Vos interventions, mes chers collègues, renvoient à trois questions principales : quelle considération a-t-on pour l'étudiant ? Quel rôle accorde-t-on aux universités ? Quel rôle et quelle fonction donne-t-on aux institutions et à l'État ?
Commençons par la prise en considération de l'étudiant. En entendant M. Reiss affirmer que l'accès de droit au master revenait à ouvrir les vannes et laisser les étudiants affluer en masse de manière inconsidérée vers les masters, me revenaient en mémoire les propos tenus par Martin Schulz, président du Parlement européen, en 2012 au sujet du financement des bourses Erasmus. Il insistait sur la volonté d'éviter de créer une génération perdue, compte tenu de l'ampleur du chômage dans les pays européens, et par conséquent sur la nécessité de rendre les études constructives alors que les parents n'avaient jamais consacré autant d'argent à la scolarité de leurs enfants.
C'est dans cette perspective que nous nous situons : d'abord sur la forme, car cette proposition de loi permet enfin à la France de s'inscrire pleinement dans la logique du dispositif européen du LMD ; ensuite sur le fond, car le droit à la poursuite d'études donne les moyens de s'élever par la connaissance, ce qui constitue l'un des meilleurs remparts contre le chômage – plus un jeune est diplômé, moins il lui est difficile de trouver un emploi. Ajoutons que la mise en oeuvre de ce droit a été préparée par plusieurs dispositifs déjà en place. Pensons à la revalorisation du système des bourses, à laquelle 450 millions d'euros sont consacrés, aux mesures en faveur du logement étudiant ou encore à l'instauration de l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE).
Le dispositif, conçu de manière collégiale, s'inscrit dans la logique de démocratisation de l'enseignement supérieur. Il prend en compte les aspirations de l'étudiant. Il le conduit vers l'autonomie : possibilité lui est donnée de prendre en charge ses études et sa vie professionnelle. Dans le même temps, les parents peuvent se sentir rassurés par cet accompagnement.
À l'issue du baccalauréat comme à l'issue de la licence, le parcours de l'étudiant s'insère dans un cadre construit avec l'État. La loi ESR de 2013 avait créé des passerelles au sein du premier cycle et instauré des quotas pour faciliter l'accès des jeunes issus des bacs professionnels et des bacs technologiques aux diplômes universitaires de technologie (DUT) et aux brevets techniques supérieurs (BTS). De la même manière, la proposition de loi offre des débouchés vers le master selon des critères précis et transparents.
J'en viens aux rôles des universités, signataires de l'accord via leurs représentants. Elles s'engagent à une transparence dans le recrutement. Les étudiants se dirigeront vers les masters, pleinement conscients des enjeux grâce au portail trouvermonmaster.gouv.fr en cours de construction. Les universités auront tout intérêt à assurer cette transparence afin d'éviter les recours et de disposer d'un vivier d'étudiants pour leurs formations ultérieures, en doctorat notamment.
Cette proposition de loi s'insère dans un processus qui a débuté en 2013 avec la loi ESR. Qu'a-t-on fait depuis dix ans ? a demandé l'un d'entre vous. Eh bien, durant cette période qui couvre les deux derniers quinquennats, nous avons fait beaucoup pour répondre aux défis de la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Quant au rôle des institutions et de l'État, il est précisé dans la proposition de loi. Le recteur, représentant de l'État, va assurer un accès en master aux jeunes qui n'auraient pas trouvé le master qu'ils estimaient être le plus en adéquation avec leur projet professionnel. Ils sont accompagnés dans leurs démarches. L'offre de formations s'établit grâce à un dialogue permanent entre les universités et l'État.
Nous sommes loin de la vision entretenue par certains d'étudiants profitant de manière irréfléchie du nouveau système. Le droit à poursuivre des études ne dévalorise en rien le master.
Pour finir, je soulignerai qu'il existe déjà une adéquation entre le nombre d'étudiants sortant de licences et le nombre de places en master : les effectifs sont sensiblement les mêmes. En favorisant une orientation dûment réfléchie, nous ferons en sorte que chaque étudiant diplômé d'une licence trouve une place en master. L'élévation du niveau de connaissances dans un pays est la garantie d'une augmentation des richesses, de la croissance et du PIB.