Intervention de Jean-Paul Bacquet

Réunion du 22 novembre 2016 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet, rapporteur :

Merci de m'accueillir au sein de votre commission.

Je viens vous présenter une proposition de loi qui est très loin d'être révolutionnaire : elle était demandée depuis une quinzaine d'années par les sapeurs-pompiers professionnels, pour les mesures qui les concernent ; s'agissant des sapeurs-pompiers volontaires (SPV), les dispositions que nous vous proposons sont rendues nécessaires par l'échec de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR), entrée en vigueur en 2005.

Il n'est jamais facile de légiférer sur ce sujet : la popularité des sapeurs-pompiers auprès de nos concitoyens est extrêmement élevée – au-delà de 90 %, bien loin devant les hommes politiques… De plus, ils sont toujours très revendicatifs. Il faut enfin avouer que, sur le plan financier, la répartition des rôles de l'État, des départements, des communes n'est pas toujours claire : des questions sur les responsabilités qui incombent à chacun peuvent donc se poser.

Il existait en France, en 2014, 193 756 sapeurs-pompiers volontaires et 40 834 sapeurs-pompiers professionnels. Depuis la départementalisation, l'augmentation du nombre de sapeurs-pompiers professionnels a été massive ; depuis une dizaine d'années, en revanche, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires diminue fortement. Cela crée un problème financier, puisque la masse salariale représente 80 % du budget des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Il existe désormais des zones désertées, des « zones blanches ». L'évolution de la démographie et des risques rend indispensable de revoir le maillage territorial, ce qui est toujours très difficile à faire accepter. Notre pays a connu sur ce sujet, il y a plusieurs mois, des manifestations massives contre les décisions prises par les élus locaux, notamment dans le département de la Drôme. Le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, créé par le précédent Président de la République, étudie les difficultés rencontrées.

Parmi les vingt-cinq engagements pris par l'actuel Président de la République au congrès de Chambéry figurait le chiffre de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires à la fin du quinquennat : nous n'atteindrons pas cet objectif, je le crains. Il y a eu une augmentation légère l'an dernier, et leur nombre est stable cette année ; mais je m'inquiète de la durée moyenne d'engagement, qui est aujourd'hui de onze ans et trois mois.

Pour aborder ce sujet difficile, j'ai bien sûr beaucoup consulté et auditionné ; je me suis également appuyé sur l'expérience de Pierre Morel-A-L'Huissier, qui est l'un des meilleurs spécialistes en la matière, et qui a notamment été le rapporteur de la loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

Les sapeurs-pompiers sont officiellement nés en 1811, sous Napoléon. En 1898, la loi de finances prévoit que l'État apportera une subvention aux communes, chargées de s'occuper des sapeurs-pompiers et du matériel de lutte contre les incendies. La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours a départementalisé l'organisation des secours, financés par les départements et les communes : il s'agissait d'assurer partout la même qualité de service, que la commune soit riche ou pauvre, que les relations entre les municipalités et les sapeurs-pompiers soient bonnes ou moins bonnes.

Cette loi a-t-elle réussi ? Oui. A-t-elle parfaitement réussi ? Non. De nouvelles inégalités se sont peu à peu créées.

Cette proposition de loi traite à la fois des sapeurs-pompiers professionnels et des sapeurs-pompiers volontaires.

En ce qui concerne les volontaires, il faut répondre à l'échec de la PFR, créée pour lutter contre la raréfaction des sapeurs-pompiers en milieu rural et pour allonger la durée de leur engagement. La prestation est en effet versée après vingt ans de services, ou quinze ans en cas d'invalidité. Tous, vous avez remis à des sapeurs-pompiers volontaires des médailles de vingt, vingt-cinq ou trente ans de services : mais il y a des fortes chances que vous en remettiez de moins en moins, et peut-être plus du tout, puisque, je le disais, la durée moyenne de service est à peine supérieure à onze ans.

