Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 29 novembre 2016 à 15h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes appelés à débattre à nouveau ce soir de la proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

Ce texte est certes moins ambitieux que la proposition d’initiative parlementaire – dont nous étions cosignataires – qui a été débattue dans notre hémicycle au début de l’année dernière. Certes, le texte dont nous débattons ce soir résulte en effet d’un compromis passé avec le Gouvernement, mais il marque une étape importante dans la voie de la responsabilisation des multinationales, de leurs sous-traitants et fournisseurs en matière sociale, éthique et environnementale. Nous tenons donc à saluer le travail, l’engagement et la ténacité de notre rapporteur, Dominique Potier, qui a eu le courage et l’intelligence de proposer des solutions novatrices même si nous demeurons convaincus, avec lui et sans doute avec d’autres, qu’il était possible et nécessaire d’aller plus loin.

Comme nous le savons, trois Français sur quatre estiment que les multinationales devraient être juridiquement responsables des dommages environnementaux ou des atteintes aux droits humains que les sociétés mères et les entreprises de leurs chaînes d’approvisionnement peuvent provoquer. La proposition de loi que vous nous soumettez répond à cette attente – certes partiellement, mais elle y répond.

Le texte dispose tout d’abord qu’il est obligatoire d’établir et de mettre en oeuvre « de manière effective » un plan de vigilance pour toutes les sociétés employant au moins 5 000 salariés incluant ses filiales françaises directes ou indirectes, ou 10 000 salariés incluant ses filiales directes ou indirectes, françaises comme étrangères. Ce plan de vigilance devra comporter « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement. »

Avec ce dispositif, notre pays rend effectif le principe juridique de « diligence raisonnable » recommandé par le texte international de référence que sont les principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme, dont la plupart des innovations ont été intégrées aux principes directeurs de l’organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE – à l’intention des entreprises multinationales.

De même, l’indemnisation ne dépendra plus du seul bon vouloir des entreprises et de la mobilisation des ONG. C’est une avancée significative.

Nous avons souligné lors des précédentes lectures la nécessité selon nous de modifier les seuils retenus, de prévoir un régime de sanctions plus dissuasif, de rétablir le principe selon lequel il incombe à la société-mère d’apporter la preuve qu’elle a mis en oeuvre des procédures spécifiques de contrôle de ses filiales et des sous-traitants. Je ne m’attarderai pas ce soir sur ces éléments : nous en avons déjà débattu.

Si le texte ne concerne qu’une centaine de groupes et ne comporte pas non plus de dispositions suffisantes en matière d’accès à la justice pour les victimes de violations des droits de l’homme et de dommages environnementaux, il a l’immense mérite de mettre « le pied dans la porte », comme le soulignait notre collègue Philippe Noguès. Il s’agit de faire en sorte que cette porte ne se referme pas et que ce texte soit en conséquence adopté avant la fin de cette législature. C’est le voeu exprimé par les ONG, qui estiment à juste titre que le vote de cette loi serait un signal fort, manifestant la volonté française de tendre vers une mondialisation plus humaine, plus juste, conformément aux aspirations de la majorité des citoyens.

Sur le plan européen, des initiatives similaires se multiplient. Nombre d’États prennent en effet conscience de la nécessité de se doter d’instruments favorisant la mise en oeuvre de ces principes et des normes existantes en alignant notamment leurs législations nationales sur les textes internationaux.

À rebours de ces évolutions, la droite française continue de défendre l’impunité des multinationales…

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