Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 1er décembre 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

Le groupe socialiste, écologiste et républicain voit avec plaisir arriver à l'Assemblée nationale ce texte important qui était attendu, notamment par les élus parisiens. Je tiens d'emblée à saluer le travail de la ville de Paris, en lien avec le Gouvernement et les parlementaires – notamment Sandrine Mazetier, députée de Paris présente parmi nous – pour faire en sorte que ce texte soit le plus opérationnel possible. Je voudrais aussi saluer le travail des rapporteurs qui ont pris le temps de rencontrer l'ensemble des acteurs politiques de Paris et de la métropole du Grand Paris.

Ce texte permettra de moderniser le statut de la ville de Paris en fusionnant la commune et le département pour créer une collectivité unique à statut particulier, ce qui simplifiera les démarches administratives, améliorera la lisibilité de l'action publique et facilitera la gestion de la ville. Il importe que Paris ait enfin une structure juridique qui soit à la hauteur de sa place en France, en Europe et comme ville-monde, pour reprendre l'expression désormais consacrée.

Le groupe SER, lors de l'examen de ce texte, sera attentif à plusieurs points particuliers.

Il convient tout d'abord que la ville de Paris soit garantie dans toutes ses prérogatives et dans toute sa force. Cela nécessitera, comme cela a été dit par les rapporteurs et par M. le ministre, de rééquilibrer le texte issu du Sénat et de revenir sur certaines dispositions qui déstabilisent beaucoup trop la répartition des pouvoirs entre les mairies d'arrondissement et la mairie centrale. Certains sujets comme l'action sociale, les politiques éducatives, les subventions aux associations et le logement nécessitent, pour la cohésion sociale et le développement de Paris, d'être traités à l'échelle de la ville tout entière et non pas d'être confiés uniquement à l'échelle des arrondissements qui, cela a été rappelé, n'ont pas de personnalité morale. Nous soutiendrons bien évidemment les amendements qui permettront le rétablissement du texte gouvernemental.

Nous porterons également une attention particulière à la modernisation de la répartition des pouvoirs de police entre la préfecture de police de Paris et la ville de Paris. Le fait que le préfet de police ait également compétence sur l'agglomération nécessite de notre part une certaine prudence dans les modifications que nous introduisons de manière à ne pas créer de distorsions entre Paris et les communes voisines. Il nous faut aussi être prudents en matière de gestion des transferts : certaines dispositions prévoient des périodes transitoires, notamment pour le personnel. Il convient également de corriger certains ajouts un peu baroques du Sénat, dont un qui aurait privé et la préfecture de police de Paris et la ville de Paris de la gestion des voies sur berges – car tout le monde aura compris ce qui se cache derrière cet amendement sénatorial.

Autre point important : l'équilibre démocratique. Nous soutiendrons la création d'un secteur unique pour les quatre premiers arrondissements. D'ores et déjà, des coopérations extrêmement fortes se sont instaurées entre ces arrondissements, qui en facilitent la fusion. Surtout, cela nous rapprochera du principe d'égalité des suffrages dans la mesure où l'écart de population entre l'arrondissement le moins peuplé et l'arrondissement le plus peuplé a explosé, passant de 3,9 en 1872 à 13,9 en 2015. L'écart entre conseillers de Paris par arrondissement varie de +24 % pour le 1er arrondissement à -19 % pour le 2e arrondissement, ce qui n'est pas acceptable non plus au regard du principe précité.

Certaines autres dispositions du texte nous semblent très utiles, à commencer par celles qui visent les cercles de jeux. Il faut en effet en finir avec un modèle devenu anachronique – pour user d'un euphémisme – et en venir à un système permettant, d'une part, une expérimentation qui sera sûrement utile à d'autres territoires et, d'autre part, d'assurer une certaine transparence et de faire en sorte que le jeu à Paris puisse se développer dans des conditions acceptables par tous.

Sont également utiles les dispositions relatives à l'aménagement qu'il faut certainement améliorer, conforter et élargir : je pense notamment aux opérations qui doivent être organisées et prévues autour de la gare du Nord. Cela nécessitera peut-être de réfléchir à la capacité, que n'a pas aujourd'hui la SNCF, d'intégrer des sociétés d'économie mixte (SEM) à opération unique, ou encore à la nécessité de prévoir la structure qui portera l'organisation des Jeux Olympiques et, en premier lieu, la candidature parisienne à ces jeux. En matière d'aménagement, il est utile, pour Paris comme pour d'autres territoires comme La Défense, que des dispositions relatives à la maîtrise du foncier et à l'aménagement urbain soient prévues dans ce texte.

En ce qui concerne l'aménagement métropolitain, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra le rétablissement des quatre projets de création de métropoles prévus par le texte gouvernemental à Saint-Étienne, Toulon, Orléans et Dijon. Il soutiendra aussi la création de trois métropoles supplémentaires à Clermont-Ferrand, Metz et Tours. Si nous comprenons le souci de cohérence du Gouvernement, je persiste à penser que le dépôt d'un amendement par ce dernier pourrait être opportun dans la mesure où la création, par amendement parlementaire, de trois nouvelles intercommunalités dotées de prérogatives particulières, telles que le sont les métropoles, pourrait se heurter à un problème de recevabilité financière.

Nous devons – et je sais que c'est l'objectif du Gouvernement et des rapporteurs – déterminer la liste de ces nouvelles métropoles à l'aide de critères suffisamment clairs pour ne pas aller au-delà des vingt et une ou vingt-deux métropoles que nous allons créer dans le cadre de la loi MAPTAM, du décret créant la métropole de Nancy et du sillon Lorrain et de ce nouveau texte. Il serait assez surprenant, pour ne pas dire plus, que la France en vienne à compter plus de métropoles que toute l'Europe réunie ; nous devons aussi faire attention aux autres éléments du statut de métropole. Vous en avez notamment évoqué la relation particulière avec les régions, monsieur le ministre. Le rapporteur de la loi NOTRe, que j'ai été, a en tête que le degré de prescriptibilité des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) n'est pas le même pour les métropoles que pour les autres intercommunalités. Cette remarque vaut aussi pour le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). L'autre spécificité tient au lien entre les métropoles et les départements : en vertu des lois MAPTAM et NOTRe, les métropoles et les départements sont tenus d'arriver à un accord sur la délégation, par les départements aux métropoles, de certains blocs de compétences que la loi a définis. À défaut d'accord, un nombre minimal de blocs sont automatiquement et intégralement délégués. Nous savons qu'en certains points du territoire – je pense notamment à l'Hérault –, le dialogue n'est pas évident entre la métropole et le département. Or la même discussion s'ouvrira inévitablement à chaque fois que nous permettrons la création d'une métropole ; et dès lors que se pose la question d'une délégation de compétences aussi étendue, non plus dans neuf ou quatorze, mais dans vingt et un ou vingt-deux départements sur le territoire, celle de l'homogénéité de l'échelon départemental peut aussi se poser. Il nous faudra donc veiller à ce la liste de métropole puisse être définitivement arrêtée grâce aux critères que nous aurons définis.

Sur la question du suffrage universel direct, enfin, nous regrettons que le rapport prévu par la loi MAPTAM ne soit pas arrivé plus tôt devant le Parlement mais vous avez pris l'engagement, monsieur le ministre, qu'il lui soit présenté bientôt. En tout état de cause, malgré l'attachement très fort – et légitime – de certains de nos collègues à cette question, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra le report que vous proposez – à condition qu'il s'agisse bien d'un report et non d'un enterrement.

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