L'action de la DGCS ne s'adresse pas directement au public spécifique que constituent les personnes âgées immigrées, mais le concerne à plusieurs titres. Après un rappel de ce que la DGCS – ainsi que l'ancienne direction générale des affaires sociales (DGAS) – et les services chargés de l'immigration ont réalisé au cours de ces dernières années, je mettrai l'accent sur quelques sujets en particulier. La DGCS intervient dans le domaine d'hébergement des personnes immigrées âgées, car la transformation des foyers pour travailleurs migrants en résidences sociales fait appel à des dispositifs de financement qui relèvent de notre compétence. Nous avons été à l'initiative de travaux qui analysent la façon dont certains schémas gérontologiques départementaux prennent en compte la spécificité de la population immigrée. Participant à la gestion des minima sociaux aux côtés des groupements de coopération sociale (GCS), la DGCS a son mot à dire sur la question de l'accès aux droits et aux prestations, tout comme sur la situation des femmes immigrées âgées. Sans méconnaître le secteur de la sécurité sociale, nous sommes moins compétents en matière d'accès aux retraites ou aux dispositifs réservés aux personnes âgées. Enfin, certaines mesures récemment décidées dans le cadre du Comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE), sans être destinées aux personnes immigrées et âgées en particulier, peuvent contribuer à améliorer leur situation.
Notre collaboration avec les services de la DAIC du ministère de l'intérieur s'est développée au fil du temps, la préparation conjointe d'un comité interministériel pour l'intégration, en 2011, en ayant constitué un moment particulièrement fort. Si ce comité ne s'est finalement pas tenu, le travail réalisé à cette occasion par la DGCS, la DAIC, les services de la sécurité sociale et d'autres administrations vient irriguer nos actions actuelles. Un groupe de travail s'était ainsi penché sur l'accès aux soins, à la santé et à la prévention des populations immigrées, une attention particulière ayant été portée aux résidences sociales et aux difficultés d'accès aux prestations sociales. Il en est ressorti que, au-delà des obstacles techniques, juridiques ou réglementaires, l'essentiel des problèmes relevaient d'un énorme déficit d'information, et de la difficulté d'adapter le message aux besoins particuliers des vieux travailleurs migrants et des femmes immigrées âgées, souvent veuves et isolées.
Nous avons également pris connaissance des statistiques sur les conditions d'accès des immigrés âgés à la retraite et à la complémentaire santé, recueillies par la division des affaires communautaires de la direction de la sécurité sociale (DSS), ainsi que des conclusions d'une enquête sur le vieillissement des immigrés que la CNAV avait conduite avec l'INSEE.
Ces travaux nous ont permis de repérer les expériences menées sur le terrain. Le département de l'Hérault s'est ainsi inspiré d'une étude de l'Observatoire régional de santé (ORS) du Languedoc-Roussillon pour mettre en réseau des services de droit commun et intégrer dans le schéma gérontologique départemental la question des personnes âgées immigrées. Des opérations intéressantes ont également été conduites dans la région Midi-Pyrénées, en lien avec la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) : le Centre d'initiative et de ressources régionales autour du vieillissement des populations immigrées (CIRRVI) a mené des actions de formation, d'analyse des besoins et d'accompagnement qui ont contribué à l'élaboration du nouveau PRIPI, qui inclut la question de la santé et du logement. Sans procéder d'une directive donnée par le haut, ces travaux préparatoires se sont ainsi appuyés sur des expériences locales qu'il est important de connaître.
La collaboration avec la DAIC se traduit également par notre participation aux travaux de la CILPI, qui concernent la transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales. Enfin, même si ce projet n'a pas abouti, nous avions mis au point ensemble quelques propositions portant sur les besoins spécifiques des immigrés âgés dans les foyers, sur les actions sociales qu'il conviendrait de conduire en matière d'accueil – en articulation, à l'échelon local, avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) –, ainsi que sur l'information et l'accès aux droits et aux dispositifs sanitaires. L'ensemble de ces travaux a été réalisé entre 2010 et 2011.
Depuis de nombreuses années, les foyers de travailleurs migrants peuvent être transformés en résidences sociales. Ils doivent pour cela répondre à des normes de construction, mais surtout présenter un projet social qui leur permette de bénéficier de l'aide à la gestion locative sociale (AGLS), à laquelle nous consacrons actuellement 11 millions d'euros par an au titre du programme budgétaire 177. À la date du dernier recensement, fin 2012, on comptait 238 foyers pour travailleurs migrants transformés en résidences sociales – soit un parc de 33 000 places –, dont 183 bénéficiaient de l'AGLS. Cette aide – qui s'adresse à l'ensemble des résidences sociales – n'a pas été revalorisée depuis 2006, mais un renforcement a été annoncé lors la dernière réunion du CILE. Plusieurs mesures nouvelles encore en discussion devraient nous permettre, en 2013, 2014 et 2015, de poursuivre l'effort en faveur des résidences sociales, et donc des foyers de travailleurs migrants qui ont pris cette qualification, dont 30 à 40 % des résidents ont plus de soixante ans.
