Intervention de Carole Scotta

Réunion du 30 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Carole Scotta, présidente de la société de production et de distribution « Haut et Court » et co-présidente du syndicat des distributeurs indépendants réunis européens, DIRE :

Vos questions le prouvent, vous êtes sensibles à l'équilibre du secteur. Vous avez parlé des petits producteurs. Historiquement et globalement, la marge a toujours nourri le centre. Il faut veiller à accompagner ceux que certains ont tendance à appeler les « champions » du secteur, pour rayonner à l'international, mais aussi nourrir la diversité qui, elle-même, nourrit ces grosses sociétés. Il est donc très important de dire qu'il n'y a pas de petits producteurs, de petits distributeurs, de petits exploitants, de petits films, mais qu'il y a tout simplement le cinéma.

En 2008, nous avons eu la Palme d'or avec Entre les murs, qui était un petit film. Nous sommes des petits producteurs, et ce film a été l'un des premiers à se vendre à l'étranger et à faire rayonner la culture française. Chacun doit être à sa place et bien faire son travail, à l'intérieur d'un écosystème équitable. Toutes les mesures doivent contribuer à préserver cet équilibre.

Quant à l'offre légale, aussi fournie, aussi vive soit-elle, elle n'arrivera pas à exister tant que l'offre illégale sera perçue comme gratuite par les internautes.

En ce qui concerne la HADOPI, elle doit faire évoluer son système de surveillance d'internet, trouver des moyens techniques et réglementaires pour lutter contre le streaming, et non plus uniquement contre le téléchargement. Nous-mêmes, en tant que distributeur, prenons aussi nos responsabilités et payons chaque mois des services qui détruisent systématiquement des liens – mais ceux-ci réapparaissent dès le lendemain. Ce travail de Sisyphe nous coûte cher.

Je voudrais tempérer ce que j'ai dit sur l'exploitation. Toutes les salles ne font pas le même métier. Si vous êtes soucieux de préserver la présence du cinéma d'Art et essai dans nos territoires, veillez à ce que certaines salles abandonnent une logique de parts de marché et en reviennent à une logique plus éditoriale. Nombre d'entre elles le font, mais, dans certaines agglomérations où l'on propose toujours les mêmes films, la logique de parts de marché a tendance à tuer la diversité.

En tant que distributeurs et défenseurs de cette diversité, nous avons parfois du mal à faire exister nos films. Certains documentaires et certains petits films ne sont plus diffusés, car il est économiquement de plus en plus difficile de leur trouver des écrans. Dans le cadre d'assises organisées par le CNC, la profession réfléchit aux moyens de renforcer la réglementation et de permettre une plus grande diversité dans les salles.

J'en viens à un point de désaccord avec mon ami Richard Patry. Certes, le VPF a été un formidable instrument pour assurer la transition numérique et nous avons d'autres outils à notre disposition, telle la gestion du compte de soutien, pour permettre aux salles de poursuivre leur rénovation. Mais ce serait une erreur de croire qu'un élément de régulation garantirait une plus grande diversité dans les salles. Pour cela, il faut plutôt se tourner vers les engagements de programmation ou d'autres outils auxquels nous réfléchissons. Les distributeurs, les producteurs, les ayants droit des oeuvres seront opposés à ce qu'un élément financier soit retenu pour mieux réguler le marché : face à des frais de distribution exponentiels, notre souci est de faire remonter l'argent jusqu'aux producteurs et aux ayants droit, pour que chacun puisse vivre de son métier. En ce qui concerne la distribution, seuls 20 % des films français parviennent à l'équilibre. Il faut donc faire en sorte que les frais de distribution ne deviennent pas trop lourds, afin que nous ne soyons pas en déficit pour les sorties, que les films les plus fragiles puissent arriver sur les écrans et que l'argent circule de la salle jusqu'aux ayants droit.

Vous avez parlé des femmes et je suis très heureuse que vous souligniez la minorité que nous représentons. Nous devons nous battre davantage. C'est vrai dans notre secteur, comme dans le vôtre, et dans bien d'autres. Je ne peux répondre qu'à titre individuel. Nous produisons des femmes, comme Emmanuelle Bercot, nous sommes entourés de femmes, mais c'est un travail de tous les jours. Je suis sûre qu'il y a des choses à faire aux niveaux réglementaire et législatif, et je serai très vigilante sur ce point.

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