Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 22 novembre 2016 à 18h30
Commission des affaires économiques

Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat :

Je suis heureuse de faire devant vous le bilan de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de la stratégie bas-carbone.

Lors de la COP22, la communauté internationale a félicité la France pour le travail accompli non seulement pour boucler l'accord de Paris sur le climat mais aussi pour gagner la bataille des ratifications. Le 1er septembre dernier, les ratifications ne couvraient que 2 % des émissions ; trois mois plus tard, les ratifications de 113 pays en couvrent 77 %. Jamais un accord international n'aura été ratifié aussi rapidement. Si la France a pu recueillir cette victoire diplomatique et écologique, c'est aussi parce que nous avons été exemplaires en nous appliquant à nous-mêmes, avant la conférence de Paris, ce que nous demandions aux autres de faire. Nous sommes le seul pays de l'Union européenne dont le Parlement a adopté une loi sur la transition énergétique, inscrivant ainsi sa contribution nationale dans la loi ; le seul pays ayant publié sa stratégie bas-carbone et sa PPE ; et le seul pays ayant mis en place les outils d'application que sont la fiscalité écologique avec le crédit d'impôt, les territoires à énergie positive et les tarifs de rachat pour l'électricité propre, en particulier les contrats avec toutes les filières de production d'énergies renouvelables.

Vous avez largement contribué à ce succès. Je salue la tâche remarquable accomplie par vos rapporteurs et par les députés pour l'élaboration de cette loi. Vous êtes aussi les auteurs de ce bilan dont la France peut être fière et qui traduit un long travail : l'examen du projet de loi par vos commissions, le débat en séance publique mais aussi, après la promulgation d'un texte abondamment enrichi par les parlementaires, l'élaboration des textes d'application, travail tout aussi considérable. Je suis donc très heureuse de pouvoir vous dire que, dix-huit mois après la promulgation de la loi, la quasi-totalité des textes d'application sont publiées. Je pense que jamais dans notre histoire législative une loi aussi complexe et dense n'aura été appliquée dans un temps si ramassé.

Ainsi, l'ensemble des dix-huit ordonnances – pour 55 habilitations – sont soumises au Conseil d'État. La dernière, qui porte sur les réseaux fermés de distribution d'électricité, sera présentée au conseil des ministres d'ici la fin de l'année. Le projet de loi de ratification des ordonnances sur les énergies renouvelables et l'autoconsommation est actuellement soumis à l'examen du Parlement. 98 % des décrets, sur un total considérable de 162 mesures réglementaires à prendre, regroupées dans 96 textes, ont été soumis au Conseil d'État ou mis en signature, et 85 % de ces textes sont déjà publiés. Mes remerciements vont à mes équipes et aux directions du ministère qui, pour venir à bout de ce travail gigantesque, n'ont ménagé ni leur temps, ni leur peine.

Les cinq outils de planification sont en place. La stratégie nationale bas-carbone à l'horizon 2030 a été publiée en novembre 2015 ; elle constitue la base de la contribution française à l'accord de Paris. Comme je vous l'ai dit, la France est, des 113 nations qui ont ratifié l'accord, la seule qui ait publié un texte portant sur tous les aspects de la transition énergétique et écologique, et une stratégie bas-carbone. Les programmations pluriannuelles de l'énergie sont publiées pour la métropole, la Corse et La Réunion ; les autres PPE des outre-mer, en cours d'élaboration, seront prochainement soumises à consultations, lesquelles représentent également un travail considérable. La PPE pour la France métropolitaine est accompagnée de la stratégie nationale de développement de la mobilité propre, volet majeur de cette dynamique. Le plan de réduction des émissions de polluants atmosphérique sera publié dans quelques semaines, à l'issue des consultations obligatoires. Enfin, la stratégie nationale de recherche énergétique, en voie de finalisation, vient d'être présentée au Conseil national de la transition écologique.

J'ai présenté les objectifs de développement durable de la France à l'Organisation des Nations Unies (ONU). La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et les cinq outils de planification qu'elle prévoit donnent du corps et de la cohérence à la stratégie voulue par l'ONU.

Vous savez mon attachement à la co-construction des textes. Une intense concertation sur cette stratégie complexe a eu lieu avec les parties prenantes. Pour la première fois, la stratégie énergétique de la France a fait l'objet, non seulement d'un travail parlementaire approfondi, mais aussi d'un débat ouvert avec la société civile. En témoigne la concertation menée pour l'élaboration de la PPE : organisation de multiples ateliers de travail avec les acteurs des secteurs concernés, consultation et avis de nombreuses instances, publications sur le site du ministère et publications des contributions du grand public. Vos représentants au Conseil national de la transition écologique et au Conseil supérieur de l'énergie peuvent l'attester, les propositions du collège parlementaire ont été largement reprises dans la version finale du texte. L'Autorité environnementale ainsi que le comité d'experts pour la transition énergétique créé par la loi ont également rendu leur avis – il faut se rendre compte du travail qu'induit la création d'une instance de cette sorte, introduite au cours du débat parlementaire.

Enfin, le public a été consulté sur le site du ministère ; 5 000 contributions ont été reçues, synthétisées, après que je les ai lues personnellement, puis intégrées dans la PPE. Ce fut un grand travail, mais ma conception de la démocratie participative est que si l'on consulte le public, alors on donne suite, si cela se peut, à ses propositions. Je tiens donc à votre disposition le tableau récapitulant toutes ces contributions. On y trouve détaillées celles qui ont été intégrées dans la PPE et, quand cela était impossible, les raisons ayant empêché qu'elles le fussent.

Il a aussi fallu mobiliser les territoires pour la transition énergétique. Ayant été élue locale pendant de très longues années, j'y tenais particulièrement. Je sais que les citoyens, les élus et les entreprises ont besoin de s'approprier les textes pour leur donner une réalité et un impact. La plupart d'entre vous, et je vous en remercie, ont oeuvré à la création de territoires à énergie positive ; on en compte maintenant 400 environ. À mes yeux, élaborer une ordonnance complexe et conclure un contrat de territoire à énergie positive sont, dans le cadre de cette loi, deux actes d'égale importance.

Vous le savez, la PPE comprend aussi un volet relatif aux économies d'énergie. J'ai annoncé, au début du mois, le doublement des objectifs des certificats d'économie d'énergie. L'objectif fixé pour les trois ans à venir est de 1 200 térawatts-heure (TWh) cumulés pour les certificats « classiques », contre 700 pour la période qui prend fin en 2017, et de 400 TWh cumulés pour les certificats destinés à lutter contre la précarité énergétique créés par la loi et mis en place dès le début de l'année 2016, contre 150 TWh pour la période en cours. Les travaux réalisés grâce aux certificats d'économie d'énergie permettront de réduire la facture énergétique de 10 milliards d'euros par an. Ces objectifs figureront dans un décret en Conseil d'État en cours d'examen et qui sera publié prochainement, pour donner aux fournisseurs d'énergie concernés la visibilité nécessaire. Je me suis engagée à faire toute la transparence sur l'utilisation des certificats, afin qu'ils contribuent aux objectifs prioritaires fixés dans la loi. Je les contrôle personnellement pour éviter que ne se constitue, comme par le passé, une économie circulaire au profit des opérateurs : les certificats doivent effectivement être réutilisés au bénéfice des consommateurs.

Plus généralement, la PPE renforce la lutte contre la précarité énergétique, qu'elle vise à réduire de 15 % à l'horizon 2020. La loi a ajouté la performance énergétique à la liste des critères de décence du logement ; ce texte, à l'élaboration complexe, est à l'examen du Conseil d'État et sera prochainement publié. Les logements HLM mis en vente par le bailleur devront respecter des critères minimaux de performance énergétique. La loi institue le fond de garantie de la précarité énergétique, destiné à garantir des prêts pour les ménages modestes. Enfin, l'évaluation de l'expérimentation du chèque énergie, que j'ai heureusement limitée à quatre départements pour pouvoir réajuster le dispositif, montre qu'en augmentant le volume de dépenses on a accru d'un million le nombre de bénéficiaires potentiels, mais qu'une partie des bénéficiaires qui, auparavant, cumulaient des aides relatives à plusieurs sources d'énergie ont constaté une petite baisse du montant reçu. Nous sommes en train de réajuster le dispositif pour corriger cet effet, tout en l'étendant aux sources d'énergie – par exemple aux cuves à fioul – précédemment écartées des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz ; il pourra aussi être utilisé pour la réalisation de travaux d'économies d'énergie.

