plus grande France, c’est la nation. Et la nation est une famille de familles, renforcée, générée par les corps sociaux exerçant leurs libertés. Elle n’est certainement pas une construction administrative semblable à celles qui provoquent les sueurs d’un étudiant passant ses concours de droit public.
Je suis premier vice-président de la CCPRO, la Communauté de communes des pays de Rhône et Ouvèze, une intercommunalité qui a longtemps dû se battre contre les carnivores partisans et les lenteurs étatiques. À force de batailles légales, elle est parvenue à se concentrer sur son bassin de vie légitime au lieu de servir les querelles internes des partis mastodontes. Entre nos villes, les déplacements, les organisations, la gestion des agendas et la volonté de se rapprocher réellement des populations président déjà à quelques complexités d’agenda et de localisation des services.
Vous tentez de gommer ces complexités sur votre territoire au moyen des dispositions portant sur les communes associées : « le maire peut décider que la réunion du conseil municipal se tienne par téléconférence, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le quorum est alors apprécié en fonction de la présence des conseillers municipaux dans les différents lieux de réunion. Les votes ne peuvent avoir lieu qu’au scrutin public. » Je pense que c’est une bonne décision, qui permet de faire avancer les choses. Je dois néanmoins vous confier, chers collègues, que le scrutin secret par téléconférence m’a paru pour le moins baroque.
En somme, que dévoile ce texte ? Que nous sommes tous prisonniers d’une conception très intrusive de l’État dans les réalités locales, une conception oublieuse du fait que l’homme n’est maître et possesseur de la nature que pour organiser l’harmonie sociale, et certainement pas pour fabriquer des sociétés, des institutions, des communes associées, lesquelles, bien que nous ayons naturellement tendance à les créer, ne conviennent visiblement en rien aux réalités locales.
Nonobstant ces quelques remarques – il fallait bien que quelqu’un vous en fît –, je voterai très volontiers cette proposition de loi, comme je l’ai fait en commission, avec le même enthousiasme.