Intervention de Colette Capdevielle

Réunion du 6 décembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Il est très important d'évaluer la mise en oeuvre des lois votées. Vous avez fait, monsieur le garde des Sceaux, une évaluation très qualitative, que je salue : elle permettra d'ajuster les textes à venir, mais surtout de faire évoluer les différentes pratiques professionnelles. Le travail que vous avez fait est à la fois complet et très objectif.

La contrainte pénale est une révolution dans notre droit. Beaucoup ont été réticents parce qu'elle n'était pas jusqu'ici dans notre culture, mais ils la comprennent mieux et l'on assiste aujourd'hui dans les juridictions à une évolution des mentalités. Il s'agit bien d'une nouvelle peine, et non d'une peine complémentaire s'ajoutant à l'éventail des peines prévues par le code pénal. L'aspect le plus important et le plus novateur de la contrainte pénale est qu'elle a pour but l'individualisation. C'est une peine « à la carte », non pas au sens, bien évidemment, où la personne condamnée aurait le choix de sa peine, mais au sens où la justice agit précisément, avec force et avec beaucoup de moyens, là où se posent les difficultés – de formation, d'insertion, de toxicomanie ou autre. C'est pourquoi il faut saluer le travail des SPIP et la réorientation de leur manière de travailler. Aujourd'hui, ils mènent véritablement un travail pluridisciplinaire – complexe mais passionnant.

L'objectif reste, je le rappelle, de lutter contre la récidive. On nous dira toujours que nous sommes laxistes et que nous remettons en liberté des personnes qui devraient être en prison. Mais nous fondons le droit de la peine sur l'efficacité, non sur l'exemplarité. Il y a réellement deux conceptions qui s'affrontent, démontrant qu'à droite et à gauche on ne voit pas la société de la même façon. Oui, nous voulons nous donner les moyens de rendre les hommes meilleurs, parce que la prison n'est pas une fin en soi et qu'elle est quasiment toujours un échec. Nous assumons pleinement nos choix, ceux que bien d'autres pays ont faits avant nous. Nous sommes très pragmatiques. Nous refusons de jouer avec les peurs et les sentiments. Nous voulons sortir les délinquants de la spirale infernale dans laquelle ils se trouvent. Surtout, nous nous donnons les moyens de le faire plutôt que de mener des politiques racoleuses, d'affichage. Les peines plancher comme les sorties sèches ont été catastrophiques : qui ose encore les défendre ? Les chiffres sont là. Je persiste à dire qu'en faisant confiance aux juges, qui sont des professionnels et qui connaissent les dossiers, on obtient de meilleurs résultats.

Nous ne sommes que deux ans après l'adoption de cette loi dont vous avez expliqué les difficultés d'application. Nous y verrons beaucoup plus clair à partir du 1er janvier prochain. Le principal frein à la mise en oeuvre de la contrainte pénale réside dans la limitation initiale de son champ d'application aux délits pour lesquels un maximum de cinq ans d'emprisonnement est encouru. Je regrette de ne pas m'être battue beaucoup plus, au moment du vote de la loi, pour obtenir son extension à l'ensemble des délits. Autre frein : le manque d'implication des acteurs judiciaires, à commencer par les avocats qui ne se sont pas du tout emparés de cette nouvelle mesure, censée modifier complètement leur pratique professionnelle. Les avocats doivent préparer la juridiction devant laquelle ils défendent leurs dossiers à appliquer la contrainte pénale en donnant au juge des éléments d'appréciation.

À partir du 1er janvier 2017, la situation changera puisque la contrainte pénale pourra désormais s'appliquer à tous les délits. Elle deviendra ainsi une peine à part entière. Au vu des explications que vous nous avez données, monsieur le garde des Sceaux, et du fait qu'il y a eu à peine plus de 2 000 contraintes pénales prononcées jusqu'à présent, allez-vous communiquer auprès des procureurs généraux, des procureurs, des chefs de juridiction et du Conseil national des barreaux sur ces nouvelles dispositions qui vont désormais s'appliquer pour redonner à cette nouvelle peine toute la portée qu'elle mérite ?

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