Monsieur Bachelay, la DGCS n'ayant pas la maîtrise des dispositifs d'accès aux soins, nous agissons par le biais des liens privilégiés que nous entretenons avec le réseau des ARS. L'année dernière, les directeurs généraux des ARS et les directeurs régionaux de la cohésion sociale ont ainsi organisé un séminaire national, animé par la directrice générale de la cohésion sociale, sur la question de l'accès aux soins des personnes en situation de précarité. Nous veillons, en effet, à ce que les programmes régionaux de santé, en constante évolution, tiennent compte du problème d'accès aux soins des plus démunis, en concertation avec les directions de la cohésion sociale et les collectivités territoriales. C'est en coordonnant l'action des ARS et en mettant en commun les expériences – l'objet du séminaire – que nous travaillons sur cette question, les personnes immigrées âgées faisant partie des publics concernés par notre action. Nous avons l'intention de poursuivre l'effort afin que les orientations décidées lors du séminaire s'installent dans la durée.
Il est difficile de décrire avec précision les spécificités du vieillissement des immigrés. Une partie de la population étrangère, qui vit en habitat diffus, échappe à l'observation ; surtout, on ne demande pas sa nationalité à un patient qui vient à l'hôpital ou qui se rend dans une caisse de sécurité sociale. La DGCS comme la DAIC s'appuient donc moins sur les statistiques que sur l'observation locale qui, pour n'être pas toujours scientifique, reste parlante. Ces remontées du terrain montrent que les personnes résidant dans les foyers subissent une usure prématurée liée aux métiers qu'elles ont exercés, à leurs conditions de vie et au manque de suivi médical.
Madame Geoffroy, il ne s'agit pas de choisir entre structures dédiées aux immigrés âgés et structures de droit commun. L'essentiel est de permettre à la personne vieillissante de conserver son lieu de vie, et si ce lieu est un foyer – comme c'est souvent le cas pour cette génération –, il faut tout faire pour qu'elle puisse continuer à y vivre si elle le souhaite. Il faut alors que ce foyer s'adapte progressivement aux besoins physiques de ses habitants et noue des liens avec les services de droit commun – aide à domicile, infirmiers à domicile ou gérontologie –, afin d'assurer le suivi médical et de préparer l'éventualité d'un futur hébergement dans un EHPAD. Mais créer des EHPAD spéciaux pour immigrés n'apparaît pas souhaitable.
S'agissant des schémas gérontologiques, je vous renvoie à l'enquête que nous avons menée avec les CODERPA, qui recense les cas dans lesquels ces schémas ont tenu compte de la question de la population immigrée, en relation avec les CLIC.
L'amélioration de la prise en compte des besoins de cette population renvoie, pour nous, aux financements que nous accordons, à travers l'AGLS, aux résidences sociales. Aujourd'hui, c'est à l'échelon local et en fonction de chaque projet que les services déconcentrés de notre ministère décident, dans le cadre d'une convention, de l'octroi de cette aide et qu'ils en fixent le montant. L'enveloppe globale n'a pas été augmentée depuis des années ; par ailleurs, les critères qu'une résidence doit remplir pour en bénéficier étant définis dans la circulaire de 2006, déjà ancienne, les décisions – souvent éclairées – des services déconcentrés souffrent aujourd'hui d'un manque de coordination à l'échelle nationale. Les mesures annoncées dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale comportent une légère augmentation de l'enveloppe de l'AGLS, mais surtout une remise à plat de la circulaire qui en régit l'emploi. Les nouvelles instructions nous permettront de mieux définir les attentes à l'égard des résidences sociales qui accueillent des immigrés âgés.
Les succès ou échecs des différents guichets des caisses de sécurité sociale constituent un sujet sensible. Le travail des agents n'est pas en cause ; rendre ces organismes accessibles aux personnes immigrées âgées implique plutôt, au-delà des initiatives isolées, d'élaborer un discours politique national audible sur la question. Le problème du non-recours aux droits par les bénéficiaires potentiels de certaines prestations est ainsi à dissocier de la lutte contre l'abus de ces prestations par des personnes qui n'y ont pas droit. Seule une action politique déterminée et affichée – incluant l'introduction, dans les COG qui lient les caisses à l'État, d'indicateurs portant sur le non-accès aux droits – pourra créer un cadre permettant de généraliser les bonnes pratiques. N'étant pas chef de file en matière de politique à l'intention des immigrés, la DGCS ne saurait devenir le porte-drapeau de ce combat, mais les préoccupations que vous exprimez et l'existence même d'une mission d'information sur la question constituent pour nous un signal. Lorsque nous aborderons, dans le cadre de la COG, la question de l'accès aux droits, nous tâcherons de considérer non seulement les personnes en situation de précarité, mais également des publics marginalisés pour d'autres raisons. En somme, le progrès en cette matière exige un message qui articule les aspects politique, administratif et technique.
Les obstacles techniques dans l'accès aux droits résultent parfois des parcours chaotiques des immigrés âgés – et en particulier des femmes qui ont peu travaillé –, certaines personnes peinant à constituer leur dossier. Une partie des dispositifs comporte également des obstacles intrinsèques, à l'image de l'ASPA soumise à la condition de résidence régulière. Dans ce domaine, aucune évolution n'est envisageable sans une décision d'ordre politique, impliquant des conséquences financières qui ne relèvent pas de la DGCS.
S'agissant des comparaisons internationales, je ne dispose malheureusement d'aucune information.