Intervention de Jean-Pierre Maggi

Séance en hémicycle du 29 novembre 2016 à 15h00
Victimes de la répression de la commune de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Maggi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, bien qu’elle n’ait duré que trois mois à peine, du 19 mars au 28 mai 1871, la Commune de Paris occupe une place de taille parmi les mythes révolutionnaires de notre pays et du monde, comme symbole de lutte pour la liberté et l’égalité.

Après la capitulation de Sedan, le 2 septembre 1870, les Prussiens envahissent la France. Paris assiégé connaît, pendant l’hiver, les bombardements et la famine mais refuse de s’avouer vaincu, car l’occupation est vécue comme un affront. Dès lors, des manifestations réclament le rejet de l’armistice et l’instauration de la Commune, par référence à l’insurrection du 10 août 1792, au cours de laquelle Paris avait repris l’appellation de « Commune », symbole de son affranchissement vis-à-vis du pouvoir. La capitale rejette également la nouvelle Assemblée nationale, issue des élections de février 1871, majoritairement composée de monarchistes et de conservateurs, favorables à la paix avec la Prusse, tandis que les élus parisiens sont des républicains. Le Gouvernement de la République, dirigé par Thiers, qui se réunit d’abord à Bordeaux puis à Versailles, afin de ne pas risquer d’être retenu en otage par les Parisiens, veut conclure un traité de paix alors que les élus de la capitale refusent l’entrée des Prussiens dans Paris comme de se laisser désarmer. Une guerre sans merci s’engage alors entre la Commune et le gouvernement de Thiers, qui reçoit l’appui du chancelier Bismarck ; elle durera jusqu’au 28 mai.

Dès lors, la Commune entre durablement dans l’histoire, en premier lieu parce qu’elle voulut préparer une nouvelle ère politique et sociale en décrétant un ensemble de mesures importantes situées à l’avant-garde de la gauche : citons la séparation de l’Église et de l’État, l’instruction gratuite, laïque et obligatoire ou le programme de décentralisation centré sur l’autonomie des communes. Par ailleurs, notamment à cause du siège, un certain nombre de mesures à caractère social furent prises : les loyers dus définitivement remis, les retenues sur salaire supprimées, les ateliers abandonnés réquisitionnés, le travail de nuit pour les ouvriers boulangers interdit et la journée de travail de 10 heures adoptée. Enfin, l’éducation des femmes fut particulièrement prise en compte, notamment par la décision de créer des écoles professionnelles pour les jeunes filles : les distinctions sociales entre femmes mariées et concubines ainsi qu’entre enfants naturels et légitimes tombèrent, et l’égalité des salaires entre hommes et femmes fut proclamée.

La Commune de Paris marqua aussi l’histoire par les terribles affrontements qu’elle connut. En effet, les Versaillais regroupèrent rapidement leurs forces, aidés par Bismarck, qui libéra des prisonniers de guerre. En outre, les Communards surestimèrent leurs effectifs réels et organisèrent mal leur défense. Ainsi, début avril, une attaque des fédérés sur le mont Valérien et la redoute de Châtillon échoua et se conclut par l’exécution sommaire de nombre d’entre eux. À la mi-mai, les Versaillais réussirent à entrer dans un Paris aux rues couvertes de barricades, défendues quartier par quartier par les fédérés.

Ces derniers répondent aux fusillades des Versaillais par l’appel à la guerre révolutionnaire, la construction de foyers de résistance et l’exécution d’otages. La répression est féroce et n’épargne ni les femmes ni les enfants. Par ailleurs, plusieurs monuments sont incendiés, comme l’hôtel de ville ou le palais des Tuileries, par l’artillerie versaillaise ou la volonté des insurgés. Cette Semaine sanglante dura jusqu’au 28 mai, date du dernier combat au Père-Lachaise, où des communards se retranchèrent et furent bientôt vaincus par les Versaillais, qui achevèrent les blessés et fusillèrent les derniers survivants contre le mur d’enceinte, devenu depuis lors le « mur des Fédérés ».

La Semaine sanglante fit plus de 20 000 victimes, auxquelles s’ajoutèrent celles frappées par des sanctions judiciaires, notamment des enfants. En effet, les conseils de guerre prononcèrent, jusqu’en 1877, un total d’environ 40 000 jugements. Ils décidèrent de nombreuses peines de prison, d’une centaine de condamnations à mort, dont une vingtaine furent exécutées, et de plusieurs milliers de déportations, notamment en Nouvelle-Calédonie, parmi lesquelles celle de la célèbre institutrice et féministe Louise Michel, figure emblématique de la Commune. Des progressistes comme Victor Hugo plaidèrent pendant plusieurs années pour l’amnistie des communards mais il fallut attendre mars 1879 pour que l’Assemblée nationale vote une amnistie partielle, qui devint générale en juillet 1880. Or jamais les condamnés ne furent réhabilités, alors qu’aucun argument juridique n’est venu justifier ni les fusillades sommaires, ni les exécutions de masse, ni les condamnations hâtives.

Il est dès lors pleinement justifié que le Parlement, près d’un siècle et demi plus tard, veuille réhabiliter, par une résolution, ceux qui se battirent et furent réprimés pour que l’expression de la souveraineté populaire, donc de la démocratie, soit respectée. Cette proposition de résolution participe également à la reconnaissance, dans notre histoire et dans l’histoire universelle, du rôle que joua la Commune de Paris, malgré ses quelques jours d’existence, dans l’installation durable de la République et des valeurs qu’elle incarne. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cette proposition de résolution.

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