Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 13 décembre 2016 à 9h30
Questions orales sans débat — Clause de conscience des pharmaciens

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Madame la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie, j’ai déposé il y a quelques mois une proposition de loi visant à créer une clause de conscience pour les pharmaciens. Cette initiative faisait suite à la diffusion publique des pressions exercées contre l’Ordre des pharmaciens afin que ces derniers ne la réclament pas dans leurs négociations avec le ministère de la santé. Depuis lors, j’ai mené de nombreuses consultations dans le but de mieux percevoir les problèmes éthiques auxquels cette profession est confrontée.

J’ai eu l’occasion d’auditionner Claire de Gatelier, intervenante de l’association Famille et Liberté. Son analyse est implacable. Plusieurs cas de licenciements de pharmaciens qui avaient refusé de fournir des drogues dont l’utilisation heurtait leurs consciences sont à dénombrer dans notre pays. Pire, la situation imposée aux pharmaciens, et l’interdiction qui pèse sur eux de refuser de délivrer de produits qui pourraient aggraver l’état des patients, entrent en totale contradiction avec le refus ministériel de cette clause de conscience. On ne comprend franchement pas comment un podologue peut bénéficier d’un tel dispositif et pas un pharmacien !

D’autres auditions m’amènent à la conclusion que, depuis la loi sur la fin de vie, le sujet se pose de manière encore plus dramatique. Des pharmaciens se voient obligés de délivrer des substances qu’ils savent euthanasiques. Cette situation ne peut plus durer.

Refuser une clause de conscience aux pharmaciens, c’est céder face à deux pressions coalisées. La première tient aux laboratoires pharmaceutiques, dont Jérôme Cahuzac nous a expliqué qu’ils finançaient l’ensemble des partis politiques. Les pressions que ces laboratoires exercent au coeur même du pouvoir ont été étudiées à de nombreuses reprises. Par ailleurs, la concentration en cours des entreprises de ce secteur donne naissance à des conglomérats qui accroîtront encore demain leur influence sur les normes européennes et françaises. Nous ne pouvons pas laisser l’économique mépriser les consciences individuelles, sans remettre en cause les principes qui président à notre conception de la santé.

La seconde est une pression idéologique, qui voudrait que la loi l’emportât sur les convictions personnelles. Nous avons vu cette évolution délétère avec la loi Taubira et l’acharnement juridique sur les édiles qui refusent de procéder à des actes que leur conscience réprouve.

Dans le cas des pharmaciens, l’État choisit de restreindre les libertés pour une raison spécifique : il ferait face à une puissante résistance de la part de professionnels qui voient au quotidien les désordres hormonaux, les avortements encouragés et les prescriptions inadaptées. Cette véritable mise sous tutelle de la liberté des pharmaciens rejoint alors les tendances les plus totalitaires. L’autonomie de la conscience et le respect des libertés éthiques sont l’aune des libertés publiques. Ainsi, le ministère de la santé méprise ces libertés.

Claire de la Hougue, docteur en droit, écrivait récemment dans la revue Causeur : « Le pharmacien engage sa responsabilité lorsqu’il délivre des médicaments. Il doit par exemple vérifier les risques de surdosage ou d’interaction entre différents produits, même si ceux-ci ont été prescrits par un médecin. Une telle exigence implique nécessairement la possibilité de refuser de délivrer un médicament. Il est donc assez paradoxal, voire incohérent, de prétendre obliger le pharmacien à délivrer un produit qu’il juge inapproprié ou nocif pour le patient. » Ma question est simple : à quand donc une clause de conscience pour les pharmaciens ?

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