Pour ce qui concerne la rénovation énergétique des bâtiments, douze décrets sur seize sont publiés. Quatre décrets dont la rédaction a été particulièrement ardue sont encore à l'examen au Conseil d'État et seront prochainement publiés, notamment celui qui porte sur la rénovation des immeubles tertiaires, très attendu, et celui qui concerne l'exemplarité des bâtiments publics.

Dans le secteur de la construction neuve, la France vise une première mondiale en préparant une réglementation environnementale pour un bâtiment à énergie positive et bas-carbone. Le décret sur le bonus de constructibilité est publié ; il définit – et nous sommes le premier pays à le faire – ce qu'est un bâtiment à énergie positive et bas-carbone. Ma collègue Emmanuelle Cosse et moi-même avons lancé la semaine dernière une expérimentation visant à définir de futurs standards réglementaires environnementaux ambitieux. En 2018, 100 % des bâtiments neufs doivent être à énergie positive et bas-carbone. Les constructions neuves seront pré-équipées en dispositifs de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables, ce qui servira le développement industriel du véhicule propre.

Les constructions existantes constituent la plus grosse part du défi que représente le « bâtiment économe ». La loi fixe l'ambition que la totalité du parc de bâtiments soit aux normes « bâtiment basse consommation ». La réglementation thermique s'appliquant aux bâtiments existants a été révisée dans le sens des ambitions de la loi et de la stratégie bas-carbone. La loi renforce l'ambition en imposant des travaux d'isolation thermique et acoustique en cas de travaux de rénovation importants. Le décret a été publié il y a six mois, en dépit des résistances du secteur du bâtiment et de la construction – lequel constate maintenant que le texte permet la création d'emplois dans ce secteur. La loi renforce l'obligation de travaux de rénovation énergétique dans le secteur tertiaire – le décret est également publié –, visant une réduction de la consommation d'énergie de 60 % à l'horizon 2050. C'est le calendrier évoqué à la COP22 pour aboutir à la « neutralité carbone ».

S'agissant des transports propres et de la qualité de l'air, l'appel à projets relatifs aux transports urbains, dont les lauréats ont été annoncés fin 2014, a permis la création de nouveaux projets de transports collectifs dans les agglomérations. 450 millions d'euros ont récompensé 99 projets visant à favoriser les modes alternatifs aux véhicules particuliers ainsi qu'à développer les transports collectifs en site propre – métros, tramways, bus à haut niveau de service, appontements fluviaux-maritimes et aussi transports par câble. Dans ce dernier secteur, huit magnifiques projets verront le jour. J'ai eu le plaisir d'inaugurer le premier téléphérique urbain à Brest. Qu'en dire ? Aucune pollution, aucun accident, aucun encombrement et un rapport qualité-prix remarquable, puisque l'absence d'emprise au sol est facteur d'économies considérables : un transport par câble a coûté 19 millions d'euros, alors que la construction d'un pont pour franchir le même espace aurait coûté de 100 à 150 millions d'euros. C'est le mode de transport du futur dans les villes asphyxiées, même quand il n'y a pas de dénivelé. L'ordonnance prévue à l'article 52 de la loi et que j'ai publiée simplifie la procédure : il n'est plus obligatoire d'exproprier les terrains survolés par les câbles, ce qui lève un frein puissant.

Avec la création de l'indemnité kilométrique vélo et la réduction d'impôt prévue à l'article 39 de la loi pour les sociétés qui mettent une flotte de vélo à disposition de leur personnel, la France s'est également dotée d'une législation incitant à la pratique du vélo comme mode de déplacement quotidien.

L'article 55 a créé un plan de déplacements spécifique aux territoires ruraux, le plan de mobilité rurale. Il a été mis en application.

Pour favoriser l'élaboration des plans de mobilité dans les entreprises, l'article 51 précise leur contenu et prévoit leur transmission aux collectivités compétentes ; tous les textes sont publiés.

Enfin, un soutien exceptionnel de 30 millions d'euros pour les années 2016 et 2017 a été décidé en faveur des entreprises recourant au transport combiné pour leurs marchandises. L'objectif est d'éviter l'utilisation de plus de 900 000 poids lourds et l'émission de 760 000 tonnes de CO2.

Conformément à l'article 52 de la loi, le transport maritime a également été appelé à contribuer à la transition énergétique avec la publication du schéma national d'orientation pour le déploiement du gaz naturel liquéfié (GNL) comme carburant marin. Des initiatives ont déjà vu le jour dans les ports du Havre, de Marseille, de Nantes et de Dunkerque. La réactivité de la France pour se positionner dès maintenant sur le marché naissant du GNL est primordiale et répond à des enjeux économiques importants pour les filières portuaire, énergétique et industrielle. Je souhaite promouvoir une filière française du GNL comme carburant marin.

L'ordonnance relative à la teneur en soufre des combustibles marins, prévue à l'article 59, a été publiée. La France réalisera cette année 630 contrôles dans les ports français, dont 189 comporteront des prises d'échantillons de carburant. Au 30 septembre, à la suite des instructions que j'ai données, 466 contrôles avaient été réalisés et 7 infractions constatées. Les infractions font l'objet de poursuites judiciaires car un combustible à haute teneur en soufre pollue potentiellement de manière considérable.

Un appel à projets visant à sélectionner des projets de ports à énergie positive a été publié à l'été 2016 ; les dossiers peuvent être déposés jusqu'au 30 novembre. De très beaux projets seront prochainement mis en valeur.

Je ne saurais passer sous silence le lancement des travaux du premier kilomètre de la « route solaire » dans le département de l'Orne. Cet exemple de saut technologique propulse la France dans ce qui se fait de meilleur en matière d'audace technologique liée aux énergies renouvelables.

Nous assistons aussi au changement d'échelle du déploiement de la mobilité électrique : le seuil des 100 000 véhicules électriques a été franchi. J'ai fixé l'objectif d'un million de points de charge, publics et privés, en trois ans.

Après l'avis du Conseil d'État, qui a examiné le texte le 8 novembre dernier, les décrets relatifs à l'achat de véhicules à faibles émissions par l'État et les collectivités locales pour le renouvellement des flottes publiques sont prêts à être publiés. Désormais, la moitié des achats annuels de voitures, utilitaires et poids lourds par l'État et 20 % de ces achats par les collectivités locales devront être des achats de véhicules propres. C'est un minimum : je souhaitais qu'ils représentent 100 % des acquisitions à l'horizon 2020, ce qui aurait créé un marché public plus vaste. Je suis sûre que lorsque l'habitude aura été prise d'utiliser des véhicules propres, les réticences constatée au moment du vote de la loi se dissiperont. Je fais le pari qu'une fois les bornes électriques installées et la filière hydrogène énergie développée, on ira, comme c'est nécessaire, beaucoup plus vite si les constructeurs automobiles baissent les prix et renforcent l'efficacité de leurs véhicules.

La fiscalité des carburants a été réformée au service de la transition énergétique avec la poursuite du rapprochement de la fiscalité sur l'essence et le diesel en 2017 et l'extension progressive, en cinq ans, de la déductibilité de la TVA sur les véhicules essence d'entreprises pour l'aligner sur celle qui vaut pour les véhicules diesels.

Enfin, les certificats « qualité de l'air » permettent la création des zones à circulation restreinte prévue par la loi. Je salue les initiatives prise par Grenoble, première ville qui utilise ces certificats. Au niveau national, plus de 100 000 certificats ont déjà été demandés par les propriétaires de véhicules. La montée en puissance à laquelle on assiste permettra aux maires, comme la loi leur en donne le droit, de définir les zones à circulation restreinte et ainsi de ne pas s'en tenir à la circulation alternée en cas de pics de pollution mais de réglementer la circulation en fonction de la propreté des moteurs.

