Intervention de François Léger

Réunion du 30 novembre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François Léger, agronome :

Produisant des poulets destinés essentiellement au Moyen-Orient et se rendant compte que ces poulets étaient nourris avec du soja provenant du Brésil où les réglementations sociales et environnementales sont beaucoup plus tranquilles que celles que nous connaissons, Doux est allé investir dans ce pays. Sans doute ne savez-vous pas que les poulets exportés sont saumurés. À raison de 0,3 gramme de sel ajouté par litre, le poids de chaque poulet est augmenté au maximum de 2 grammes ; mais sur 10 milliards de poulets, cela représente des quantités énormes. C'est sur ces 2 grammes que le groupe avait construit sa marge. Mais il est allé s'installer au Brésil, et il y a pris une claque monumentale parce qu'il a voulu fonctionner comme en Bretagne, dans une relation de confiance entre l'opérateur industriel et l'agriculteur. Or les producteurs brésiliens n'avaient aucune raison d'entrer dans une telle relation, qui s'était construite au fil de l'histoire. Doux a échoué parce qu'il l'a oublié.

La confiance est aussi au centre de la crise laitière que nous avons connue récemment, qui s'est soldée par la perte de confiance de plus en plus forte entre les producteurs et les grands groupes industriels, désormais totalement dominants sur les marchés mondiaux. Cette perte de confiance me pose plus de problèmes que de savoir s'il faut penser en termes d'agriculture raisonnée ou d'agro-écologie. Je ne crois pas qu'il y ait un avant et un après agro-écologie. Les transitions s'opéreront en fonction de l'efficacité économique, écologique et sociale des modèles, sans que nous puissions établir de hiérarchie entre ces trois dimensions.

L'agriculture, c'est d'abord des agriculteurs. Il est temps que les politiques européennes deviennent des politiques des agriculteurs – ou des entreprises, si cela vous semble plus moderne et plus juste – et non plus des politiques de l'agriculture comprise comme un secteur anonyme et réductible à une part de la balance commerciale. Sinon, en 2025, nos campagnes seront conformes au scénario construit par un panel de chercheurs, experts et professionnels au début des années 2000, avec 150 000 agriculteurs et 400 000 emplois environ, et la même balance commerciale. Est-ce vraiment le modèle que l'on veut ?

L'identité, les valeurs relèvent de choix qui ne se résument pas à une équation comptable. Il en est de même de la politique.

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