Comment agir face au vieillissement des personnes immigrées résidant dans les foyers ? Parmi les pistes envisagées, celle des structures spécifiques réservées aux immigrés âgés a recueilli des avis partagés. L'étude que nous avons fait conduire sur cette question montre qu'il est indispensable, lorsqu'un foyer pour travailleurs migrants transformé en résidence sociale comporte une proportion importante de personnes âgées, de lui permettre de s'adapter à ce public, en termes d'architecture, de mobilier, d'animation et d'appui ; en revanche, il ne paraît pas souhaitable de créer des structures coupées du droit commun. Nous estimons préférable d'aider le développement et l'aménagement des foyers, tout en les mettant en contact avec les services de gérontologie et les structures d'accueil pour personnes âgées de droit commun qui, le jour venu, pourront accueillir les immigrés devenus dépendants. Aussi croyons-nous davantage à la mise en réseau et au passage progressif de relais qu'à la création d'EHPAD réservés aux personnes immigrées. Les choix ne sont cependant pas encore faits, et je tâcherai de porter à votre connaissance les préconisations des travaux et études qui nous ont amenés à ces conclusions.
Il y a quatre ans, un questionnaire diffusé aux comités départementaux des retraités et des personnes âgées (CODERPA) nous a permis de les interroger sur les difficultés des immigrés vieillissants et les actions menées à leur intention. Au moment de l'enquête, une dizaine de départements avaient réalisé des schémas gérontologiques intégrant la question des personnes âgées immigrées en matière d'habitat, d'intervention à domicile, d'articulation avec les EHPAD, d'accompagnement dans les démarches, d'actions d'information, de partenariats avec les services de gérontologie, de prévention et d'accès aux soins. Au-delà de ces thématiques figurant dans les schémas – qui ne représentent que des projets –, la liste des réalisations qui en ont résulté figure également dans le rapport.
S'agissant de l'accès aux droits, s'il faut saluer les initiatives existantes – comme la réalisation d'un guide sur l'accès à la retraite –, peu d'efforts ont été faits pour rendre l'information accessible et compréhensible par des publics qui n'y sont pas préparés. Les annonces faites par le Gouvernement dans le cadre du CILE sur l'action à conduire pour lutter contre le phénomène du non-recours aux droits laissent entrevoir une solution possible : au lieu d'attendre que les personnes les plus en difficulté aillent vers les services compétents, il faut au contraire aller vers ces demandeurs confrontés aux problèmes culturels et à l'isolement, à l'instar des femmes étrangères âgées.
Les dispositifs de la DGCS s'adressent en premier lieu aux étrangers en situation irrégulière, qui représentent un véritable défi pour les structures d'hébergement – notamment d'urgence –, à cause du droit inconditionnel à l'hébergement ; la question des Roms nous mobilise également. L'analyse que nous avons menée il y a deux ou trois ans, au moment du débat sur l'accès aux droits des étrangers, nous a pourtant permis de prendre conscience que des personnes en situation régulière, présentes depuis longtemps sur le territoire, peuvent elles aussi se trouver confrontées à des difficultés, souvent techniques. L'accès à l'ASPA est ainsi soumis à la condition de résidence régulière, six mois par an, qui n'est pas sans poser problème aux personnes âgées immigrées dont certaines effectuent des allers-retours fréquents entre la France et le pays d'origine. Pour l'heure, aucun changement n'est toutefois envisagé.
Accueillant en son sein le service des droits des femmes, la DGCS suit avec attention les difficultés très particulières des immigrées âgées, et si un comité interministériel ou un ensemble de mesures sur les immigrés devaient voir le jour, nous appuierions cette question auprès de la DAIC. Afin de ne pas empiéter sur les responsabilités des services chargés de l'immigration, nous préférons pourtant aborder ce problème en amont, car une action précoce peut éviter qu'une femme immigrée ne se retrouve, en vieillissant, dans une situation de précarité et d'isolement qui l'empêcherait de faire valoir ses droits. Le travail que notre direction mène sur les droits des femmes porte sur les questions d'accès à l'emploi, de lutte contre la violence et d'égalité entre les hommes et les femmes. Ces mesures visent les générations encore jeunes, et non les personnes âgées installées dans la difficulté.
Au-delà des 11 millions d'euros que nous versons, au titre de l'AGLS, aux résidences sociales, la DGCS distribue d'autres subventions. Le programme budgétaire 137, consacré aux droits des femmes, n'inclut pas de financement dédié aux femmes immigrées âgées ; le programme 177 ne prévoit pas non plus, au plan national, de fléchage vers les associations d'aide aux immigrés, ce type de subventions étant pris en charge par le ministère de l'intérieur. En revanche, dans le cadre d'une convention pluriannuelle, nous apportons une aide à l'Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO), importante tête de réseau en matière d'accueil.
Il faut enfin mentionner les mesures du CILE annoncées au mois de janvier ; sans être toutes directement destinées aux personnes immigrées – ce n'était pas l'objet du plan quinquennal –, elles les concernent amplement. L'action en faveur de l'accès aux droits et la lutte contre le non-recours se traduiront notamment par des indicateurs qui figureront dans les conventions d'objectifs et de gestion (COG) qui nous lient à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Le développement d'une offre de logement adapté et le renforcement de l'AGLS, annoncés par le Premier ministre, concerneront une bonne partie des résidences sociales accueillant des personnes immigrées âgées. Enfin, lorsque le projet de mobilisation nationale contre l'isolement des personnes âgées (MONALISA), lancé par les Petits Frères des pauvres, recevra le concours de l'État, dans le cadre du plan porté par Mme Michèle Delaunay, la question des personnes immigrées y trouvera assurément sa place.