Tous les textes d'application du titre IV de la loi ont été adoptés. Ce titre IV permet d'engager la France dans un défi majeur : passer d'un modèle économique linéaire à un modèle d'économie circulaire. L'élaboration des décrets a été très compliquée car il a fallu intégrer l'ensemble du cycle de vie des produits : dès leur production éco-conçue, pendant leur phase de consommation et jusqu'à la gestion des déchets qui en résultent.

Plusieurs mesures, tels les objectifs de gestion des déchets définis à l'article 70, étaient d'application immédiate : diminution de moitié de la mise en décharge prévue d'ici 2025 ; généralisation du tri à la source des bio-déchets ; généralisation du tri de tous les emballages en plastique ; définition et pénalisation de l'obsolescence programmée.

L'article 75 a permis l'interdiction progressive des sacs plastiques à usage unique. Cette disposition, citée en exemple à la COP21 et à la COP22, a suscité la création d'une coalition d'États, de structures infra-étatiques et de villes, qui ont également décidé de lutter contre l'utilisation de ces sacs et la pollution marine ainsi provoquée.

L'article 93 permet le développement d'un réseau de déchèteries professionnelles accueillant les déchets du bâtiment et des travaux publics (BTP). Que n'ai-je entendu à ce sujet ! Le décret est pris. Ces déchets constituent un gisement très important en quantité et en recyclage ; j'observe que ceux qui étaient les plus réticents sont désormais parfois les plus dynamiques. Souvent, ils se sont regroupés, ce que le décret autorise quand il s'agit de petits revendeurs. Une réflexion est maintenant lancée sur la réutilisation des déchets du BTP pour des gros travaux d'infrastructure. On voit naître, enfin, – car la France était en retard sur l'Allemagne à ce sujet – une filière de recyclage des métiers du bâtiment.

La lutte contre le gaspillage alimentaire dans les restaurants publics des collectivités territoriales et de l'État, prévue à l'article 102, est en place. À ma demande, un guide de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) consacré à ce sujet a été diffusé. Pour compléter la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, le secteur de la restauration à domicile a également été mobilisé.

La PPE prévoit l'accélération très forte du développement des énergies renouvelables – coeur du dispositif – en augmentant de plus de 50 % la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2023 par rapport à 2015. Il ne faudra pas traîner !

Ces objectifs ont été déclinés par filière dès le mois d'avril, puis repris dans la PPE. Il a fallu discuter, filière par filière, pour être à la fois réaliste et offensif. Mon ambition est de doubler la capacité éolienne et de tripler la capacité solaire d'ici 2023. Pour y parvenir, j'ai réformé les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques en instaurant le complément de rémunération, qui accompagne la meilleure intégration des installations de production d'énergies renouvelables aux marchés.

J'ai accéléré les appels d'offres pour le développement des énergies renouvelables. Pour le photovoltaïque, la visibilité donnée par un calendrier étendu permet de consolider les filières industrielles, avec un appel d'offres pluriannuel portant sur des installations solaires au sol pour un volume de 3 000 mégawatts (MW) réparti sur six tranches s'étalant sur trois ans ; un appel d'offres pour des installations solaires sur bâtiments, avec un volume de 1 350 MW réparti sur neuf tranches s'étalant sur trois ans ; et la désignation des lauréats des appels d'offres pour des fermes au sol et des projets sur bâtiments, à hauteur de 1 100 MW en 2016. J'ai veillé à ce que tous les appels d'offre lancés cette année comportent une prime incitant au financement participatif. Cette nouveauté a un peu compliqué les choses mais il fallait tenir bon car c'est aussi l'esprit de la loi.

