Intervention de Cécile Claveirole

Réunion du 30 novembre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Cécile Claveirole, membre du Conseil économique, social et environnemental, CESE :

L'avis du CESE est celui de la société civile. S'il a été adopté à une forte majorité, c'est qu'il correspond à des demandes fortes de la part de celle-ci. M. Yannick Favennec a lu le communiqué de presse que le groupe de l'agriculture du CESE a très élégamment émis à 12 heures 53, mercredi dernier, pendant que je présentais l'avis du CESE en conférence de presse. Qu'il me permette de rappeler que le groupe de l'agriculture du CESE est composé des représentants de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), des représentants de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et des représentants de différents organismes agricoles qui sont tous tenus par le syndicat majoritaire. Il y a d'autres représentants des agriculteurs au CESE qui ne sont pas dans ce groupe de l'agriculture. Cet avis a effectivement été voté sans les voix du groupe de l'agriculture, qui s'est abstenu.

Pour élaborer des avis, le CESE mène un travail collaboratif, auditionne des personnes, discute. Même si c'est le rapporteur qui propose la rédaction, le texte est discuté et il y a possibilité de l'amender. Au final, cet écrit est le résultat des discussions au sein de la section agriculture et d'un vote, ce qui veut dire que les représentants de la société civile du CESE sont majoritairement d'accord avec les idées contenues dans cet avis.

Même si l'enseignement agricole a pris le virage de l'agro-écologie, il faut aller rapidement plus loin dans la formation des formateurs. Dans les lycées agricoles et dans l'éducation en général, ceux-ci n'y sont pas forcément sensibilisés. La formation des formateurs doit aider à mettre un coup d'accélérateur en direction de la transition agro-écologique.

La politique agricole européenne fait aujourd'hui le jeu de l'agrandissement. Comme l'a rappelé M. François Léger, un agriculteur touche des primes à l'hectare même s'il n'exploite pas. Dans certaines conditions, il a tout intérêt à laisser ses terres en jachère pour percevoir les primes plutôt qu'à prendre sa retraite, compte tenu de la faiblesse de celle-ci. Avec 700 euros par mois en fin de carrière, s'il n'a pas de terres devenues constructibles à vendre, il a tout intérêt à continuer à toucher les primes.

Dans cet avis, nous ne désignons pas les agriculteurs comme les grands méchants. Ce que nous pointons du doigt, c'est un système dont nous sommes tous responsables et qui constitue un engrenage dont il leur est compliqué de sortir.

Comment change-t-on de système lorsque l'on est endetté ? Au début de l'année, des articles du journal Le Monde expliquaient comment des exploitants agricoles qui avaient la tête sous l'eau s'en étaient sortis financièrement et humainement. Plutôt que de suivre leur conseiller qui les incitait à continuer à s'endetter, ils ont dit « stop ! », préférant désinvestir en quelque sorte, et changer de système pour avoir moins d'intrants. On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'exemples marginaux. L'utopie, c'est aussi ce qui nous fait avancer et, dans certains modèles, ce n'est pas que de l'utopie. Il y a des modèles économiques qui fonctionnent même s'ils ne sont pas majoritaires aujourd'hui. Mettons-les en avant, étudions-les encore plus en renforçant la corrélation qui existe déjà entre les chercheurs et les agriculteurs. Montrons que ce sont des modèles viables dans lesquels l'agriculteur s'y retrouve parce que c'est son avenir et que son travail est mieux considéré par la société. Il s'y retrouve en qualité de vie et en sérénité, parce que l'on dort mieux quand on est moins endetté. Des recherches à AgroParisTech et à l'INRA montrent que ces modèles économiques fonctionnent.

Les consommateurs et les collectivités sont des éléments de la démocratie participative. Il faut réfléchir à la manière de rendre nos concitoyens conscients de l'importance de l'agriculture et de l'alimentation. Dans l'avis du CESE, nous indiquons qu'il convient de retrouver ce lien entre alimentation, agriculture et santé, d'expliquer à nos concitoyens que ce que nous mangeons vient du travail de la terre par nos agricultrices et nos agriculteurs, car bien des habitants des villes l'ont complètement oublié.

Un mot sur les travaux de l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, et sur le rapport de 2010 d'Olivier de Schutter. La FAO a créé un comité d'expert, l'IPES-Food, qui a rendu un avis au mois de juin dernier sur l'évolution vers l'agro-écologie. Au niveau mondial, les experts de la FAO poussent vraiment vers cette transition-là.

Certains intervenants ont parlé des difficultés rencontrées par les collectivités. Je peux citer l'exemple de la ville de Lons-le-Saulnier, dans le Jura, où l'organisation des filières permet une régularité d'approvisionnement de la cantine municipale. Ces filières ont été mises en place par la volonté à la fois de l'équipe municipale et de la direction de la cantine municipale, qui ont oeuvré avec les producteurs. Tout est parti de la zone de captage de Lons-le-Saulnier qui, voulant être en agriculture biologique, a créé une filière pain, puis une filière viande, ensuite une filière légumes. Dans mon métier de consultante, j'ai réalisé des études et j'ai pu constater que le frein principal est souvent la volonté politique. Alors que des acteurs veulent s'engager sur le territoire, il n'y a pas, contrairement à ce qui s'est passé à Lons-le-Saulnier, la volonté politique pour donner le coup d'accélérateur.

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