Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 7 décembre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Fioraso :

Absolument. Il faut en effet rassurer les exécutifs des conseils départementaux, qui se sont un peu rapidement trouvés pris dans des promesses qu'il leur sera techniquement difficile de respecter dans les délais. Mieux vaut qu'ils adoptent une solution qui correspond aux besoins de leur territoire. En outre, c'est un enjeu industriel pour des entreprises comme Eutelsat, qui pourraient être tentées de conclure des partenariats avec des Américains et nous quitter – 1 000 emplois sont en jeu. Il est donc important de maintenir cette double compétence.

En ce qui concerne les « boosters », celui de Bretagne, Madame Corinne Erhel, fonctionne très bien, à notre grand étonnement du reste, en particulier dans les domaines de la surveillance des côtes et des applications maritimes. C'est même celui qui marche le mieux… Lancé par le COSPACE (Comité de concertation entre l'État et l'industrie dans le domaine spatial), il peut être utilisé soit par les collectivités, soit par le secteur privé. Encore une fois, la filière spatiale est véritablement duale. Les applications consacrées à la surveillance des côtes, par exemple, peuvent être utiles aussi bien à la défense qu'à la surveillance des zones de pêche – pour détecter d'éventuelles intrusions illicites – ou à la prévention de catastrophes telles que les naufrages de bateaux de migrants en Méditerranée. Là aussi, le spatial peut avoir un rôle, que l'Union européenne ne néglige pas, du reste.

Le problème, cependant, est toujours le même : les structures sont beaucoup trop nombreuses. L'argent est là, mais il est insuffisamment concentré. Au Royaume-Uni, par exemple, les activités sont concentrées au milieu de nulle part, sur le site de Harwell, à côté d'Oxford. Tout n'y est pas regroupé, mais tout y est coordonné. On y trouve, par exemple, la direction des télécoms de l'ESA. Les Britanniques y ont créé 63 entreprises en deux ans et demi ! Il est à noter que les dirigeants de ce pôle ne sont pas des ingénieurs en aéronautique ou en aérospatial ; ce sont deux jeunes femmes qui viennent, pour l'une, du développement économique et, pour l'autre, du secteur bancaire. Elles ont donc une approche très économique de l'accompagnement de la croissance et ne sont pas obnubilées par la technologie, domaine dans lequel nous sommes vraiment bons en Europe et excellents en France. Ce qu'il nous faut encourager, c'est le développement des usages, notamment les applications, et le modèle économique.

À ce propos, si le lanceur réutilisable est moins pertinent en France qu'aux États-Unis c'est parce que, à la différence des leurs, nos satellites volent surtout en orbite géostationnaire, de sorte que nos lanceurs souffrent davantage puisqu'ils évoluent dans des conditions plus éprouvantes et plus abrasives. Nous avons bien étudié le sujet : le retour sur investissement serait, pour nous, bien moindre. Il faut cependant poursuivre les recherches dans ce domaine ; c'est ce que fait le CNES, avec des laboratoires publics et l'ONERA. Mais, pour l'instant, le modèle économique n'est pas vraiment pertinent.

L'absence de GAFA en Europe est un problème, c'est vrai – même s'il ne concerne pas uniquement le secteur spatial. Je citerai un seul exemple : Google a investi 1 milliard de dollars pour ajouter un étage à SpaceX, qui travaille par ailleurs pour la NASA et le Département de la défense. Ce sont des moyens sans proportions avec les nôtres… Nous devons donc être plus que jamais européens, conclure des partenariats internationaux pour les grandes explorations et, dans le domaine de la recherche fondamentale, préserver nos niches d'excellence. Pour le reste, il faudrait que nous nous dotions de fonds d'investissement européens à même d'accompagner la croissance des entreprises, car si nos pépites, que ce soit dans le secteur des nanotechnologies ou dans celui des biotechnologies, se font racheter par les États-Unis, Israël, voire la Russie, c'est parce que nous ne disposons pas de fonds d'investissement. C'est un véritable problème. Il est tout de même frustrant de réaliser l'investissement en amont et de voir ensuite ces entreprises partir à l'étranger, même si les emplois restent en France.

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