Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 13 décembre 2016 à 15h00
Déclaration de politique générale du gouvernement débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Au plan social, ce programme entend abroger les 35 heures, reporter de trois ans l’âge du départ à la retraite, voire modifier les règles de l’assurance-maladie, comme cela avait été indiqué initialement. Au plan de l’entreprise, il s’agit de faciliter les modalités de rupture du contrat de travail et de relever les seuils sociaux. Enfin, on prévoit de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires, sans jamais dire d’ailleurs dans quels secteurs – cela au moment où la France manque d’enseignants, d’infirmières ou de policiers, et alors que les services publics désertent déjà les territoires ruraux et les banlieues.

D’ailleurs, Alain Juppé lui-même l’a déclaré le 21 novembre, entre les deux tours de la primaire : « [Ce] programme est d’une très grande brutalité sociale. Supprimer 500 000 emplois de fonctionnaires, porter la durée du travail dans la fonction publique dès 2017 à 39 heures, augmenter la TVA de 16 milliards d’euros sont des mesures d’une certaine brutalité dont certaines sont inapplicables. » On ne saurait mieux dire ! Alain Juppé qualifie ce projet d’ « ultralibéral ». Il s’inscrit en effet dans la lignée Thatcher-Cameron, à la différence de Theresa May, nouveau Premier ministre britannique, qui vient d’annoncer des mesures de soutien pour les ménages modestes, ainsi qu’une politique d’augmentation du Smic. En fait, le programme de l’opposition semble avoir pour objectif de revenir en arrière, de rétablir le passé.

Par ailleurs, à l’extrême droite, que je ne confonds évidemment pas avec la droite républicaine, un tout autre parti défend une sorte de national populisme analogue à celui qui se développe en Autriche, en Hongrie, en Pologne et même aux Pays-Bas et en Italie. Il le fait dans un contexte de crise économique, d’anxiété collective dont il entend tirer profit, comme parfois dans notre histoire, en particulier dans les années 1930. Ce parti extrême invoque le nationalisme, mais, en réalité, sous sa forme xénophobe. Sous cet angle, Romain Gary, combattant de la France libre, disait ceci : « Le patriotisme, c’est d’abord l’amour des siens. Le nationalisme, c’est d’abord la haine des autres. »

Pour ce parti, l’ennemi numéro un, c’est l’Europe, dénoncée, décriée. L’objectif, c’est de rétablir les frontières entre les peuples de l’Union européenne. C’est le repli sur soi, dans une France refermée sur elle-même. Au plan intérieur, tous les ressorts de la démagogie sont utilisés : le recours aux préjugés ; le choix de l’intolérance ; le rejet de l’autre ; la stigmatisation de telle minorité ou de telle confession. De ce côté-là, ce qui sera en jeu, ce sera la République elle-même, la République avec ses valeurs fondamentales, qui s’appellent égalité des droits, laïcité, fraternité.

S’agissant de l’égalité et du respect de tous, le code pénal interdit toute discrimination fondée sur l’origine ou la religion. Il sanctionne l’injure raciale. Il réprime la provocation à la haine et à la violence. Face à la montée du racisme, le projet de loi « égalité et citoyenneté » aggrave les peines prévues pour ces infractions, afin de les rendre désormais plus dissuasives. Surtout, il faut que les procureurs engagent davantage de poursuites, alors que certains semblent peu réactifs, voire passifs, face à ce type de délits.

Il revient donc à la Chancellerie d’adresser aux parquets une nouvelle instruction générale de politique pénale plus directive, pour rappeler l’indispensable fermeté contre ces infractions. Désormais, pour le ministère public, la règle doit être simple : moins d’indulgence, plus de vigilance. Chacun doit être respecté, considéré. Chacun doit être traité sur un pied d’égalité, en refusant évidemment de distinguer nos concitoyens selon l’origine, la couleur ou la religion.

Autre valeur fondamentale à préserver : la laïcité, que vous qualifiez très justement de « joyau de la République ». La République laïque respecte toutes les croyances, mais elle n’en reconnaît aucune, comme le souligne la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Cette neutralité de l’État entre les confessions permet à tous de vivre ensemble, par-delà les diverses appartenances religieuses, qui doivent concerner essentiellement la sphère privée.

De Paul Bert à Jean Zay, les radicaux ont toujours été fondamentalement attachés à l’école publique et laïque, à l’école de la République, celle qui remplit une mission essentielle : accueillir sur les mêmes bancs tous les élèves, quelles que soient leur origine, leur confession, leur conviction. Cette école est le creuset même de la France républicaine. Elle est l’un des principaux facteurs de son unité. La laïcité réunit et rassemble. Elle fédère. Elle renforce la cohésion nationale.

Au contraire, le communautarisme risquerait de conduire à une République éclatée, à une République fragmentée en groupes distincts et séparés les uns des autres, dont chacun vivrait replié sur lui-même. En revanche, la laïcité, c’est la tolérance, l’échange, le dialogue entre tous. C’est l’esprit de concorde. C’est la conscience commune d’un destin commun.

Autre valeur essentielle et complémentaire : la fraternité. Mais celle-ci serait un mot abstrait si on ne luttait pas activement contre la pauvreté. Certes, et vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, il existe un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté pour la période 2013-2017. Mais je pense qu’il sera renforcé, car la situation des personnes concernées reste particulièrement difficile. Dans notre pays, cinquième puissance économique mondiale, plus de 8 800 000 personnes, soit 14,3 % de la population, vivent sous le seuil de pauvreté. Parmi elles, on compte 2 700 000 enfants, soit un enfant sur cinq, et un sur deux en zone urbaine sensible.

Le degré de civilisation d’une société se mesure à la protection qu’elle accorde à ses membres les plus vulnérables, parmi lesquels se trouvent les enfants. Agir pour l’enfance pauvre est donc un impératif éthique essentiel pour une nation comme la nôtre.

D’ici à mai 2017, le temps est évidemment compté. Il reste 145 jours. Mais nous connaissons votre détermination, votre volonté d’agir et de préparer l’avenir. Il s’agit de continuer à bâtir une France plus juste et plus humaine, une France qui protège, une France qui soit main tendue et espoir partagé. C’est tout l’enjeu de 2017. Il s’appelle concorde et solidarité.

1 commentaire :

Le 14/12/2016 à 21:29, Laïc1 a dit :

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" Chacun doit être traité sur un pied d’égalité, en refusant évidemment de distinguer nos concitoyens selon l’origine, la couleur ou la religion."

Très bien, donc le même menu pour toutes et tous dans les cantines scolaires, sans distinction de religion.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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