Intervention de Pierre Todorov

Réunion du 24 novembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Pierre Todorov, secrétaire général du groupe EDF, et membre du comité exécutif du groupe :

Avant de vous faire part des quelques points de vigilance ou d'attention d'EDF par rapport au Brexit, jevous livre deux éléments de contexte.

À travers sa filiale EDF energy, EDF produit aujourd'hui 20 % de l'électricité consommée au Royaume-Uni – 100 % de l'électricité d'origine nucléaire. Elle compte cinq millions de clients et un peu moins de quinze mille collaborateurs.

Le projet d'Hinkley Point C (HPC) vise à construire puis exploiter à l'horizon 2025 deux réacteurs de type EPR, avec d'autres développements possibles de réacteurs EPR ou de réacteurs de moyenne puissance. C'est un enjeu très important pour nous.

Deuxième élément de contexte, le secteur de l'énergie et de la production d'électricité est très dépendant de la régulation du marché, ce que l'on appelle le market design, et des politiques énergétiques qui se décident au niveau national mais aussi européen.

C'est à la lumière de ces deux éléments que je souhaite vous faire part de nos réflexions autour de quatre points.

Premier point, le Royaume-Uni occupe une place tout à fait particulière et importante en Europe en matière de politique énergétique. Parmi les États membres, il est sans doute celui qui défend les positions les plus explicites – il les a d'ailleurs mises en oeuvre de façon méthodique – sur la décarbonation compétitive, qui repose sur deux piliers : production d'électricité d'origine nucléaire et production d'origine renouvelable. Comme vous le savez, nous partageons cette vision : EDF se veut le champion de la décarbonation compétitive et de tout ce qui peut favoriser, dans le cadre de la régulation, notamment par le prix plancher du carbone, le développement de la production d'électricité décarbonée. Il est extrêmement important de préserver les équilibres politiques actuels dans les discussions à Bruxelles. De façon pragmatique, quelles que soient les modalités de sortie du Royaume-Uni, nous pensons qu'il faut trouver des moyens alternatifs pour que celui-ci reste membre du système de quotas d'émission – les emission trading scheme (ETS) – et qu'il puisse, d'une façon différente, continuer à participer à la définition des règles sur le marché du carbone.

Concernant la coopération en matière nucléaire, se pose la question du maintien du Royaume-Uni dans le traité Euratom. Si ce dernier devait le quitter – à ce stade, selon notre analyse, il n'est pas évident que le retrait de l'Union européenne entraîne nécessairement et automatiquement le retrait d'Euratom –, il nous semble important que le Royaume-Uni reste dans le jeu, notamment face à d'autres États européens qui ne partagent pas vraiment – c'est un euphémisme – la vision qu'a la France de l'importance du secteur du nucléaire. Il faut trouver des modalités pratiques pour que la coopération en matière nucléaire – recherche et développement, normes, gestion des déchets – puisse se poursuivre.

Autre sujet de préoccupation, les interconnexions. Les interconnexions entre le Royaume-Uni et la plaque continentale jouent un rôle très important dans la sécurité d'approvisionnement, pour le Royaume-Uni – cela représente 5 % environ de sa consommation – mais aussi pour nous qui sommes souvent exportateurs nets. Il y a un intérêt mutuel à ce que les interconnexions continuent à bien fonctionner, et se développent.

Il est nécessaire de maintenir un cadre juridique adapté qui puisse, d'une part, favoriser le maintien des transactions d'électricité entre la plaque continentale et le Royaume-Uni, et d'autre part, permettre que les nouveaux projets d'interconnexion – des décisions d'investissement pour deux projets très avancés doivent être prises à court terme – puissent se développer, sans être entravés par la sortie du Royaume-Uni, et continuer à bénéficier, selon des modalités à inventer, de fonds européens au titre des projets d'intérêt commun.

Dernier point, je rejoins des préoccupations plus générales, au premier rang desquelles la circulation des personnes, puisque EDF exerce une activité domestique au Royaume-Uni. Dans notre projet Hinkley Point C, la question de l'accès aux compétences et aux ressources qualifiées en matière d'ingénierie, et des collaborateurs venant du reste de l'Europe sera un enjeu majeur. Il est important que nos projets ne soient pas entravés sur le plan opérationnel par d'éventuelles barrières à la circulation.

Ma conclusion porte deux messages : d'abord, il importe, même dans un nouveau cadre institutionnel, de pouvoir maintenir une forme d'arrimage du Royaume-Uni au reste des pays européens sur les questions de politique énergétique et d'investissement. Notre deuxième préoccupation, commune à tous ceux qui sont autour de la table, concerne la visibilité : nos réflexions s'inscrivent dans un contexte marqué par une grande incertitude sur les modalités concrètes du Brexit.

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