La légitimité occupe une place privilégiée dans l'action politique. L'actualité nous montre que le vent des sondages et les glorioles médiatiques ne confèrent plus une légitimité importante. C'est un bien car nous en revenons là à la définition classique du bien commun : est légitime le politique qui apporte un service à l'ensemble de la cité. Je fais donc l'économie dans cette intervention de tout étonnement devant le spiritualisme prégnant dans cette proposition de loi. Je fais aussi l'économie des commentaires sur les arcanes par lesquels ce texte a dû passer et repasser, ainsi que sur l'étrangeté idéologique qui le sous-tend. Nous aurons assez de temps pour les dénoncer en séance.
Je soulève ici une préoccupation unique : ce texte rend-il un quelconque service à la cité ? Apporte-t-il du secours aux familles ou du lien à la nation ?
Je fais un effort en acceptant l'improbable postulat de neutralité des motivations de ce texte. J'ai donc déposé trois amendements, dont un amendement de suppression évidemment.
Le deuxième amendement porte sur la question du respect de la mort et de l'histoire qui semble animer vos volontés législatives. En effet, si la République veut s'arroger le respect des morts, elle doit faire oeuvre d'introspection. Je lui propose donc de s'interroger sur le comportement révolutionnaire dans la nécropole des rois de France en 1793 et 1794. Il semble en effet que la profanation de ces tombes ne témoigne pas de comportements particulièrement respectueux des défunts.
Le troisième amendement, après avoir pris acte de la prétendue neutralité idéologique de cette proposition de loi, consiste à interroger sa prétention humanitaire. S'il s'agit de remédier à l'éclatement des foyers et à la difficulté de rendre hommage aux morts, le bon sens commanderait de soutenir cette proposition de loi. Je serai ainsi favorable à la mise à disposition d'une salle pour les familles, salle qui par ailleurs existe déjà dans bien des services municipaux, absolument absents de la réflexion et de l'exposé des motifs du texte.
Au cas où vous refuseriez ces modifications, nous serions obligés de constater que votre proposition de loi relève en fait d'une nouvelle volonté d'intrusion de l'État dans les étapes de la vie d'un homme. Cet appétit pour le rite procède évidemment d'une spiritualité républicaine que les hommes de bonne volonté croyaient désormais vouée aux poubelles de l'histoire.
Rappelez-vous la grande leçon du défunt René Girard : l'homme et le christianisme possèdent des rites pour exclure la violence de la cité et notamment l'instrumentalisation de la violence par des forces tierces. Aujourd'hui, un certain nombre d'idéologues désirent ardemment mimer les cérémonies chrétiennes pour s'arroger des droits nouveaux sur l'homme et sur la société. Cette folle envie déverse une violence inouïe dans notre société. Elle ne pourrait que s'accentuer si l'État s'introduisait davantage dans le tabou de la mort et du salut.