…chant très beau et émouvant, je le reconnais volontiers, tout en ignorant qu’il fut écrit cinq ans avant l’événement. On a l’impression que vous êtes à la recherche d’un passé que vous êtes incapables de créer et qu’il vous faut une transfusion d’héroïsme pour tenir le coup.
Je peux le comprendre. Il est des prothèses historiques qui peuvent être utiles, dans les temps de froideur historique que vous vivez. Eh oui ! vous avez cent quarante-cinq ans et vous êtes des héros : dans le froid de cet hiver, vous faites face à la répression ; vous êtes armés de vos fusils et vous tirez sur Mgr Darboy, venu vers vous les mains vides. Vous décidez d’appliquer l’article 4 du décret des otages, selon lequel tous les accusés retenus par le verdict du jury d’accusation seront les otages du peuple de Paris, ainsi que son article 5 : « Toute exécution d’un prisonnier de guerre ou d’un partisan du gouvernement régulier de la Commune sera, sur-le-champ, suivie de l’exécution d’un nombre triple des otages retenus en vertu de l’article 4, et qui seront désignés par le sort. »
Moi, je ne choisis pas, voyez-vous, entre les communards et les autres. J’accorde aux communards qu’ils ont aimé la France alors que Thiers, lui, premier Président de fait de la République, nous a transmis des valeurs républicaines que nous avons bien envie, ici, de discuter. Mais vous voyez-vous, cent quarante-cinq ans en arrière, tirer sur les martyrs de Picpus et sur les victimes du mur de la rue du Borrégo, incendier les Tuileries, l’hôtel de ville, la Cour des comptes, le Conseil d’État, le Palais de justice ? Allons, laissons les morts enterrer les morts, laissons l’histoire à l’histoire, laissons la paix à l’histoire ! Ne cherchez pas à vous donner belle figure en convoquant l’histoire dans le manoir hanté et vide de la politique que vous conduisez aujourd’hui !
Oui, ils ont été réprimés. Oui, ils ont souffert, mais des deux côtés, et c’est la France, c’est l’histoire de France. Le souvenir réverbéré rend difficile toute politique d’apaisement. Nous avons l’impression que vous cherchez systématiquement, par tous les moyens, à raviver des querelles qui appartiennent à l’histoire.