Plus important encore, le nouveau cadre réglementaire de l'autoconsommation est en place. Ce n'était pas plus facile, car c'est d'un changement complet des mentalités qu'il s'agit. J'ai lancé un premier appel d'offres et 72 lauréats vont bénéficier d'une prime moyenne de 40,88 euros par MWh. Tous les dossiers lauréats sont des projets photovoltaïques et 28 d'entre eux ont opté pour l'investissement participatif, ce qui est un résultat très important. Le taux d'autoconsommation moyen est très élevé : il avoisine les 98 %.

Comme je l'ai maintes fois répété au cours du débat parlementaire, la PPE n'oppose pas les énergies les unes aux autres mais précise la part de chacune à l'horizon 2018 et à l'horizon 2023. La PPE présente les fourchettes de diminution de la part du nucléaire dans la production d'électricité, conformément aux scenarii de consommation et de réseaux étudiés en concertation. Elle précise les outils permettant de réduire la consommation d'énergie dans le bâtiment et les transports. Elle fixe les ambitions de développement et d'organisation des réseaux de distribution pour mettre en place un modèle énergétique plus intelligent et plus décentralisé.

Dans le cadre du fonds « chaleur » dont nous avons doté l'ADEME pour développer la filière biomasse, l'appel à projets biomasse chaleur dans l'industrie, l'agriculture et le tertiaire, dit « ENERGIEBIO », a été lancé en septembre 2016 ; les offres doivent être remises le 31 janvier 2017 au plus tard.

Avec 55 millions d'euros consacrés à l'approvisionnement en biomasse des chaufferies, l'appel à manifestation d'intérêt « Dynamic bois » lancé en 2015 et reconduit en 2016 a permis d'accompagner 40 projets structurants destinés à alimenter – à hauteur de 3 millions de tonnes de bois – les chaufferies soutenues par le fonds chaleur et à améliorer la qualité des peuplements sur près de 40 000 hectares, avec un financement direct.

Un mot sur la démocratie participative, que la loi cherche à renforcer dans le domaine énergétique. L'installation d'équipements de production d'énergie renouvelable – éoliennes, méthaniseurs, chaufferies bois, fermes photovoltaïques – suscite souvent des débats qui allongent les délais de réalisation. Je m'étais engagée à réduire drastiquement les délais : le permis unique vise à ce que les opérateurs sachent d'emblée si leur projet est correctement structuré et quand ils pourront construire, pour éviter les contentieux et les rebondissements ultérieurs. Pour accompagner les nouveaux textes publiés cet été, nous avons publié une charte de la participation du public ; à la disposition de tous, elle rassemble les valeurs et les principes à mettre en oeuvre lors des concertations. Outre que la concertation permet d'améliorer les projets, elle suscite un meilleur dialogue, permet aux élus locaux de prendre leurs responsabilités et, en restreignant les contentieux, réduit les délais de mise en oeuvre.

Sur la sûreté nucléaire, l'ensemble des textes d'application – ordonnance et décrets – du titre VI ont été adoptés. Avec l'article 124 de la loi et les textes d'application, nous avons amélioré l'information et la transparence en matière de sûreté nucléaire à l'égard des citoyens, en renforçant le rôle des commissions locales d'information (CLI) et en modifiant leur composition. Elles sont désormais ouvertes à des habitants des pays frontaliers – et, pour la première fois, des Suisses ont participé à la CLI du Bugey, le 8 avril 2016.

L'article 125 de la loi a introduit des modalités de suivi spécifiques des salariés des sous-traitants des industries nucléaires par la médecine du travail.

J'ai mis un point d'honneur à ce que le décret relatif à la modification, à l'arrêt définitif et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu'à la sous-traitance, texte complexe qui devait faire l'objet d'un travail très minutieux dans un domaine particulièrement sensible, soit publié ; il l'a été le 28 juin 2016.

L'article 126 précisant et renforçant le cadre réglementaire des modifications des installations nucléaires de base est aussi appliqué. Les modifications substantielles sont désormais soumises à une autorisation donnée soit par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), soit par décret en Conseil d'État après avis de l'ASN. La France se dote ainsi d'un régime plus clair d'encadrement de la prolongation de la durée de vie des installations, en particulier des centrales nucléaires au-delà de 40 ans, avec un suivi renforcé de l'état de sûreté. Les prescriptions qui en découlent comprennent les dispositions relatives au suivi dans le temps des équipements importants pour la sûreté, avec un rapport intermédiaire après cinq ans.

