Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai par présenter l'association des producteurs indépendants (API) : créée en 2002 par les sociétés Gaumont, UGC, Pathé et MK2, elle a été rejointe en 2015 par de nouveaux producteurs afin de représenter le cinéma dans toute sa diversité et de devenir un acteur incontournable du domaine cinématographique. En 2015, l'API et ses quinze membres ont produit quarante films français, qui ont réuni 30 millions de spectateurs, ce qui représente 50 % des entrées des films français.
Mme la présidente du CNC a fait un tour d'horizon très complet de la production française. Je rappellerai simplement qu'en 2015, la fréquentation des salles s'est établie, malgré les attentats, à 205 millions d'entrées, ce qui constitue tout de même un excellent résultat. Et nous attendons une hausse pour l'année 2016.
Permettre aux films français de conserver une forte part de marché – elle a été en moyenne de 40 % sur les dix dernières années – est un élément fondamental pour que le cinéma reste une industrie dynamique.
Le cinéma français doit aussi être apprécié à l'aune de son rayonnement à l'étranger : pour la troisième fois en quatre ans, les films français ont enregistré 100 millions d'entrées à l'étranger, ce qui constitue le meilleur score pour le cinéma français à l'étranger depuis plus de vingt ans. Pour la deuxième année consécutive, les films français enregistrent plus d'entrées à l'étranger qu'en France. Le cinéma est un ambassadeur important de notre pays : il porte les valeurs de l'exception culturelle en Europe et dans le monde.
Le financement de l'industrie cinématographique a évolué ces dernières années, du fait de la forte baisse du marché de la vidéo sur support physique dont le chiffre d'affaires marque un recul de 12 % en 2015, pour atteindre 650 millions d'euros. Cette perte n'a pas été compensée par le marché de la vidéo à la demande, qui reste stable, avec un chiffre d'affaires de 160 millions d'euros en 2015.
Le cinéma est confronté à la concurrence de nouveaux opérateurs – Netflix et Amazon aujourd'hui, SFR demain – qui n'investissent pas en préachat des droits de diffusion. Il convient de réfléchir aux moyens de les impliquer dans la filière du financement afin d'accroître le dynamisme du secteur tout en respectant les opérateurs historiques qui, depuis vingt ans, ont joué un rôle majeur dans ce domaine.
J'en viens à la « taxe YouTube » qui constitue pour nous un enjeu de première importance. L'amendement qui prévoit une taxe de 2 % sur les recettes publicitaires des plateformes gratuites de partage de vidéos établies en France ou à l'étranger et un abattement de 66 % du chiffre d'affaires pour l'assiette a été rejeté de justesse en séance publique après son adoption en commission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. L'API souhaite le voir adopté lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2016. Il ne s'agit pas pour nous de la création d'une taxe nouvelle, mais de l'extension d'une taxe existante, qui permet de faire contribuer de nouveaux modes de diffusion au financement de la création. Cette taxe rétablit l'équité fiscale entre les acteurs nationaux et non nationaux. Conformément à l'évolution de la réglementation européenne, elle consacre le principe du pays de destination. Elle bénéficie avant tout aux créateurs via un soutien à la production d'oeuvres destinées à une diffusion en ligne et permet de renforcer la transparence dans les relations entre les plateformes et les créateurs.
Autre sujet auquel nous accordons de l'importance : la chronologie des médias, consubstantielle au cinéma. Nous sommes conscients de la nécessité de nous adapter aux évolutions technologiques, culturelles et économiques, ainsi qu'aux évolutions de modes de consommation, linéaires ou pas. Il convient de ne pas oublier que les fenêtres d'exploitation successives et exclusives permettent le préfinancement des films et assurent la survie du cinéma dans son ensemble, en maximisant les recettes sur les supports de diffusion successifs. Un accord sur la chronologie des médias a été signé en juillet 2009 par la quasi-totalité de la profession. L'API est aujourd'hui favorable à une réforme qui inclurait l'ensemble de la filière.
Les crédits d'impôt représentent un autre enjeu majeur. Ces dispositions ont eu des effets bénéfiques immédiats dans des proportions supérieures à celles que nous anticipions. Grâce à ce dispositif, la France est devenue l'un des pays les plus compétitifs dans le domaine cinématographique et audiovisuel. Cela a des conséquences directes sur l'emploi – 10 000 emplois supplémentaires auraient été générés par l'augmentation des tournages – ainsi que sur les rentrées fiscales, et des conséquences indirectes pour les villes et les territoires où se déroulent les tournages.
Je terminerai par la lutte contre le piratage, élément-clef de la survie du système de financement, qui appelle un soutien sans faille des pouvoirs publics, au-delà des clivages politiques. Si le piratage prend de l'ampleur, c'est le financement et donc l'existence même des oeuvres cinématographiques qui est mis à mal. La France est l'un des rares pays au monde où la quasi-totalité des films ne subit pas de piratage avant leur sortie en DVD ou leur diffusion sur les plateformes de vidéo en ligne, grâce à une vigilance extrême des professionnels. En revanche, dès lors que les films sortent sur DVD, le téléchargement illicite devient massif, avec pour conséquence une baisse spectaculaire des recettes.
La France a été pionnière dans la lutte contre le piratage, avec la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « loi HADOPI ». Nous aimerions la voir étendue au streaming. Les statistiques restent inquiétantes : chaque mois, 13 millions d'internautes se rendent sur un site pirate, et seul un très faible nombre de dossiers est transmis au Parquet. Peut-être faudrait-il s'inspirer du modèle allemand qui ne repose pas sur la pénalisation.