Intervention de Michel Pouzol

Réunion du 7 décembre 2016 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Pouzol, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, sur les crédits de l'audiovisuel public :

Je souhaite à mon tour rendre hommage à Rémy Pflimlin, homme de médias qui a su marquer la trajectoire de France Télévisions de son talent et de sa volonté, mais aussi de sa passion. Je veux également, bien que le lieu ne soit pas le plus approprié pour le faire, adresser une pensée amicale au général Pflimlin, que j'ai eu le plaisir de côtoyer dans l'Essonne dans le cadre de ses fonctions au sein de l'état-major de nos armées. Il devra désormais apprendre à vivre sans son frère.

Madame la présidente, chère Delphine Ernotte, nous vous auditionnons aujourd'hui peu après l'examen du projet de loi de finances pour 2017, qui n'a pas été sans encombre pour la société que vous dirigez. En effet, l'amendement de notre collègue Valérie Rabault, visant à supprimer l'augmentation supplémentaire de un euro de la redevance audiovisuelle a été adopté sans qu'une autre solution pérenne ne soit réellement trouvée, ce qui a gravement mis en péril la trajectoire financière du groupe. Je tenais à le dire avec une très grande clarté en profitant de la réunion de nos deux commissions ce matin.

Cette augmentation constituait pourtant un élément déterminant de la mise en oeuvre du COM, de la même manière que la redevance elle-même est un élément majeur de l'indépendance de l'audiovisuel public. La parole de l'État doit être tenue. Je rappelle aussi qu'en France, le niveau de la redevance est inférieur à celui que l'on peut constater chez nos voisins européens chez lesquels son « rendement » est parfois moindre en matière de diversité ou d'information, même si, comme vous l'avez souligné, madame la présidente, les moyens mis en oeuvre en Italie, en Allemagne ou en Grande-Bretagne ont un impact certain sur le renouveau de la création nationale dans ces pays.

J'appelle par ailleurs l'attention sur le caractère préoccupant de la trajectoire d'évolution de la trésorerie sur la durée du COM à venir si l'arrêt de la publicité pour la jeunesse et l'évolution naturelle de la masse salariale, résultant de la baisse programmée des effectifs, n'étaient pas prises en compte par le législateur et ne se traduisaient pas par une volonté claire de notre part de faire évoluer à moyen terme le modèle de financement des sociétés de l'audiovisuel public et de garantir leur financement pérenne. En conséquence, je me prononce personnellement depuis plusieurs années pour un élargissement de l'assiette de la redevance aux appareils connectés, à l'image des nouveaux usages et modes de consommation des médias qui ne cessent de se développer.

Force est de constater que, dans certains domaines, la révolution des supports et des outils est souvent plus rapide que celle des idées et des a priori. À nous, collectivement, de ne pas entériner l'idée que la représentation nationale serait incapable d'anticiper cette évolution – je suis enclin à croire qu'elle est déjà au coeur des préoccupations de l'audiovisuel public et de la présidente de France Télévisions.

Le COM de France Télévisions est structuré autour de trois objectifs stratégiques : le soutien à la création, le lancement de l'offre d'information en continu et la poursuite du développement numérique. Parmi les orientations qui me paraissent très satisfaisantes figure en premier lieu le plan de soutien à la création. Ce plan s'appuie sur un indicateur d'investissement minimal annuel dans la création audiovisuelle de 420 millions d'euros entre 2017 et 2020, et sur le maintien d'un plancher d'investissement important dans le cinéma.

Je crois que nous pouvons en particulier nous féliciter de l'accord conclu en décembre 2015 avec plusieurs syndicats de producteurs, qui permet à France Télévisions de développer la part dépendante de son investissement jusqu'à 25 %, contre 5 % précédemment.

Toutefois, permettez-moi d'émettre quelques réserves sur le projet de SVOD qui est au coeur de la stratégie numérique du groupe. Les paramètres du projet – les contenus, les partenaires, le modèle économique – apparaissent encore très incertains, même si un plan d'affaires a vraisemblablement bien été intégré dans ce COM. Je m'interroge sur la pertinence de la création d'une telle plateforme. Le groupe France Télévisions a-t-il la capacité de proposer un catalogue satisfaisant ? À moyens constants, comment le service public français peut-il prétendre rivaliser, en dehors de circuits de niche, avec les géants internationaux du secteur, alors que certaines entreprises multinationales de l'entertainment, selon le terme utilisé outre-Atlantique, ont échoué ?

Comment, par ailleurs, construire un tel projet, pour peu qu'il ait d'autres ambitions que celles des grands groupes internationaux, en l'absence d'association avec les autres acteurs de l'audiovisuel public, tel Arte, qui ont des projets similaires ? N'y a-t-il pas un risque que les uns phagocytent les autres ? Où en êtes-vous sur ce dossier ? Pouvez-vous nous donner des informations sur les partenaires et les financements prévus pour faire éclore cet ambitieux projet ?

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, en qualité de rapporteur sur les avances à l'audiovisuel public, ma réflexion a principalement porté sur le lancement de la chaîne d'information en continu. Je ne peux donc faire l'impasse sur ce sujet. Je me félicite à nouveau vivement du lancement réussi de la nouvelle offre d'information commune du service public, même s'il subsiste encore quelques ajustements à trouver à la marge, en termes d'identité éditoriale et de format. Pouvez-vous préciser le nombre et la nature des redéploiements d'emplois dédiés à cette chaîne d'information continue et l'évolution prévue de ces redéploiements dans les années à venir ?

Enfin, parmi les orientations qui me semblent devoir être clarifiées, j'insiste sur l'avenir de l'offre régionale. Le groupe opère une réorganisation du réseau régional de France 3, qui vise à créer treize nouvelles directions régionales dont le périmètre sera aligné sur la nouvelle carte des régions, et à supprimer les quatre pôles créés au moment de la fusion de l'entreprise.

Le passage des quatre pôles aux treize régions, source de crispations et d'inquiétudes récurrentes de la part des personnels, semble toutefois être davantage une réorganisation au fil de l'eau qu'une réforme structurelle qui bouleverserait l'équilibre des ressources humaines du groupe. Nous avons bien compris que votre ambition était plus large et que la réflexion menée sur l'avenir de France 3 se voulait à la hauteur des enjeux pour cette chaîne si particulière. Cette réflexion se traduit par une gestion pour l'instant délicate des ressources humaines de France 3, à mettre au crédit de la direction.

Madame la présidente, ces questions et ces remarques se veulent directes, tant nous avons été convaincus par votre façon d'aborder et de mettre en musique le COM de France Télévisions. C'est donc en pleine confiance que nous vous remercions de votre écoute et de la disponibilité de votre équipe. Vous avez effectué un travail remarquable. Ne doutons pas que vous saurez éclairer notre assemblée sur les étapes suivantes, par vos réponses concrètes au profit du service public de l'audiovisuel qui est un peu, pour paraphraser la célèbre formule, le patrimoine culturel partagé de ceux qui n'en ont pas, autrement dit, notre richesse commune.

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