Ce projet de loi de finances rectificative (PLFR) comporte 44 articles : huit d'entre eux portent sur des aspects budgétaires, cinq autres visent à ajuster des ressources et des compensations, dix concernent des procédures fiscales, treize portent sur des mesures fiscales – dont dix concernent les entreprises et trois les ménages – et trois autres sur l'attribution de garanties par l'État, et enfin cinq ont trait à d'autres mesures dont des annulations de dettes d'États étrangers. En tout, 255 amendements ont été déposés, soit un nombre similaire à celui de l'an dernier.
J'en viens au bouclage budgétaire. L'objectif de solde public voté en loi de finances initiale est maintenu ; en revanche, il est proposé de réajuster les deux composantes du solde nominal, à savoir le solde structurel et le solde conjoncturel, sans affecter pour autant l'objectif global. Ce réajustement est dû à la modification du niveau de croissance potentielle – un débat récurrent dans notre commission – sur laquelle nous reviendrons au cours de l'examen des amendements.
S'agissant du budget de l'État, sur lequel porte ce PLFR, les dépenses nettes augmenteraient de 2,3 milliards d'euros par rapport au montant voté en loi de finances initiale tandis que les recettes nettes diminueraient de 1,7 milliard, en raison principalement d'une baisse de 2,6 milliards des recettes fiscales nettes, dont 2,4 milliards au titre de l'impôt sur les sociétés, le résultat des entreprises étant semble-t-il inférieur à ce qui a été anticipé. À cela s'ajoute environ 1 milliard d'euros de recettes non fiscales supplémentaires. Globalement, cette évolution pourrait entraîner une dégradation du solde budgétaire de 4 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale.
Cependant, cette dégradation est enrayée par les prélèvements sur recettes et les soldes des comptes spéciaux. En particulier, les prélèvements sur recettes sont inférieurs de 1,9 milliard à ce qui a été prévu en LFI, en raison notamment de la baisse de 1,2 milliard du prélèvement sur recettes au profit du budget de l'Union européenne, conformément au budget rectificatif du 30 septembre dernier.
S'y ajoute une hausse de 5,8 milliards provenant des soldes des comptes spéciaux. Les 2,4 milliards liés à la recapitalisation de l'Agence française de développement (AFD) apparaissent dans l'augmentation des dépenses budgétaires ; ce montant n'a donc pas d'incidence budgétaire. En revanche, une partie de cette hausse provient de l'excédent de 1,7 milliard du compte d'affectation spéciale (CAS) Participations financières de l'État, qui résulte de cessions – 1,2 milliard au titre de la cession de la société Aéroports de la Côte-d'Azur, 535 millions pour celle de la société Aéroports de Lyon et 365 millions concernant Safran. L'excédent du CAS Pensions s'élève à 700 millions d'euros, étant donné que les contributions versées par les ministères et les agents sont supérieures aux pensions versées. En outre, le CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce est excédentaire de 200 millions d'euros, car le dispositif de remboursement des intérêts perçus sur les obligations de l'État grec détenues par la Banque de France a été suspendu – à l'échelle européenne – au motif que la Grèce n'honorait pas ses engagements. L'ensemble de ces excédents – à quoi s'ajoute celui des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires – atteint bien le montant de 5,8 milliards d'euros.
Les dépenses de l'État votées en LFI devaient s'élever à 377,2 milliards ; le PLFR fixe ce montant à 377,6 milliards. Pour y parvenir, 5,4 milliards d'euros de crédits ont été ouverts et 5 milliards ont été annulés, soit un écart de 400 millions. La réallocation entre les différentes missions des dépenses votées en LFI porte sur un montant de 3,42 milliards d'euros, qui correspond aux décrets d'avance.
Le document qui vous est fourni présente la liste détaillée des crédits supplémentaires et des crédits annulés – pour 5,4 milliards et 5 milliards respectivement – ainsi que des missions qui font l'objet d'un réajustement à la hausse ou à la baisse de leur budget dans le cadre des réallocations de crédits.
Plusieurs articles de ce PLFR, sur lesquels nous reviendrons là encore au fil des amendements, concernent des procédures fiscales portant sur le contrôle de la TVA et d'autres sujets, sur le recouvrement de l'impôt et sur les sanctions prévues pour défaut ou insuffisance de déclaration, pour défaut de paiement ou pour motifs d'ordre pénal.
