Les navettes expliquent largement les écarts statistiques portant sur les immigrés isolés, principalement les hommes, dont les familles résident souvent de l'autre côté de la Méditerranée. Les veuves, dont les enfants sont en France, retournent moins souvent et pour moins longtemps dans leur pays d'origine. A contrario, 30 à 50 % des hommes isolés résidents des foyers, des hôtels meublés et de l'habitat privé indigne résident très longuement chaque année de l'autre côté de la méditerranée ; cette part est la plus élevée en période de ramadan. Selon le recensement général, qui appréhende mal cette réalité, on compterait environ 60 000 personnes isolées ; en se fondant sur les sources internes aux foyers de travailleurs migrants, elles sont probablement plutôt entre 80 000 et 100 000.
La pratique de la navette est différente entre, d'une part les Maghrébins, qui reviennent parfois chez eux deux ou trois fois par an, et les Subsahariens, principalement de l'ethnie Soninké, très peu Bambara, qui viennent de la région de Kayes, au nord-ouest du Mali, aux confins du Sénégal et de la Mauritanie. En raison des difficultés du voyage – qui s'apparente parfois à une véritable expédition –, ces derniers effectuent des séjours moins fréquents, mais nettement plus longs. La pratique de la navette nécessite dans tous les cas une bonne santé : le voyage jusqu'à Agadir dans un car au confort sommaire est éprouvant pour un octogénaire…
Les immigrés retraités isolés continuent d'envoyer chaque mois de l'argent à leur famille car c'est le sens qu'ils ont donné à leur migration. Devenus retraités, ils rendent également plus souvent visite à leur famille que lorsqu'ils travaillaient. Cela crée une difficulté supplémentaire pour l'accès à certaines prestations médico-sociales liées au vieillissement – séjour en établissement d'hébergement pour personnes âgées (EHPA), voire en EHPAD –, car ils ne peuvent alors conserver que 10 % de leurs ressources, ou 90 euros au maximum. Pour eux, recourir au secteur médico-social reviendrait à renoncer à envoyer de l'argent au pays d'origine, l'acte qui précisément justifie le mode de vie qui est le leur depuis quarante ans.
La mise en oeuvre de la loi sur le droit au logement opposable (DALO) se heurte à des blocages résultant du texte de loi lui-même, et non de ses décrets d'application.