Intervention de Christian Eckert

Réunion du 23 novembre 2016 à 10h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics :

Nous vous avions annoncé de nouvelles priorités en cours d'année 2016 et un financement par redéploiements : vous en trouvez ici la traduction concrète. Et financer ces priorités ne nous empêche pas de respecter notre trajectoire et les engagements pris en LFI.

S'agissant des recettes et des comptes spéciaux, les recouvrements sont en phase avec ce que nous vous présentons. Des ajustements ont été opérés, à la baisse sur les recettes fiscales, presque exclusivement au titre de l'impôt sur les sociétés, et à la hausse pour les recettes non fiscales et le solde des comptes spéciaux, mais en restant très prudent sur le cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, dont on connaît l'extraordinaire volatilité.

Ce sont des évolutions que nous avions annoncées dès la présentation du PLF 2017 et les chiffres ont peu varié, sauf pour intégrer l'opération exceptionnelle de recapitalisation de l'Agence française de développement (AFD), du reste globalement neutre sur le solde. Et je rappelle que le niveau des recettes fiscales tient compte de l'allégement de l'impôt sur le revenu à l'entrée de barème en 2016 et de la deuxième tranche du pacte de responsabilité.

Des dépenses tenues, des recettes atteintes : cela se traduit donc par un solde budgétaire qui s'améliore et la confirmation de l'objectif de déficit public à 3,3 %.

Ce projet de loi de finances rectificative comprend également plusieurs dispositions fiscales importantes.

Je voudrais tout d'abord évoquer celles qui concernent la lutte contre la fraude, qui a été combattue sans relâche sous ce quinquennat, grâce à la mobilisation des administrations, mais aussi à plus de soixante-dix mesures législatives spécifiques adoptées depuis 2012. Les résultats sont là : 21,2 milliards d'euros de redressements fiscaux en 2015, contre 16 milliards en moyenne du temps de nos prédécesseurs. Une différence d'un tiers, ce n'est pas rien…

Les résultats enregistrés nous encouragent à prolonger notre action dans ce domaine. L'enjeu est fondamental pour l'autorité comme pour l'efficacité de la puissance publique. C'est pourquoi, afin d'amplifier cette lutte, et conformément à ce qui a été annoncé lors du Comité national de lutte contre la fraude du 14 septembre dernier, le PLFR pour 2016 comporte de nouvelles mesures qui renforceront l'efficacité du contrôle fiscal tout en garantissant au contribuable une plus grande prévisibilité.

La première d'entre elles concerne la mise en place d'une procédure de contrôle fiscal réalisée à distance à partir de la comptabilité dématérialisée des entreprises. Ainsi, sans que soit rompu le dialogue entre l'administration et le contribuable, l'entreprise bénéficiera d'un contrôle allégé n'impliquant pas la présence quotidienne du vérificateur, lequel pourra se focaliser sur les risques précisément identifiés.

Dans le même esprit, et toujours dans le souci d'adapter nos modes d'intervention à la réalité des enjeux, nous proposons un contrôle spécifique et sur place des remboursements de crédits de TVA, qui sont un vecteur important de fraude. L'administration sera tenue par un délai de soixante jours de traitement de ces demandes pour limiter la durée d'impact sur la trésorerie de l'entreprise.

Les enjeux financiers liés au mécénat sont considérables. Le Gouvernement en a pris la mesure et a décidé de créer une procédure spécifique de contrôle des documents délivrés par les associations pour ouvrir droit aux avantages fiscaux sur les dons. Cette procédure permettra de vérifier que les montants indiqués sur les reçus fiscaux sont corrects. Je précise que cette disposition a préalablement été présentée au Haut Conseil de la vie associative, qui en a approuvé le principe.

Dans la lutte contre la fraude, notamment à l'échelle internationale, un accès rapide à l'information est déterminant. C'est pourquoi, en écho à l'initiative de votre assemblée sur les « aviseurs », l'administration pourra désormais entendre officiellement des témoins de fraude fiscale internationale et utiliser le résultat de ces auditions.

Enfin, nous prévoyons de nouvelles dispositions afin d'amplifier la lutte contre l'optimisation en matière d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le PLF prévoit déjà de contrer les montages qui, de façon tout à fait artificielle, augmentent le plafonnement de cet impôt. Certains abus ayant également été constatés sur l'exonération des biens professionnels, nous proposons dans ce projet de loi de finances rectificative les dispositions qui permettent d'y mettre fin.

Ce texte trouve également des réponses appropriées à différentes décisions du Conseil constitutionnel, et ce principalement sur deux points.

D'une part, les contribuables qui ne déclaraient pas un compte à l'étranger étaient jusqu'ici soumis à une amende, indépendamment d'un éventuel redressement fiscal. Cette amende était exprimée soit en montants forfaitaires soit en proportion des avoirs : 5 % lorsqu'ils dépassaient 50 000 euros. Le Conseil constitutionnel a récemment censuré cette amende proportionnelle. La non-déclaration d'un compte à l'étranger restant une infraction grave, les pénalités fiscales en cas de redressement effectif seront désormais automatiquement de 80 % si les fonds figurent sur un compte non déclaré à l'étranger, contre 40 % la plupart du temps aujourd'hui.

D'autre part, le Conseil constitutionnel a censuré, pour rupture du principe d'égalité, l'exonération de la taxe de 3 % dont bénéficiaient les groupes fiscalement intégrés. J'ai lu trop d'erreurs d'interprétation sur ce point : rappelons que le Conseil n'a pas censuré la taxe de 3 %, contrairement à ce qu'ont écrit certains observateurs ; il a seulement supprimé l'exonération de cette taxe pour les groupes fiscalement intégrés – les filiales de groupes étrangers détenues dans des conditions comparables en étaient privées. Nous avions jusqu'au 1er janvier pour corriger les choses, faute de quoi l'État se retrouverait à percevoir des recettes disproportionnées par rapport aux capacités des acteurs économiques. Pour épargner aux grandes entreprises françaises une hausse d'impôt de 3,6 milliards, tout en respectant le principe d'égalité, l'exonération sera étendue, si vous l'acceptez, aux distributions des filiales françaises de groupes étrangers dès lors que le critère de détention de 95 % sera respecté. La neutralité budgétaire de cette réforme est assurée par la création d'un acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sur les très grandes entreprises et elles seules.

Ce projet de loi renforce également nos politiques publiques en matière de développement économique, de logement et d'environnement. Je ne citerai que deux mesures à cet égard. Ce PLFR met en place le compte PME innovation (CPI), qui vise à inciter les entrepreneurs vendant les titres de leur société à réinvestir le produit de leur vente dans des PME ou des entreprises innovantes et à les accompagner, en apportant à la fois leurs capitaux, leur expérience d'entrepreneur et leurs réseaux. La contrepartie fiscale de cet accompagnement sera un report de la taxation des plus-values, jusqu'à la sortie du compte, avec une compensation entre les plus-values et les moins-values.

Suivant les orientations de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ce PLFR fixe aussi une trajectoire jusqu'en 2025 de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Il est particulièrement utile de donner une visibilité à moyen terme aux opérateurs économiques, comme nous l'avons fait avec la contribution climat-énergie.

Voilà une présentation aussi synthétique que possible de ce texte très riche qui entend poursuivre les réformes, soutenir la croissance et contribuer au redressement de nos comptes publics.

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