J'en viens à la création du compte PME innovation, préconisée l'an dernier par le rapport de MM. Carré et Caresche. L'objectif est de circonscrire l'ensemble des avantages fiscaux à des titres de PME, cotés ou non, logés dans un compte unique. Jusqu'à présent, les avantages fiscaux étaient accordés soit à une opération, pour une durée de détention par exemple, soit à un contribuable – bénéficiant du dispositif de réduction de l'impôt sur la fortune en cas d'investissement dans une PME, dit ISF-PME – soit à certains véhicules d'investissement comme les sociétés de capital-risque, qui sont exonérées d'impôt sur les sociétés. Il est prévu d'autoriser l'ouverture d'un compte PME innovation par personne – donc deux par couple – et d'y attacher les avantages fiscaux, à l'instar du plan d'épargne en actions (PEA). Les avantages fiscaux proposés consistent avant tout à reporter sans date limite – sauf en cas de décès – l'imposition d'une plus-value de cession si elle est réinvestie dans une PME. Autre avantage majeur de ce compte PME innovation : les plus-values sont calculées non par titre, mais de manière globale en tenant compte des moins-values. Si la cession d'un titre donne une plus-value de 100 et la cession d'un autre une moins-value de 50, par exemple, seule la plus-value nette – en l'occurrence 50 – sera imposée afin d'encourager l'investissement dans les PME, qui s'accompagne toujours d'un risque de pertes. En cas de retrait d'une partie des liquidités logées sur le compte au titre d'une plus-value, la fiscalité ne s'impose qu'au montant retiré, tandis que le reliquat demeure sur le compte pour y être éventuellement utilisé au bénéfice des PME. Je précise que nous organiserons demain une table ronde avec l'ensemble des parties prenantes sur ce compte PME innovation, qui a suscité le dépôt de nombreux amendements.
À ce stade, il n'est pas prévu d'exclure le montant du compte PME innovation de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), malgré la demande qui en a été faite. Il n'est pas non plus prévu de permettre le cumul de l'avantage accordé en cas de réinvestissement de la plus-value avec le dispositif Madelin ou l'ISF PME. Les titres éligibles sont des parts ou actions, cotées ou non, de PME de moins de dix ans.
Enfin, trois critères alternatifs sont à respecter par la détentrice – ou le détenteur – d'un titre pour qu'elle puisse le loger dans un compte PME innovation : qu'elle détienne 25 % des droits de vote dans la société en question, ou qu'elle en détienne 10 % et qu'elle y exerce une fonction de direction ou, enfin, qu'elle en détienne 10 % et qu'elle y exerce ou y ait exercé une fonction salariée pendant deux années consécutives au moins.
Supposons qu'elle dégage une plus-value lors de la cession du titre initial : elle peut choisir une nouvelle entreprise dans laquelle réinvestir cette plus-value selon des critères très proches de ceux de l'ISF PME et dans les deux ans qui suivent sa réalisation, étant entendu que conformément à un règlement européen dont nous avons longuement débattu l'an dernier lors de l'examen de l'ISF PME, la PME choisie doit avoir moins de sept années d'existence et être non cotée. La personne qui réinvestit sa plus-value initiale n'est alors soumise à aucune condition de droit de vote, mais elle doit exercer dans l'entreprise concernée une fonction d'administrateur ou être liée à elle par une fonction d'accompagnement. Tel est le dispositif de compte PME innovation qui est prévu.
J'en viens aux effectifs de l'État : le plafond d'emplois de l'État augmente de 525 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et celui des opérateurs de l'État de 249 ETPT.
Enfin, le PLFR vise à octroyer des garanties d'État pour un montant de quelque 5,5 milliards d'euros, dont 5 milliards à l'Unedic, 220 millions à la société Vale S.A. – une société privée brésilienne qui exploite le nickel en Nouvelle-Calédonie – et 320 millions à Nouvelle-Calédonie Énergie, une société privée détenue majoritairement par l'Agence calédonienne de l'énergie. Ces nouvelles garanties portent le montant total des garanties d'État à 192,5 milliards d'euros.
Un autre article du PLFR porte sur les annulations de dette contractée par des États étrangers auprès de la France. Concrètement, il s'agit d'augmenter les plafonds d'annulation de dette pour 4,1 milliards d'euros, avec un impact en comptabilité nationale de 640 millions d'euros sur le budget pour 2016.
Un article vise à créer une contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), soit un surcroît de l'ordre de 370 à 400 millions d'euros sur le budget de la sécurité sociale pour 2017. Enfin, il nous est également proposé d'approuver la mise en conformité constitutionnelle de plusieurs dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, dont l'exonération de la contribution de 3 % sur les dividendes.