Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 22 novembre 2016 à 18h30
Commission des affaires économiques

Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat :

Madame Marie-Noëlle Battistel, l'ordonnance sur l'expérimentation relative aux réseaux fermés est prête et se trouve au Conseil d'État ; elle passera en conseil des ministres avant la fin de l'année. Celle sur le stockage de gaz a été repoussée par le Conseil d'État, qui a estimé qu'il fallait créer une nouvelle taxe et non faire supporter une augmentation des factures aux consommateurs. Je partage ce point de vue. Le coût du stockage est entre 400 et 500 millions d'euros. L'avis du Conseil d'État m'a permis de demander des explications aux opérateurs gaziers sur cette demande et sur le coût. La balle est dans leur camp. Il existe aussi une obligation de service public, notamment pour le grand opérateur gazier dont l'État est actionnaire.

Un rapport d'inspection sur les colonnes montantes vient de m'être remis. Il montre qu'il ne se pose pas de problème de sécurité à grande échelle. Sur cette base, les services du ministère sont en train de préparer un rapport complémentaire, qui sera disponible en fin d'année.

L'hydrogène est une énergie à laquelle je tiens beaucoup, d'où l'appel à projets sur les « territoires hydrogènes ». Nous avons reçu des projets extraordinaires. Ceux qui n'ont pas été retenus ont demandé pourquoi – une véritable levée de boucliers. Nous avons donc demandé des améliorations à certains d'entre eux et je souhaite que tous les projets qui tiennent la route soient retenus.

La stratégie bas carbone prévoit la fermeture des centrales à charbon en France à l'horizon de 2023. J'ai demandé que soit dès à présent conduit un travail sur la mutation des quatre territoires concernés. Nous pouvons accompagner cette mutation pour que ces territoires passent à des industries vertes.

Il existe en effet, Monsieur Bertrand Pancher, un risque de dépassement des trois degrés. C'est pourquoi a été décidé, à Paris et à Marrakech, le renforcement de l'ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La stratégie bas carbone 2030 fait d'ailleurs partie de ce processus. Si les développements technologiques vont vite, si les prix des énergies renouvelables baissent au niveau mondial, nous pouvons renforcer nos ambitions tout en ayant les moyens de les réaliser.

Nous avons, Madame Jeanine Dubié, reçu le rapport il y a quelques jours et nous regardons comment améliorer le chèque énergie. J'avais limité le dispositif à quatre départements et en cela j'ai bien fait. Auparavant, certains ménages cumulaient deux baisses, par exemple si le même logement recevait à la fois une facture d'électricité et une facture de gaz. Le chèque énergie s'applique à l'ensemble des consommations, à toutes les énergies, et un certain nombre de ménages ont donc vu leurs factures baisser dans une moindre proportion. Or je souhaite que nous maintenions les acquis et que nous consacrions donc notre complément de budget – puisque nous passons de 450 à plus de 600 millions d'euros et de 2,5 à 3,5 millions de bénéficiaires – à régler le problème de ceux pour qui les baisses de facture sont moins importantes qu'auparavant.

En ce qui concerne le permis de recherche minier du Gers, vous avez raison : on ne peut préconiser une stratégie bas carbone et continuer à distribuer des permis miniers. Or il existe dans le code minier actuel un droit à prolongation des permis qui se télescope avec la loi relative à la transition énergétique. À la suite de la décision du tribunal administratif de Pau, j'ai repris un arrêté de refus de prolongation, motivé différemment, en faisant valoir la stratégie bas carbone, la programmation pluriannuelle de l'énergie et la baisse de 30 % des énergies fossiles d'ici à 2030. Nous verrons ce que ça donne. J'espère que cela permettra une évolution jurisprudentielle. Si le tribunal administratif annule à nouveau cet arrêté, je ferai appel.

Monsieur Patrice Carvalho, l'élection du nouveau président américain a en effet jeté un froid sur la conférence de Marrakech mais, paradoxalement, cela a eu un effet de motivation : de nouveaux pays ont ratifié l'accord de Paris, dont le Royaume-Uni, ce à quoi je ne m'attendais pas. Ces ratifications ont été la meilleure réponse aux propos climato-sceptiques. C'est la première fois, depuis la convention de Rio de 1992, que l'on voit un grand État industriel et pollueur intégrer des thèses climato-sceptiques. Il paraît toutefois que le futur président a déclaré qu'il était ouvert s'agissant de l'accord de Paris. C'est parce que les entreprises américaines se sont mobilisées : elles créent de l'emploi dans ces filières, elles ont compris qu'il existait un marché mondial lié à l'accord de Paris et n'ont pas envie de rester à l'écart. De même, les grandes villes américaines, comme certains États américains, commencent à réagir et à se coaliser. C'est le cas de la Floride, par exemple, Miami se retrouvant désormais sous les eaux tous les ans. Les pays industrialisés sont eux aussi touchés par le dérèglement climatique. Tout le monde a compris que l'inaction coûterait plus cher que l'action.

