En 1936, il y a quatre-vingts ans, à l’aube de la victoire du Front populaire, les forces progressistes se rassemblèrent à nouveau devant le mur des Fédérés, au cimetière du Père-Lachaise, pour rendre hommage aux communards.
Cette mémoire, la gauche a toujours su la faire vivre, c’est vrai. En 1981, Pierre Mauroy, alors Premier ministre, déposa une gerbe au mur des Fédérés. Depuis, c’est la République elle-même, quelles que soient les sensibilités, qui s’est approprié la mémoire de la Commune. Je rappellerai par exemple l’hommage rendu aux communards par Christian Poncelet, alors président du Sénat, dans le jardin du Luxembourg.
Les travaux historiques conduits au sujet de cette période permettent aujourd’hui de savoir précisément qui étaient les communards, ce qu’étaient leurs idéaux, leurs revendications, leurs moyens d’action, les divergences qui existaient entre eux mais aussi les valeurs qu’ils portaient. Comme vous l’avez rappelé, monsieur Durand, ces valeurs ont inspiré la République dans sa dimension sociale, au-delà de ses fondements institutionnels.
Eugène Varlin, Charles Delescluze, Jules Vallès, Louise Michel : ces noms ont rejoint les manuels d’histoire et les plaques des rues de Paris. Ces noms, ce ne sont pas seulement ceux de victimes de la répression versaillaise : ce sont ceux, surtout, de révolutionnaires, de républicains, d’acteurs essentiels de notre histoire nationale et de celle de la ville de Paris. En un mot, je le souligne à mon tour, ce sont d’abord les noms de patriotes.
Les communards n’ont pas été les victimes passives de l’histoire mais bien des acteurs politiques engagés dans une insurrection populaire au nom de valeurs fondamentales, d’idéaux de progrès et de liberté. C’étaient des insurgés, dont les résistants et libérateurs de 1944 furent aussi les héritiers, comme le rappela le Président de la République François Hollande à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Libération de Paris. Permettez-moi de reprendre ici ses propos : « En érigeant ces barricades, les Parisiens appelaient à leur secours les insurgés magnifiques des temps anciens. Ceux de 1789 quand Paris faisait la Révolution. Ceux de 1830 quand la Restauration était renversée. Ceux de 1848 quand la République renaissait. Ceux de 1870 quand la Commune prétendait inventer un monde nouveau. »
Bien sûr, il faut se garder d’assimiler la Libération et la Commune. Il y avait cependant, chez ces femmes et ces hommes, un esprit de résistance, un patriotisme, une révolte contre l’injustice, un engagement sans faille au risque de leur vie. La force de cet engagement, le combat jusqu’à la mort pour un idéal, la tragédie sanglante qui en marqua la fin : voilà les enseignements de la Commune, voilà la mémoire que nous devons faire vivre et célébrer.
Mesdames et messieurs les députés, la mémoire de la Commune dépasse largement les frontières de la capitale. Car derrière l’insurrection parisienne se dessinait un horizon politique pour tous les Français mais aussi pour tous ceux qui, sur cette planète, sont épris de progrès. En tant qu’élu parisien, je sais combien cette mémoire est importante pour notre ville. Dans le 13e arrondissement, dont je suis l’élu, nous avons tous, présente en mémoire et au coeur, la bataille de la Butte-aux-Cailles, à l’endroit où se trouve aujourd’hui la place de la Commune-de-Paris.
Le Gouvernement salue donc la présente initiative de résolution, qui valorise la transmission de cette mémoire. Je me réjouis que les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen se la réapproprient. Je rejoins également les signataires de ce texte en ce qui concerne l’idée selon laquelle la résolution reste le meilleur outil pour le Parlement de s’exprimer politiquement sur une question mémorielle, sans recourir à la voie législative.
Cette initiative doit aussi nous conduire à aborder plus globalement la question de la mémoire de la Commune. Ainsi, l’action mémorielle ne peut se passer d’une réflexion autour des enjeux de patrimoine liés à cet événement historique. Je pense en particulier au devenir du mur des Fédérés ou à la transmission de cette mémoire aux jeunes générations.
Vous l’avez compris, le Gouvernement regarde cette initiative avec bienveillance.