Je compléterai les propos de monsieur Derepas par une appréciation plus qualitative, en particulier à propos du cheminement que nous avons accompli au cours des dernières années sur la question des personnes âgées immigrées.
La DAIC a redécouvert sous un autre angle, depuis moins de trois ans, la thématique des personnes âgées que portait déjà la direction des populations et des migrations, direction du ministère des affaires sociales dont elle est héritière. Cette question était traditionnellement abordée par le biais du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants et axée sur la figure ancienne du travailleur migrant arrivé en France durant la période de l'immigration professionnelle – entre 1950 et 1973 – et résidant dans des foyers de travailleurs migrants, parfois depuis des décennies, où il vieillit dans des conditions souvent indignes après avoir longtemps travaillé en France. Cette conception est particulièrement illustrée par la figure des chibanis, anciens travailleurs de sexe masculin venus des pays du Maghreb, qui sont encore 200 000 environ en France.
Au cours des travaux des PRIPI sont remontés du terrain deux types de figure de personnes âgées immigrées.
Le premier, qui représente une partie importante de ces anciens travailleurs, ne vit pas dans des foyers, mais dans un habitat de centre ville souvent dégradé – hôtels meublés, hôtels sociaux ou logement social de fait –, dans des conditions plus indignes que dans les foyers de travailleurs migrants. Il est fortement concentré dans le sud de la France, notamment à Marseille, à Montpellier ou à Béziers, sans doute pour faciliter les allées et venues entre la France et les pays du sud de la Méditerranée.
L'autre figure, assez largement occultée, est celle de la veuve, réalité sociale encore plus difficile. Ces femmes, arrivées en France dans le cadre du regroupement familial, c'est-à-dire après 1974, et souvent beaucoup plus jeunes que leurs maris, sont devenues veuves sur notre territoire sans avoir eu la possibilité de s'y intégrer complètement. Elles ne vivent pas dans les foyers de travailleurs migrants, mais dans un habitat dégradé, parfois dans des conditions d'une extrême précarité.
Nous nous sommes attachés à mieux connaître et accompagner ces populations, qui représentent quelques dizaines de milliers de personnes.
Nous avons également constaté que subsistait l'idée fausse – qui avait pourtant parfois fondé des décisions – selon laquelle les personnes âgées immigrées n'aspiraient qu'à retourner dans leur pays d'origine. Cette idée est démentie par toutes les études de terrain. Certes, sur près de 3 millions de travailleurs entrés en France entre 1950 et 1974, une grande partie a regagné son pays, mais les 500 000 qui sont restés en France l'ont fait volontairement, et pas seulement pour des raisons de « confort ». La plupart de ceux que nous rencontrons n'émettent nullement le désir de repartir dans un pays que, depuis quarante ou cinquante ans, ils ne connaissent plus que par les séjours qu'ils y ont faits chaque année ou tous les deux ans, et cela même si leur famille y est restée. Qu'ils l'aient ou non choisi, ils entendent conserver jusqu'à leur fin ce mode de vie. Il importe de prendre en compte les personnes immigrées qui font la navette chaque année, sans leur imposer ni de rester en France ni de retourner dans leur pays d'origine dès lors qu'elles ne le souhaitent pas.