Ce manque de recettes fiscales est compensé par des mesures exceptionnelles qu’on a peu de chances de réitérer à l’avenir. On réalise tout d’abord 1,9 milliard d’euros d’économies sur les prélèvements sur recettes, ce qui, de mémoire du rapporteur général que j’ai été pendant dix ans, est presque du jamais vu ! Presque 2 milliards d’euros de prélèvement sur recettes de l’Union européenne et des collectivités locales, merci le prélèvement sur recettes ! L’excédent sur les comptes spéciaux de 1,7 milliard d’euros est aussi assez unique. Il est dû notamment au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui a bénéficié de la cession des aéroports de Nice et de Lyon et de la vente de quelques actions de Safran.
Et AREVA ? Et EDF ? Il faudra les recapitaliser pour 5 milliards d’euros ! On fait apparaître artificiellement 1,7 milliard d’euros tout en sachant qu’il faudra dépenser 5 à 6 milliards d’euros dans les prochains mois ! Une telle présentation relève vraiment de l’illusionnisme ! Quant aux recettes non fiscales de 900 millions d’euros, elles peuvent faire l’objet des mêmes considérations. Mentionnons aussi l’économie de constat sur les intérêts de la dette de 2,9 milliards d’euros, sur laquelle je n’insiste pas car Dominique Lefebvre vient de le faire pour moi. Je tombe d’accord avec lui qu’il s’agit d’une prévision prudente, mais la nouveauté, monsieur Lefebvre, c’est que les taux que vous avez eu la chance de voir baisser commencent à remonter. Croyez-moi, l’avenir sera bien plus difficile si nous sommes confrontés à une remontée des taux !
J’en viens aux dépenses. 5 milliards d’euros d’ouvertures de crédit, c’est un record, atteint grâce à trois décrets d’avance dont le dernier en date porte sur la bagatelle de 1,7 milliard d’euros ! Même si on constate 5 milliards d’euros d’annulations de crédits en contrepartie, ce qui est frappant, c’est la dissymétrie entre les ouvertures de crédit destinées à financer des dépenses récurrentes, qui traduisent des sous-budgétisations parfaitement conscientes, et les annulations dont je dirai un mot dans un instant. Parmi les ouvertures de crédits, mentionnons les 800 millions d’euros destinés aux OPEX – opérations extérieures –, dont je ne dirai rien car voici quinze ans que ça dure, sinon que ces dépenses atteignent là des proportions considérables relevant du changement d’échelle. Cela étant, un accord a été conclu avec M. le ministre de la défense visant à inscrire les dépassements de budget dus aux OPEX dans un cadre interministériel. Dont acte.
Mentionnons également 900 millions d’euros supplémentaires pour les interventions sociales telles que l’hébergement d’urgence, l’AAH – allocation aux adultes handicapés, l’AME – aide médicale de l’État – et la prime d’activité et un crédit nouveau de 700 millions d’euros supplémentaires pour la masse salariale, dont 600 millions d’euros destinés à l’éducation nationale. Nous retrouvons ici la préoccupation principale soulevée par le projet de loi de finances pour 2017, dans lequel la progression de la masse salariale repart au rythme de 4 %, soit un taux très supérieur à ce que vous avez connu lorsque vous assuriez au Gouvernement le suivi de ce sujet, madame Lebranchu. Enfin, le plan emploi représente 300 millions d’euros.
Quant aux 5 milliards d’euros d’annulation de crédits, il s’agit pour l’essentiel de crédits gelés, donc en général de crédits pilotables, donc de dépenses d’investissement ! En particulier, le Gouvernement procède à un tour de passe-passe qui n’a pas échappé à tous les membres de la commission des finances, consistant à annuler près de 700 millions d’euros de crédits destinés à la défense dans le décret d’avance et à les rétablir dans le collectif budgétaire, ce qui signifie en clair qu’on augmente les reports sur l’année 2017 et témoigne en fait de la difficulté qu’a le Gouvernement à réaliser de véritables économies. Pour résumer, je citerai un seul chiffre du collectif budgétaire, relatif au seul budget de l’État : entre l’exécution probable du budget en 2016, dont ce collectif budgétaire donne une bonne idée, et celle constatée en 2015, le solde budgétaire de l’État ne s’améliore que de 600 millions d’euros. Je répète ce chiffre afin que chacun l’ait en tête : l’exploit de la diminution du déficit entre 2015 et 2016 consiste à passer de 70,5 milliards d’euros à 69,9 milliards d’euros, soit 600 millions d’euros !
Ce collectif de fin d’année confirme toutes nos craintes sur le projet de loi de finances pour 2017 : entre les sous-budgétisations manifestes et les surestimations de recettes, l’objectif d’un déficit public à 2,7 % du PIB n’a aucune chance d’être respecté. C’est la Commission européenne, qui a déjà chiffré le déficit à 2,9 % du PIB, qui le dit. Quant au Haut conseil des finances publiques, il explique qu’il est hautement improbable que l’on se situe sous la barre des 3 % en 2017. Je pense pour ma part qu’un audit révélera un déficit se situant entre 3,2 et 3,5 % du PIB.
M. Lefebvre parlait des 4,7 % qu’entraînerait le programme de la droite. Mais, chers collègues, il faut prendre en compte les engagements qui pèsent sur 2018 !