Vous avez indiqué que la COP de Marrakech était une COP africaine : c'est tellement vrai ! C'est aussi ce relai entre une COP française et européenne et une COP africaine, autour de la Méditerranée, qui est beau. Les avancées de la COP22 les plus importantes ont porté sur les énergies renouvelables en Afrique, avec un dispositif opérationnel, à savoir l'unité indépendante de gestion établie auprès de la Banque africaine de développement. Un sommet des chefs d'État africains a arrêté des projets, qui seront bientôt rendus publics.

Les statuts de la coalition énergie solaire ont été signés par mes soins, au nom de la France. L'Inde y est aussi leader. Le premier appel à projets de cette coalition porte sur des pompes solaires pour l'irrigation en milieu rural dans tous les pays du pourtour de l'Équateur, avec l'idée toute simple que, si tous les pays se mettent ensemble pour lancer les mêmes appels à projets, les mêmes appels d'offres, les mêmes marchés sur les mêmes besoins, les prix diminueront considérablement. En outre, ce ne sont pas les entreprises mais les États et les citoyens qui seront dominants en termes de contrôle des prix et de l'ingénierie et ils pourront ne plus avoir à supporter de multiples intermédiaires. Ce sont des outils qui ont créé de l'espoir dans ces pays.

Ce qui pourrait remettre en cause ou ralentir la transition énergétique, Monsieur Christophe Bouillon, c'est d'abord le climato-scepticisme, ensuite le ralentissement de l'innovation dans ces domaines. La croissance verte est un espoir mais il faut aussi que les politiques nationales s'engagent. Puisque certains pays ont demandé à la France de continuer à jouer un rôle moteur, j'ai fait inscrire à l'ordre du jour de chaque rencontre bilatérale ou multilatérale le sujet de la ratification de l'accord de Paris, pour demander à nos partenaires à quelle date elle aurait lieu chez eux. J'ai aussi réuni régulièrement les ambassadeurs au ministère pour leur poser la même question. Et ça marche, grâce au réseau diplomatique exceptionnel de la France. Le même travail doit être conduit sur la date de l'inscription dans les Parlements des lois de transition énergétique et sur l'application législative et réglementaire des contributions nationales. Je suis donc repartie dans cette démarche afin que les pays n'oublient pas cette priorité sur le climat. J'ai rencontré des chefs d'État qui ne connaissent même pas les procédures, qui ne savent même pas qu'il faut la délibération du Parlement pour ratifier. Il est important que le relais soit assuré également au sein des groupes d'amitié parlementaires.

Nous avons, Monsieur Guillaume Chevrollier, apporté beaucoup dans le domaine agricole avec la transition énergétique : méthaniseurs, énergies renouvelables, centrales photovoltaïques sur les bâtiments d'élevage sont aujourd'hui des compléments de rémunération assez importants.

Nous avons eu, Madame Marie-Lou Marcel, un débat parlementaire dense sur la prolongation des concessions hydroélectriques et je pense que nous sommes parvenus à créer quelque chose de nouveau, avec des sociétés d'économie mixte, qui ont empêché la libéralisation totale et brutale des concessions. Je suis en discussion avec la commissaire européenne à la concurrence pour trouver des solutions, notamment pour les investissements sur certains barrages. Je souhaite obtenir un certain nombre de prolongations. Le Lot et la Truyère sont deux lieux emblématiques et très importants. J'ai fait valoir nos efforts pour définir notre modèle énergétique. L'hydroélectricité est une des plus belles énergies renouvelables qui existent puisqu'elle a réglé son problème de stockage, et il ne faut pas la déstabiliser dans le modèle énergétique que la France a fait l'effort d'adopter pour décarboner son économie.

Enfin, le protocole de Nagoya, Madame Michèle Bonneton, a été ratifié puisque j'ai réussi à le rattacher à la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et ce par un amendement parlementaire que j'ai suggéré dans la mesure où cela ne pouvait se faire par amendement gouvernemental.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion