Intervention de Patricia Foucher

Réunion du 23 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Patricia Foucher, responsable du service économique, juridique et de la documentation de l'INC :

Le rapport d'information sur l'application de la loi relative à la consommation a été très éclairant pour nous. Avant d'enchaîner sur quelques points pratiques, je me permettrai une observation préliminaire d'ordre général : comme ce rapport le constate, l'application imparfaite des textes peut être liée à la complexité de la loi.

Pour mémoire, la loi relative à la consommation comprend 161 articles, non moins de vingt codes sont concernés et l'on ne compte plus les décrets et les arrêtés pris pour son application. Cette loi particulièrement dense et complexe pose en outre des problèmes d'application de la loi dans le temps. Ces problèmes ne sont pas toujours résolus par le texte lui-même. Ainsi, on s'interroge sur son applicabilité aux contrats en cours.

Trois ans après son adoption, la phase d'appropriation de cette loi est encore en cours, que ce soit par les consommateurs, par les professionnels, voire par les relais d'information eux-mêmes, à savoir les quinze associations nationales de consommateurs agréées, mais aussi d'autres associations. Cette phase est loin d'être achevée, tant la loi est complexe.

Je travaille depuis trente ans dans le domaine du droit de la consommation. Je dois vous avouer que c'est la première fois que je me trouve devant une loi aussi dense et aussi complexe. À cela s'ajoute une montée de la technicité des transactions, qui se sont dématérialisées et sont devenues très rapides. Selon la population, l'appropriation des divers moyens techniques varie également. En croisant tous ces paramètres, nous nous trouvons devant une appropriation difficile de la loi par les acteurs. Aussi l'information et l'éducation du consommateur n'ont-elles jamais été aussi importantes.

La loi Hamon de 2014 transposait une directive européenne de 2011, qui était elle-même le fruit d'un consensus européen. L'esprit de la directive était de faire du consommateur un acteur du marché européen, capable d'un choix éclairé. Aussi a-t-elle cherché à augmenter son niveau d'information, en amplifiant le formalisme informationnel. Mais trop d'information ne tue-t-elle pas l'information ?

Nous l'avons vu au sujet des assurances affinitaires. Pour permettre au consommateur de revenir sur une assurance de voyage, pour prendre cet exemple, une notice d'information doit lui être remise avant la conclusion du contrat. La notice doit être fournie normalement avant la passation du contrat, mais elle est souvent remise avec le contrat lui-même. Par conséquent, le consommateur n'a pas toujours le temps de la lire.

S'agissant des actions de groupe, nous partageons le constat du rapport. Nous n'en comptons à ce jour que neuf qui soient en cours. Les délais sont effectivement parfois très longs. Mais le temps judiciaire est lui-même particulièrement long. Le faible recours à cette procédure est donc logique, d'autant que son indéniable complexité était nécessaire pour que cette action de groupe soit acceptable en droit français. Il n'en reste pas moins que la vraie attente du consommateur porte sur une indemnisation rapide. Pour cela, le temps judiciaire est peu adapté.

La piste d'un fonds d'indemnisation des consommateurs nous paraît donc intéressante. Elle permettrait aux associations de consommateurs de diligenter ces actions. Laissons, en revanche, les actions de groupe intentées dans le domaine de la consommation aller jusqu'à leur terme, avant d'en tirer des conclusions. Modifier la loi à ce stade risquerait d'être prématuré. En tout état de cause, cette mesure a déjà un effet dissuasif remarqué, enclenchant un cercle vertueux. Car les professionnels tiennent bien compte de son existence.

J'en viens à l'information obligatoire du consommateur sur la disponibilité des pièces détachées, à la garantie légale de conformité et aux problèmes d'information du consommateur. Aujourd'hui, le consommateur est persuadé que le fabricant doit garantir pour une durée donnée qu'il existe des pièces disponibles, comme l'a montré une étude menée en 2015 par 60 millions de consommateurs. L'information n'est pas systématiquement délivrée ou communiquée, comme l'a établi le corps de contrôle compétent en ce domaine, à savoir la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

En outre, il n'y a pas d'information négative, en ce que les fabricants ne sont pas tenus d'indiquer qu'il n'existe pas de pièces détachées disponibles, le cas échéant. Cela nous pose difficulté car le consommateur se retrouve alors perdu au milieu de l'information, surtout si l'on songe qu'il croit à l'existence d'une garantie relative à la disponibilité des pièces détachées.

Les associations de consommateurs soulignent aussi que l'information n'est peut-être pas suffisamment encadrée dans sa forme et dans son contenu. Un ticket de caisse peut-il indiquer des informations ? A priori oui, mais la question de l'information précontractuelle demeure.

S'agissant de la garantie légale de conformité, comme vous l'avez souligné dans votre rapport, la mesure d'extension de la présomption d'antériorité du défaut vient d'entrer en vigueur, le 18 mars 2016. Il est donc évidemment trop tôt pour en tirer les conséquences. Bien sûr, cette mesure est excellente pour les consommateurs, de même que pour faciliter la mise en oeuvre de la garantie des produits, et donc aussi la réparabilité. Toutefois, nous avons constaté un très grand fossé entre l'obligation informationnelle prévue par le législateur, en particulier par le législateur européen, et ce que comprennent les consommateurs, voire les journalistes ou même les professionnels eux-mêmes. La distinction est complexe à établir entre la garantie légale de conformité, la garantie légale des vices cachés, la garantie contractuelle, la garantie des fabricants et l'extension de garantie.

C'est pourquoi l'extension de la présomption de garantie a souvent été traduite comme une extension de la durée même de la garantie légale de conformité, pourtant fixée à deux ans depuis son introduction en droit français en 2005.

Cela nous montre combien les actions d'information et de pédagogie sont importantes auprès de l'ensemble des acteurs, sans qu'il soit forcément nécessaire de modifier les textes, si ce n'est quant à la disponibilité des pièces détachées elles-mêmes.

S'agissant de l'assurance emprunteur, nous nous sommes trouvés confrontés à un problème d'application de la loi dans le temps, car les dispositions nouvelles ne portent, en pratique, que sur les contrats conclus depuis 2014. Il existe en effet un problème d'équivalence des conditions. Le comité consultatif du secteur financier a conduit des travaux qui ont permis un rapprochement entre les associations de consommateurs et le monde de la finance. Il prône une remise au consommateur de fiches standardisées d'information pour lui permettre de faire son choix.

La rédaction de 60 millions de consommateurs reçoit régulièrement des témoignages montrant qu'il y a des difficultés dans la mise en oeuvre. Comme le dit votre rapport d'information, il convient sans doute de faire évoluer la pratique de tout côté. Attendons d'abord la mise en oeuvre de l'avis du comité consultatif du secteur financier. Bien sûr, j'ai conscience de ce que la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin II », ajoute une modification pour les contrats déjà conclus. Attendons également la mise en oeuvre de tous ces textes avant de légiférer à nouveau, pour éviter tout problème d'application de la loi dans le temps.

S'agissant du démarchage téléphonique, l'inscription sur la liste d'opposition Bloctel revient à signaler que l'on ne souhaite pas être démarché, du moins par d'autres organisations que par les organisations caritatives ou par la presse. J'ai pourtant reçu le témoignage d'un abonné qui s'est déclaré, à la suite de son inscription, démarché davantage, du moins par les organisations caritatives et par la presse. Il aurait presque succombé au soupçon que Bloctel vendait ses fichiers… Bien sûr, il n'en est rien. Peut-être faudrait-il cependant réfléchir à une liste positive, sur laquelle ne s'inscriraient que ceux qui acceptent d'être démarchés.

La loi Hamon a prévu qu'un professionnel qui contacte un consommateur pour modifier son contrat est soumis au régime du démarchage téléphonique. La confirmation de l'offre et l'engagement du consommateur ne naissent que par l'apposition de sa signature. Or, en pratique, cette disposition n'est pas toujours mise en oeuvre. Elle est elle aussi mal connue des consommateurs.

Sur les foires et dans les salons, il n'existe pas de droit de rétractation dans les quatorze jours. La loi Hamon a rendu obligatoire l'affichage de l'absence de possibilité de rétractation. Le slogan « Quatorze jours = pas toujours » s'oppose, en ce domaine, à la croyance populaire. Les consommateurs croient, en effet, jouir de ce droit de rétractation en toute circonstance. Peut-être faudrait-il l'introduire pour les ventes dans les foires et salons ?

S'agissant du code de la consommation, il a été refondu au 1er juillet 2016. Beaucoup de travail a été fourni pour que l'information donnée au consommateur soit le plus lisible possible, en particulier grâce à une meilleure numérotation des articles du code, plus accessible. Je finirai donc en formant le voeu que le code de la consommation, et plus largement l'ensemble du droit de la consommation, conserve cette lisibilité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion