Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 1er décembre 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous nous interrogeons toujours sur les raisons qui ont motivé l'inscription en urgence de ce projet de loi à l'ordre du jour pourtant chargé de notre assemblée, à quelques semaines de la fin de la législature.

Cette raison serait-elle la fusion de la ville et du département de Paris ? Je ne le crois pas puisque cette mesure technique est déjà quasiment en vigueur dans la pratique et ne relève pas véritablement de l'urgence.

Serait-ce le transfert de compétences de l'État vers la ville, pour mieux assurer certaines fonctions au profit des Parisiens, notamment en vue d'améliorer leur sécurité et leur tranquillité ? Je ne le crois pas non plus, tant les compétences transférées sont réduites à la portion congrue, y compris d'ailleurs dans le domaine important de la circulation.

Serait-ce le transfert de compétences de la ville vers les arrondissements, afin d'offrir un meilleur service de proximité aux Parisiens ? Pas davantage : les transferts concédés du bout des lèvres par la maire de Paris sont mineurs, ils ne permettent pas d'identifier une ligne directrice dans cette révision du statut de la capitale d'autant que les pratiques décentralisatrices constatées sur le terrain contredisent chaque jour un peu plus le discours décentralisateur qu'elle tient.

Serait-ce la simplification de l'architecture institutionnelle francilienne qui enchevêtre les compétences des différentes collectivités, pour plus d'efficacité et moins de dépenses de fonctionnement ? Malheureusement non, puisque ce projet ne concerne ni la région ni la métropole du Grand Paris.

Quelle est donc la raison qui motive l'inscription de ce texte à notre ordre du jour ?

Concrètement, la seule mesure significative du projet est la fusion des quatre arrondissements centraux. Une mesure qui n'a pas pour objet l'intérêt communal ou l'intérêt des Parisiens mais qui permet à l'exécutif de ménager et de contenir une « gauche de la gauche » potentiellement rivale, en offrant à Mme Hidalgo une circonscription redécoupée sur mesure dans laquelle elle pourra nourrir l'espoir d'emporter en 2020 la mairie avec la majorité des voix des Parisiens – ce qui n'avait pas été le cas lors de son élection de 2014.

Fusionner dans un secteur unique les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements n'a rien de neutre politiquement, contrairement à ce que l'on essaie de nous faire croire. Cela revient à transformer le centre de la capitale en forteresse du socialisme municipal. En 2014, il n'aura manqué que 55 voix à la droite pour remporter le 4e arrondissement – et dans des conditions telles qu'elles ont fait l'objet d'un recours ; en 2020, à périmètre constant, ce sont près de 3 000 voix qui manqueront à la droite pour l'emporter dans le nouveau secteur unique ! Preuve que cette fusion n'a d'autre but que de bétonner politiquement le centre de Paris.

C'est donc d'une réformette électorale et partisane que le Parlement a été saisi. Et c'est ce qui a amené nos collègues du Sénat, début novembre, emmenés par le sénateur de Paris Pierre Charon, à corriger et muscler le texte par des modifications qui nous paraissent pertinentes. Je voudrais revenir brièvement sur trois d'entre elles.

Premièrement, les sénateurs ont, comme nous le souhaitions, supprimé la fusion des quatre arrondissements du centre en un secteur unique, la jugeant motivée, on l'a bien compris, par des fins politiques personnelles. La répartition actuelle des conseillers de Paris entre arrondissements a été explicitement validée par le Conseil constitutionnel : que l'on ne nous parle donc pas d'un problème qui n'existe pas. Et si le Gouvernement et sa majorité étaient si soucieux de remettre à plat les questions de représentativité, ils ne se préoccuperaient pas seulement des arrondissements de Paris. Auraient-ils donc l'intention de fusionner toutes les communes de la métropole dont la population est inférieure à 20 000 habitants ? La question est posée ; et naturellement, les maires devraient en être informés…

Deuxièmement, les sénateurs ont cherché à mettre les compétences au bon niveau, pour résoudre les problèmes réels auxquels sont confrontés les Parisiens tous les jours. C'est dans cet esprit qu'ils ont proposé l'attribution aux arrondissements d'une compétence sur les sujets de proximité tels que le nettoyage, l'entretien et la réfection des voiries, la mise en oeuvre des actes d'acquisition et de préemption, la délivrance des permis de construire ainsi que des autorisations relatives aux élagages et aux terrasses, les services de la petite enfance et de la restauration scolaire, l'attribution des logements sociaux ainsi que des subventions aux associations concernant le seul arrondissement.

Pourquoi cela ? Non pour faire plaisir aux maires d'arrondissement, mais parce que c'est à cette échelle-là que les choix sont les plus pertinents ; et c'est d'ailleurs à cette échelle-là que les Parisiens interpellent leurs élus en se tournant naturellement vers leur maire d'arrondissement. Certes, il faut trouver le bon dosage et la bonne méthode ; ce pourrait être un bel exercice pour notre Commission que de prolonger le travail entamé au Sénat : entre la situation actuelle où les arrondissements n'ont strictement aucun pouvoir, et leur transformation en communes de plein exercice, il y a suffisamment d'espaces pour trouver un équilibre. À cet égard, l'évolution proposée par le Sénat est encourageante.

Troisièmement, la même approche a prévalu en ce qui concerne la police. La préfecture de police est aujourd'hui mobilisée en priorité, et c'est bien normal, par les questions de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme, ce parfois au détriment de ce que l'on pourrait appeler la police quotidienne – la lutte contre les dégradations volontaires ou les petits trafics, les tapages, la vente à la sauvette, la mendicité agressive, la gestion de la circulation. Je veux parler d'infractions qui se situent dans un entre-deux, allant plus loin que les incivilités dont la maire de Paris a parlé dans son audition et moins loin, bien sûr, que le terrorisme. Elles ne sont pas prises en compte et les Parisiens ne reçoivent pas les services auxquels ils ont droit. La priorité va être donnée aux PV, ce qui permettra sans doute de renflouer pour partie les caisses de la ville, mais ne répondra pas aux urgences des Parisiens.

C'est la raison pour laquelle nous soutenons le dispositif adopté par le Sénat, un dispositif semblable à celui appliqué en petite couronne. Le préfet de police de Paris conserverait une compétence en matière de sécurité intérieure, mais la ville de Paris disposerait d'une police municipale, qui compléterait l'action de la préfecture de police pour le type d'infractions que j'évoquais.

Je pourrais aborder bien d'autres sujets encore. La vérité, c'est qu'une grande loi sur le statut de Paris devrait forcément intégrer une réflexion sur la région, sur la métropole et d'importants transferts, aussi de bien de l'État vers la ville de Paris que de la ville vers les arrondissements. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec un texte sans périmètre approprié, sans contenu autre qu'une mesure politique destinée à des fins personnelles.

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