La gestion de cette prestation a été confiée à la compagnie CNP Assurances ; le système de rente viagère constituée par capitalisation a donné de mauvais résultats. Nous avons versé environ 800 millions d'euros de provisions ; mais le montant des rentes versées chaque année est de l'ordre de 30 millions. Il y a de quoi se poser des questions ! En outre, une participation obligatoire des sapeurs-pompiers, de l'ordre de 57 euros par personne et par an, était prévue.

Ces dispositions concernaient les SPV intégrés dans les corps départementaux ; les sapeurs-pompiers des centres non intégrés pouvaient également adhérer à la PFR, mais seuls cinq corps ont fait ce choix.

Il fallait donc remettre à plat cette prestation, tout en gardant l'esprit original.

Le Président de la République s'était également engagé, à Chambéry, à faire en sorte que les indemnités horaires versées aux SPV soient régulièrement revalorisées, sur la base de l'évolution du coût de la vie. Jusque-là, ce n'était pas systématique ; et cette revalorisation nécessitait un accord entre le ministère de l'intérieur, le ministère des finances et le Conseil d'État : il fallait six à huit mois, c'est-à-dire que la revalorisation arrivait au début de l'année suivante… Désormais, il suffira d'un accord entre le ministère de l'intérieur et celui des finances, et ce sera fait chaque année.

En ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels, nous créons quelque chose qui existe dans toute la fonction publique : un statut d'emploi fonctionnel, pour les directeurs départementaux et directeurs départementaux adjoints des SDIS. Les lieutenants-colonels et colonels occupent aujourd'hui des postes qu'ils peuvent garder jusqu'à la fin de leur carrière : ces nouvelles dispositions leur permettront de changer de poste au sein de la fonction publique, de devenir sous-préfet, directeur de la jeunesse et des sports… Il s'agira d'un engagement de cinq ans, renouvelable une fois. Pour cela, il faut des compensations. Nous créons donc une catégorie A+, un peu mieux rémunérée ; ils conserveront en outre l'avantage de leur prime de feu.

Pour les élus locaux, cette mesure est intéressante : si un directeur départemental est mauvais, ce qui arrive rarement, vous aurez la possibilité de lui indiquer le chemin d'un autre emploi. Mais il y aura aussi de nouvelles contraintes : si un poste est vacant, il sera obligatoire, dans les six mois, de trouver un nouveau titulaire. En effet, on constate que ces postes demeurent parfois vacants très longtemps – jusqu'à six ans pour un directeur-adjoint ! – et cela pour une raison comptable évidente : si personne n'occupe le poste, pas besoin de payer le salaire. Cela ne peut pas durer.

J'ajoute deux points mineurs. Un dispositif permet à certains militaires qui quittent le service de bénéficier de la pension afférente au grade supérieur (PAGS). Or ils ne peuvent aujourd'hui pas être SPV indemnisés : s'ils percevaient une vacation, ils perdraient en effet l'avantage de la PAGS… Ils pourront désormais être indemnisés au même titre que leurs camarades.

Enfin, l'inspection de la défense et de la sécurité civiles devient l'inspection générale de la sécurité civile. Ce sera donc un grand corps de l'État.

Voilà, mes chers collègues, l'esprit de la loi. J'ajoute qu'il serait souhaitable que cette proposition de loi soit votée rapidement pour qu'elle puisse avoir une incidence rétroactive. En effet, le contrat avec la CNP se termine le 31 décembre 2015 : si nous voulons payer la PFR, alors le nouveau système doit être mis en place très vite. Pierre Morel-A-L'Huissier et moi-même avons travaillé ensemble pour envisager les difficultés qui pourraient se présenter, et nous avons essayé de parvenir à des compromis qui pourraient être acceptés par le Sénat.

J'espère que cette proposition de loi aboutira rapidement et qu'elle sera votée conforme par le Sénat : c'est une nécessité pour qu'elle soit applicable à partir du 1er janvier 2016.

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