Vous allez voir : c'est assez fin…
Premier point, le projet de loi de finances rectificative se fonde sur une hypothèse de croissance du PIB que le Gouvernement a ramenée de 1,5 % à 1,4 %. Puis-je vous lire, chers collègues, ce que dit le Haut Conseil des finances publiques de cette révision à la baisse, à mon avis insuffisante ? « Le Haut Conseil constate que la prévision de croissance du Gouvernement, révisée de 1,5 à 1,4 % pour 2016 se situe encore dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles. » Effectivement, celles-ci tournent plutôt autour de 1,2 % ou 1,3 % ; une hypothèse de 1,4 % est donc plutôt au sommet de la fourchette. Jusqu'à présent, le Gouvernement retenait la moyenne du consensus, ce qui me paraît raisonnable ; je l'en avais d'ailleurs félicité. En l'occurrence, cette moyenne est de 1,3 %, les hypothèses les plus basses étant de 1,2 %. Le Haut Conseil critique encore plus fortement la non-révision de l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % pour l'année 2017 : « Le Haut Conseil confirme l'appréciation qu'il a portée dans son précédent avis sur les prévisions du PLF 2017. »
Deuxième point, ce projet de loi de finances rectificative inclut-il l'ensemble des dépenses auquel l'État doit faire face ? Lors de l'examen des crédits de la mission Agriculture du budget pour 2017, M. Le Foll nous avait dit que la traduction budgétaire des mesures du dernier plan de soutien à l'agriculture figurerait dans le projet de loi de finances initiale pour 2017, mais je ne l'y ai pas trouvée. Peut-être n'ai-je pas suffisamment cherché… Et je ne vois rien non plus, ni dans le projet de loi de finances initiale pour 2017 ni dans ce projet de loi de finances rectificative pour l'année 2016, sur la recapitalisation d'Areva, qui devait normalement intervenir en janvier. Il y en a quand même pour 4 à 5 milliards d'euros et, soit dit en passant, c'est, pour partie, une dépense publique pure au sens « maastrichtien » : on ne peut considérer que la totalité de cette somme soit une vraie recapitalisation, il s'agit aussi de couvrir des pertes accumulées.
Troisième observation, sur le financement de ces 7 milliards d'euros de dépenses, dont il faut certes retrancher 2,4 milliards d'euros qui correspondent à la transformation d'une dette de l'AFD en capitaux propres. Restent donc à financer 4,6 milliards d'euros de dépenses, auxquels s'ajoutent 2,6 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales, soit un total de 7,2 milliards d'euros.
Analysons les moyens mis en face de ces dépenses. Nous avons 2,9 milliards d'euros de baisse des intérêts, parce que, pour l'État, maintenant, s'endetter rapporte, mais cela ne peut durer : la Réserve fédérale américaine a annoncé qu'elle allait remonter ses taux directeurs ; le problème est de savoir à quelle vitesse. Autrement dit, ce n'est pas une vraie économie, mais une économie de constatation, à la faveur d'un phénomène qui va s'inverser. Viennent ensuite 300 millions d'euros d'anticipation de la recette de la C3S dès 2016 en augmentant l'acompte. S'ajoutent 200 millions d'euros de prélèvements sur trois caisses d'organismes publics, dont l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), opérations par nature non reconductibles, et la révision, à hauteur de 800 millions d'euros, des versements aux collectivités territoriales au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), liée à la chute de leurs investissements – nous vous en avions prévenu, et en voilà la traduction dans le FCTVA. C'est la conséquence d'une politique qui n'est pas forcément durable. Et pour terminer, 700 millions proviennent de la vente de bandes de fréquence, opération elle aussi non reconductible. Et je ne parle pas du « Brexit » qui nous affectera probablement aussi de ce point de vue : le Royaume-Uni étant contributeur net de l'Union européenne à hauteur de 7 milliards d'euros, on peut s'attendre à une remontée du prélèvement sur recettes à partir de 2018. Tout cela fait 6,1 milliards d'euros, mais où sont donc les économies réelles et permanentes ? C'est cela qui m'inquiète beaucoup. Grosso modo, ce sont, pour l'essentiel, des mesures non reconductibles. Que répondez-vous à cela, monsieur le secrétaire d'État ?