Intervention de Patrick Boissier

Réunion du 7 décembre 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Patrick Boissier, président du groupement des industries de construction et activités navales :

Le processus de vente de STX n'est pas entre nos mains : il dépend des banques coréennes qui contrôlent aujourd'hui l'entreprise. Plusieurs offres, vous le savez, ont été déposées ; il appartient maintenant aux Coréens d'en retenir une.

Voici néanmoins ce que nous pouvons en dire et qui nous paraît essentiel.

D'abord, le chantier de Saint-Nazaire est le seul chantier de France qui ait la capacité, les équipements et les compétences permettant de construire des navires militaires de grande taille : au-delà de 15 000 tonnes, à Lorient, cela ne passe plus ! Il n'y a qu'à Saint-Nazaire que l'on puisse construire un deuxième porte-avions, des BPC, des FLOTLOG. Il est donc indispensable que la France contrôle d'une manière ou d'une autre ce qui s'y passe.

Ensuite, le chantier de Saint-Nazaire, qui est aujourd'hui en bonne santé grâce à son positionnement sur les navires de croisière, représente plus de la moitié de l'activité de construction navale en France. Même s'il n'opère pas ou peu dans le secteur militaire, il existe une très forte imbrication des compétences. Saint-Nazaire représente au moins 20 000 emplois directs dans le secteur de la construction navale. C'est donc un actif économique et social qu'il faut préserver, ce qui suppose de respecter quatre impératifs.

Premièrement, Saint-Nazaire ne doit pas devenir la variable d'ajustement d'un ensemble plus large. En effet, la construction navale est une activité cyclique qui fait appel à des compétences de très haut niveau, lesquelles sont pour beaucoup spécifiques à ce domaine et doivent donc être maintenues y compris en basses eaux, ce qui implique de conserver sur place le minimum d'activité nécessaire. Il est vrai que Saint-Nazaire a pour lui d'être le seul endroit ou presque où l'on peut construire de très gros paquebots ; mais cela ne suffit pas.

Deuxièmement, nous avons affaire à des outils de très haute technologie, et la nécessité d'avoir toujours un coup d'avance, voire deux ou trois comme l'a dit Hervé Guillou, oblige à innover en permanence. Or l'innovation réside dans la conception et dans les bureaux d'études. Quelle que soit la solution retenue, Saint-Nazaire doit donc absolument conserver cette capacité : il ne faut pas en faire un simple atelier de montage.

Troisièmement, dans le métier de la croisière, on ne peut prendre de commandes si l'on n'est pas capable soit d'apporter au client des financements, soit, si c'est lui qui les apporte, de lui fournir les garanties financières permettant de faire face à un éventuel problème – garantie de remboursement d'acompte, de bonne fin, etc. Il est indispensable que Saint-Nazaire soit doté des moyens d'obtenir ces financements ou ces garanties financières.

Le quatrième impératif est peut-être le plus important. Un armateur qui commande un navire de croisière à un chantier naval attend une livraison trois ans plus tard. Mais il commande toujours deux navires : un prototype et un sister ship, lequel deuxième sera livré au bout de quatre ou cinq ans. Et puisque les armateurs veulent désormais des séries de bateaux, il en attend aussi un troisième, un quatrième, un cinquième qui seront livrés dans six, sept, huit ans. De ce fait, un armateur ne passe une commande à un chantier que s'il en perçoit la pérennité. La solution qui sera retenue doit donc non seulement être pérenne, mais donner aux armateurs la perception qu'elle l'est.

Je vous livre là une grille d'analyse permettant de juger des solutions qui seront apportées et qui, malheureusement, ne sont pas entièrement entre nos mains.

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