Ma nomination étant toute récente, je demande tout d'abord l'indulgence de la Commission en ce qui concerne le respect des délais et des formes. Mais nous nous efforcerons de fluidifier la circulation des documents et de l'information.
Je veux également souligner la qualité des échanges que j'ai eus avec le président de notre Commission et avec les services du ministère pour préparer l'examen du projet de loi de règlement et le débat d'orientation des finances publiques, avec les collaborateurs du secrétariat de la Commission.
L'examen du premier projet de loi de règlement et la préparation du premier débat d'orientation des finances publiques de cette nouvelle législature, que je vous propose de mener conjointement ce matin, nous permettront de faire le bilan de la législature précédente, en particulier de l'exécution 2011, en même temps que de tracer les grandes lignes de la programmation pour les années à venir.
Cette réunion de la Commission fait suite à des auditions très complètes du Premier président de la Cour des comptes, puis des ministres concernés, elles-mêmes appuyées sur le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui intégrait cette année un audit de l'exécution à la mi-2012.
Le fait que l'exécution des dépenses de 2011 ait été globalement conforme à la prévision ne doit pas masquer la persistance de certaines dérives.
En effet, les dépenses de l'État à l'intérieur du périmètre « zéro volume » ont diminué de 0,6 % surtout grâce à un sursaut d'inflation. Celle-ci a effet atteint 2,1 % en exécution, au lieu des 1,5 % prévus, ce qui a offert une marge de manoeuvre supplémentaire de 2,1 milliards d'euros pour tenir la norme « zéro volume ». Le plafond de dépenses en exécution s'établit donc à 359,1 milliards d'euros au lieu de 357,4 milliards d'euros.
Les dépenses du budget général ont dérapé de 1 milliard d'euros en 2011, essentiellement en raison de la progression de la charge de la dette, tandis que les charges de pensions sont en léger repli – de 195 millions d'euros – par rapport à la prévision.
Au total, les dépenses de l'État à l'intérieur du périmètre « zéro volume » s'élèvent à 357,4 milliards d'euros en 2011.
À l'intérieur du périmètre « zéro valeur », donc hors charges de la dette et hors pensions, les dépenses de l'État ont diminué de 259 millions d'euros.
Toutefois, cette « performance » – si l'on peut dire – résulte essentiellement d'une moindre dépense au titre du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), inférieure de 653 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale. Si tel n'avait pas été le cas, le « dérapage » aurait approché 400 millions d'euros…
L'objectif de stabilisation des dépenses de personnel hors pensions n'a pas été atteint : la masse salariale de l'État a en effet dépassé de 300 millions d'euros le montant prévu en loi de finances initiale pour 2011.
Deux facteurs expliquent cette situation.
Tout d'abord, l'économie nette de 500 millions d'euros attendue par le précédent gouvernement de la mise en oeuvre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux – le « un sur deux » – n'est pas au rendez-vous, malgré des départs en retraite plus nombreux que prévu, qui ont majoré de 118 millions d'euros l'économie brute. Je rappelle à cette occasion que l'économie nette correspond à l'économie brute diminuée du « retour catégoriel », censé s'établir à la moitié de cette dernière. Or ce retour catégoriel a en fait représenté 60 % des économies brutes – 562 millions d'euros sur 935 millions. L'économie nette ne s'élève donc qu'à 373 millions d'euros.
Si les départs en retraite avaient été conformes à la prévision, le poids des mesures catégorielles en 2011 aurait même représenté 69 % de l'économie brute, soit un ratio encore supérieur à celui constaté en 2010, qui était de 67,3 %, et l'économie nette se serait limitée à 255 millions d'euros, soit un niveau comparable à celui constaté en 2010. Ces chiffres incontestables peuvent contribuer au débat que nous avons engagé hier.
Le deuxième facteur expliquant le dérapage des coûts de personnel est le coût des heures supplémentaires. De fait, les suppressions de postes conduisent souvent, notamment dans l'éducation nationale, à majorer le nombre d'heures supplémentaires, qui ont représenté en 2011 un montant de 1,3 milliard d'euros, soit 2,2 % de la masse salariale de la mission Enseignement scolaire. Ce montant équivaut au triple de l'économie brute résultant du « un sur deux » au ministère de l'Éducation nationale en 2011.
L'engagement, pris par le précédent Gouvernement dans la loi de programmation 2011-2014, de réduire de 5 % les dépenses de fonctionnement et d'intervention en 2011 n'a pas non plus été tenu. Les dépenses de fonctionnement n'ont en effet baissé que de 3 % et les dépenses d'intervention ont continué à déraper, compte tenu de sous-budgétisations parfois chroniques, notamment pour les opérations extérieures (OPEX), pour les bourses de l'enseignement supérieur, pour l'hébergement d'urgence, pour l'allocation temporaire d'attente, pour l'aide médicale d'État et pour l'allocation adulte handicapé. Ces informations figurent dans le rapport qui sera prochainement disponible en ligne.
Concernant les recettes, deux enseignements principaux peuvent être tirés de l'exécution budgétaire de l'année 2011.
Le premier est que les recettes fiscales et non fiscales de l'État n'ont pas retrouvé leur niveau d'avant la crise, puisqu'elles se sont établies à 283 milliards d'euros alors qu'elles avaient atteint 304 milliards d'euros en 2008.
Le second est que la faiblesse du produit de l'impôt sur les sociétés (IS) se confirme. En 2011, la croissance spontanée de cet impôt n'a été que de 0,5 milliard d'euros au lieu des 5,3 milliards d'euros prévus. Pour l'année en cours, la Cour des comptes a situé la moins-value par rapport à la prévision de la loi de finances initiale dans une fourchette de 1,5 à 3,5 milliards d'euros, du fait encore de cette faible croissance spontanée. Cette situation conduira le Gouvernement à présenter au Parlement plusieurs mesures destinées à lutter contre l'optimisation fiscale, ciblant notamment les grandes entreprises.
Le déficit de l'ensemble des administrations publiques s'est établi à 5,2 % du PIB en 2011. Les deux tiers de la réduction du déficit que l'on constate par rapport à 2010 sont dus à des effets mécaniques : disparition des mesures exceptionnelles du plan de relance, fin du surcoût temporaire lié à la suppression de la taxe professionnelle, « surréaction » des prélèvements obligatoires à la croissance.
La loi de finances initiale avait prévu le déficit public à 6 % du PIB. Le meilleur résultat constaté en exécution s'explique surtout par une baisse, par rapport à la prévision de 0,5 % du PIB, du déficit des collectivités territoriales, ramené, au total, à moins d'un milliard d'euros.
La diminution du déficit public due à des décisions du précédent Gouvernement atteint 0,8 % du PIB. Elle tient pour 0,7 point aux hausses d'impôt et pour 0,1 point aux économies réalisées sur la dépense. Compte tenu du débat que nous avons entamé hier, lors de l'audition des deux ministres de l'Économie et des finances, et du Budget, je ne peux qu'appeler votre attention sur cette décomposition !
Enfin, la charge de la dette a considérablement augmenté par rapport à l'année précédente, malgré les conditions de financement favorables offertes par les marchés. La hausse des frais financiers a atteint 5,8 milliards d'euros, soit 14,3 % par rapport à l'année précédente et + 23,5 % par rapport à 2009. L'encours de la dette publique, a pour sa part doublé en dix ans : il est passé de 853 milliards d'euros à 1 717 milliards d'euros.
La réduction apparente du besoin de financement de l'État en 2011 ne doit donc pas masquer le risque réel d'emballement de la dette publique.
Cette préoccupation est confirmée par l'analyse de la situation de l'État en comptabilité générale.
La situation nette de l'État continue en effet de se dégrader au regard de son bilan, compte tenu de la progression de ses charges financières. Sa balance négative s'est établie à 834 milliards d'euros, contre 764 milliards en 2010. Le résultat de l'exercice est toujours déficitaire – de 87,5 milliards d'euros – et ce malgré la disparition des dépenses exceptionnelles auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure.
La loi de règlement pour 2011 dresse donc un bilan qu'il nous faut dorénavant assumer, ce qui constituera tout l'objet du débat d'orientation budgétaire à venir.
La construction de la loi de finances rectificative pour 2012 se fondera sur des prévisions de croissance, retenues par le Premier ministre, de 0,3 % en 2012 et de 1,2 % en 2013. Il s'agit d'une révision à la baisse qui nécessite l'adoption de mesures d'adaptation qui nous ont été présentées hier par le Gouvernement.
La réduction du déficit public est une priorité. Le Gouvernement souhaite le ramener à 4,5 % du PIB en 2012 ; compte tenu des moins-values fiscales détaillées par la Cour des comptes, cet objectif requiert les mesures de rendement figurant dans le collectif budgétaire présenté hier. La trajectoire doit ramener ce déficit à 3 % en 2013, conformément à nos engagements européens, avant d'atteindre l'équilibre à la fin de la législature, en 2017.
En dépenses, le financement des priorités du nouveau Gouvernement et la réduction du déficit imposent la conduite, par l'ensemble des administrations publiques, d'efforts importants. La progression annuelle de la dépense devra être limitée à 0,8 % en volume par an, alors que la progression tendancielle annuelle des dépenses publiques a été évaluée à 1,5 % entre 2012 et 2015 et s'est établie en moyenne à 2 % au cours de ces dix dernières années. Cette situation impose de réaliser 9 milliards d'euros d'économies par an, indépendamment du financement des nouvelles dépenses prioritaires que le Gouvernement souhaite engager afin de procéder au redressement dans la justice. Toutes les administrations publiques – État, collectivités locales, administrations sociales – devront ainsi être mises à contribution, dans un esprit responsable de dialogue et de concertation.
En recettes, des hausses d'impôts en 2012 et 2013 seront nécessaires pour compenser la faiblesse des recettes fiscales qui découle de l'atonie de la croissance. Une stabilisation sera envisagée à partir de 2014.
En ce qui concerne le cadrage fiscal, il est intéressant de noter que, depuis 2002, environ 25 milliards d'euros de charges ont été transférés des ménages aisés et des entreprises vers les salariés.
Dans le collectif budgétaire ont été inscrites les premières mesures pour engager le rééquilibrage du système fiscal. Il s'agit d'abord de l'abrogation des principales dispositions de la loi TEPA qui restaient en vigueur ainsi que de la récente réforme de l'ISF. Des mesures d'urgence pour limiter l'impact de l'optimisation de l'IS pratiquée par les grandes entreprises seront adoptées. Enfin, des prélèvements exceptionnels sur des entreprises bancaires et pétrolières particulièrement profitables seront opérés.
Dans le projet de loi de finances pour 2013, l'impôt sur le revenu sera profondément réformé : instauration d'une nouvelle tranche à 45 %, intégration des revenus du capital dans le barème, diminution du plafond du quotient familial et des niches fiscales et refiscalisation des heures supplémentaires. D'autres pistes pourront être explorées, notamment un retour sur la diminution du taux de TVA dans la restauration. S'agissant des recommandations de la Cour des comptes portant sur les deux impositions à fort rendement que sont la TVA et la CSG, le Gouvernement exclut l'augmentation du taux de TVA ; nous pourrions être amenés à réfléchir à l'évolution de la seconde.