Intervention de Bruno David

Réunion du 7 décembre 2016 à 10h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bruno David, président du Muséum national d'histoire naturelle :

Avant d'être président du Muséum, j'étais chercheur au CNRS, où j'ai effectué l'essentiel de ma carrière. Étant biologiste marin et travaillant sur l'évolution biologique à partir de modèles fossiles ou de modèles actuels, donc à la charnière entre les sciences de la Terre et les sciences de la vie, je me suis intéressé aux oursins. Il y a actuellement dans le monde mille espèces d'oursins qui diffèrent autant entre elles qu'une musaraigne diffère d'un zèbre chez les mammifères. Cela m'a conduit à travailler dans les Terres australes et à plonger, à plusieurs reprises, aux Kerguelen, en Terre Adélie et sur la péninsule Antarctique. Je suis notamment assez fier d'avoir plongé au-delà des deux cercles polaires, au nord et au sud, en plongée autonome.J'ai également eu la chance de pouvoir plonger avec le Nautile, à 2 500 mètres de profondeur sur la marge du Pérou, lors d'une expédition extraordinaire.

Beaucoup de vos questions ont porté sur la mission d'expertise du Muséum et ses rapports avec la future agence de la biodiversité. Nous sommes en effet chargés d'une mission d'expertise, en appui aux politiques publiques. Cette expertise s'effectue, soit au travers de contacts bilatéraux avec des laboratoires du Muséum, soit au travers de notre service du patrimoine naturel.

Dans la réorganisation du Muséum, qui a été votée par le conseil d'administration et qui est en train de se mettre en place, un grand pôle sera dévolu à l'expertise, de manière à la rendre plus visible. Il comportera plusieurs entités, comme le Conservatoire botanique national du Bassin parisien, que nous hébergeons.

C'est ce pôle qui va tisser des relations avec l'Agence française de la biodiversité (AFB), dans la perspective d'un exercice conjoint de la mission d'expertise. Pour l'heure, et jusqu'au 31 décembre, le ministère de l'environnement passe des commandes au Muséum et lui octroie une subvention pour charges de service public. Nous sommes ainsi, sur demande du ministère, en train de diligenter une double expertise – écologique et sociologique – sur la présence du loup en France.

L'AFB s'inscrivant dans le paysage à partir de 2017, il a fallu construire une interface, ce que nous avons fait en mettant en place une unité mixte de service. Il s'agit d'une entité labélisée par le CNRS. Elle aura trois tutelles, le Muséum, le CNRS et l'AFB, et ceux-ci y mettront leurs forces en commun. Cela signifie qu'un certain nombre d'agents, qui étaient jusqu'à présent payés par le Muséum sur la subvention pour charges de service public, vont être transférés à l'AFB, qui les mettra en retour à la disposition du Muséum, dans le cadre de cette unité mixte. C'est le moyen le plus opérationnel que nous avons trouvé pour faciliter les relations avec l'AFB.

Si le CNRS est impliqué à ce stade, c'est parce que l'enjeu final dépasse la simple expertise et qu'il s'agit, au-delà de celle-ci, de générer des connaissances. En effet, si l'on sollicite le Muséum, ce n'est pas simplement pour lui faire réaliser une expertise, que pourrait aussi bien fournir un bureau d'études, mais parce qu'il doit y avoir un lien fort entre l'expertise et la recherche. L'expertise doit s'enraciner dans la recherche et générer des connaissances, dans un système très complexe, qui lie la biodiversité, l'environnement et la société.

Or, nous savons encore mal appréhender ces systèmes complexes, et c'est grâce à la recherche que nous pourrons comprendre leur fonctionnement – il y a là un pan entier de la science qui est en train de s'ouvrir. D'où la nécessité d'associer le CNRS à cette démarche, dans la mesure où il est le lieu où sont représentés tous les champs disciplinaires et où la recherche excelle dans plusieurs domaines au coeur des problématiques impliquant la société, la biodiversité et l'environnement.

Vous devez prendre conscience que l'on ne résoudra pas les problèmes actuels d'environnement, de biodiversité, voire de climat, sans avoir largement recours aux sciences humaines et sociales. Le temps est révolu où les scientifiques seuls pouvaient répondre à des questions devenues aujourd'hui aussi complexes. C'est en tout cas mon opinion.

Plusieurs députés. Et on la partage !

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