Le 10 février 2016, une ordonnance portant diverses dispositions en matière nucléaire a été publiée en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle renforce les moyens de contrôle et les pouvoirs de sanction de l'ASN, en dotant cette autorité d'outils plus gradués, telles que les amendes et les astreintes administratives.

J'ai renforcé les moyens budgétaires de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L'ASN a bénéficié de dix créations d'emplois en 2016 comme en 2015 ; en 2017, il y en aura trente, ce qui permettra d'accélérer la publication des avis. L'IRSN bénéficiera de la création de vingt postes.

L'ordonnance institue une obligation nouvelle de protection physique des sources radioactives utilisées dans l'industrie nucléaire, l'industrie classique ou pour la recherche, afin d'en prévenir le vol et l'utilisation malveillante. Elle dote en outre le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l'énergie de pouvoirs de contrôle renforcés et gradués, afin de garantir que les opérateurs nucléaires assurent une protection efficace des matières nucléaires contre les risques de vol et d'utilisation malveillante. Cette ordonnance participe de l'effort du Gouvernement dans la lutte contre le terrorisme.

Des mesures ont été prises pour donner à tous le pouvoir d'orienter l'économie vers une société bas-carbone. Ainsi, l'article 173 de la loi prévoit que les investisseurs doivent désormais prendre en compte les critères liés à la lutte contre le changement climatique dans leurs stratégies d'investissement et faire rapport sur ce point à leurs actionnaires. Cet article de la loi française et ce « reporting vert » servent de référence aux réseaux d'investisseurs dans le monde. Pour le compléter, j'ai créé deux labels – l'un distingue les fonds d'investissement « verts », l'autre les projets de financement participatif verts – ainsi qu'un prix du meilleur reporting extra-financier des investisseurs. J'ai aussi remis de premiers prix internationaux du reporting extra-financier, fin octobre, aux meilleures entreprises investisseurs.

Par ailleurs, j'ai renforcé le soutien à l'innovation par plusieurs voies. Dans le cadre de Greentech, le ministère a accompagné financièrement, à ce jour, 200 « jeunes pousses » lauréates. Le programme d'investissements d'avenir (PIA) a financé de grands démonstrateurs, singulièrement pour le développement des énergies renouvelables en mer, tel l'éolien flottant, pour lequel j'ai annoncé en 2016 les quatre projets lauréats de fermes pilotes. Enfin, les deux tiers des crédits du nouveau PIA, lancé dans le projet de loi de finances pour 2017, seront consacrés au développement durable et à la transition énergétique. C'est un support très fort pour l'application de la PPE.

Il y aurait encore énormément à dire pour donner de l'écho au travail considérable qui a été réalisé. J'entends parfois, et je lis aussi – y compris dans le rapport que vous avez publié –, que ce n'est pas suffisant et qu'il aurait fallu faire davantage. Non ! Ma conception de la vie politique n'est pas le « toujours plus », et l'auto-flagellation ne se justifie pas. La France peut être fière de ce qu'elle a fait, et il faut être conscient de ce qui se dit à l'échelle internationale. Car si, à l'intérieur, la critique fuse facilement, je puis vous dire – et ceux d'entre vous qui ont des discussions avec des collègues des parlements du monde sur les questions climatiques le confirmeront – que la France est à l'avant-garde en matière de transition énergétique. Si elle l'est, c'est au prix d'un travail considérable du Parlement, des élus dans leurs territoires, et des équipes du ministère qui sont véritablement au service de l'intérêt général, oeuvrant pour les générations présentes comme pour les générations futures, car le dérèglement climatique est déjà là. Nous sommes conscients de cette urgence et c'est ce qui nous a conduits à travailler rapidement, sans nous ménager. J'entends parfois critiquer la fonction publique ; je tiens à vous dire qu'elle travaille, avec acharnement, au service de nos concitoyens. (Applaudissements)

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