Intervention de Philippe Coq

Réunion du 24 novembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Philippe Coq, secrétaire général des affaires publiques d'Airbus Group :

Je m'inscris dans la continuité de ce qui vient d'être dit sur la grande incertitude qui règne. Nous ne savons pas ce que sera le Brexit. Or ce que détestent le plus les entreprises, c'est évidemment l'incertitude et le manque de visibilité.

Airbus est un acteur construit et intimement intégré sur quatre pays : la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne. Depuis ces pays, nous exportons près de 80 % de nos produits. Il a fallu plus de cinquante années d'effort pour parvenir à ce qui est considéré par tout le monde, je crois, comme un succès industriel.

Le protocole d'accord lançant la phase de définition du projet d'Airbus européen, signé à Lancaster house, date du 9 mai 1967. Cela fait bien longtemps. Le logo d'Airbus que vous connaissez tous représente avec ses trois arcs la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, et pas autre chose.

Le groupe, qui réalise un chiffre d'affaires de 64 milliards d'euros, compte 137 000 employés, dont 90 % dans les quatre pays que j'ai cités, et 15 000 au Royaume-Uni répartis sur une quinzaine de sites majeurs.

Nous fabriquons au Royaume-Uni les ailes de tous nos avions ; l'activité de recherche et développement pour les avions y est également installée, avec l'appui réaffirmé du gouvernement britannique au travers d'un plan technologique de soutien à l'aéronautique, représentant un milliard d'euros sur sept ans.

Le Royaume-Uni compte aussi de grands sous-traitants : Rolls Royce est le motoriste de l'A380 et de l'A350. Airbus fournit 50 % de la flotte d'hélicoptères britannique. Le groupe est le premier acteur dans le domaine spatial et le deuxième fournisseur de la Royal Air Force, au travers de programmes variés : l'A400M, le ravitailleur, l'Eurofighter auquel la France ne participe pas. Enfin, Airbus est présent dans la cybersécurité et actionnaire du missilier MBDA dans lequel l'axe franco-britannique est essentiel.

Notre activité repose sur des accords intergouvernementaux. Même la production d'avions commerciaux fait l'objet d'un traité, et de réunions périodiques des ministres et des administrations pour coordonner leur soutien et leur action. Il en va de même pour l'Agence spatiale européenne et la défense qui est par essence un domaine intergouvernemental. Le Royaume-Uni, ce sont aussi des clients majeurs : British Airways, Virgin Atlantic, sans parler d'Easy Jet qui possède une flotte unique de 233 appareils Airbus.

Voilà pour l'importance systémique du Royaume-Uni pour la maison Airbus.

Je souligne plusieurs points de vigilance dans l'incertitude actuelle.

D'une façon générale, l'aviation a toujours été marquée par l'ouverture au travers des traités open skies ou des free trade agreements. Nos matériels et les pièces de nos avions circulent entre les différents pays. Toute rigidité, toute édification de barrières douanières freinant ou renchérissant la circulation de nos matériels auraient des impacts négatifs sur l'activité.

La fluidité de la circulation de nos personnels, qui est une composante de la nécessaire flexibilité, est importante. Je prends des exemples récents : quand nous avons connu des problèmes sur l'A380 dans les années 2000, nous avons fait venir massivement des employés allemands pour terminer les avions à Toulouse ; nous avons envoyé des personnels à Séville pour aller plus vite sur l'A400M. Nous sommes intimement intégrés sur ces quatre pays.

En matière de défense, le Royaume-Uni demeurera un acteur majeur et un allié incontournable. Il n'appartient pas à l'industrie de se prononcer sur ce sujet, mais la coopération devrait se poursuivre de manière naturelle.

L'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) est une pièce maîtresse de la réussite aéronautique européenne. Elle offre un cadre légal commun à tous ses membres pour faciliter les processus de certification des aéronefs commerciaux. Les États-Unis disposent d'une autorité équivalente, la Federal aviation administration (FAA). C'est l'une des grandes forces de l'aéronautique européenne que d'avoir constitué cette agence unique pour la certification des appareils commerciaux. Il faudra trouver des modalités d'association du Royaume-Uni pour l'avenir. Un statut de membre associé existe déjà pour certains pays : la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein.

Le Royaume-Uni – fait souvent peu connu – est un contributeur majeur de l'activité spatiale en Europe, tant de l'Agence spatiale européenne (ESA) que des programmes de l'Union européenne – Galileo et Copernicus. Le centre de sécurité de Galileo est basé à Saint-Germain-en-Laye et à Swanwick dans le Hampshire ; même si les satellites Galileo ont été fournis par l'entreprise OHB, la moitié d'entre eux sont réalisés au Royaume-Uni par notre filiale SSTL.

Que deviendront les participations britanniques dans les programmes européens comme le programme de financement de la recherche et de l'innovation Horizon 2020 ? Je ne le sais pas.

Enfin, nous sommes particulièrement attentifs à l'évolution du contexte économique et financier, en particulier à l'éventualité d'une dépréciation durable de la livre sterling et à ses effets potentiels en matière d'inflation et de relèvement des taux d'intérêt, autant de conséquences qui risquent d'affecter notre financement et celui de nos grands clients. La dépréciation de la livre sterling crée d'ores et déjà un problème immédiat pour le financement de l'ESA puisque les Britanniques paient leur contribution en livre. C'est un sujet pour la prochaine réunion ministérielle du mois de décembre.

Nous alertons les pouvoirs publics des deux côtés de La Manche sur les conséquences négatives des décisions qui pourraient être prises dans le cadre du Brexit. Nous continuerons à travailler avec les autorités dans une logique « gagnant, gagnant ». Encore une fois, nous ne sommes qu'au début d'un processus qui est totalement incertain.

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