Intervention de Claude Girault

Réunion du 6 décembre 2016 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Claude Girault, directeur général adjoint à la Direction générale des outre-mer :

Monsieur le président, j'ai demandé à Stanislas Cazelles, sous-directeur des politiques publiques à la Direction générale des outre-mer, de m'accompagner. C'est en effet un praticien et un fin connaisseur de l'actualité européenne, notamment outre-mer, et il pourra préciser certains de mes propos.

Les sujets européens sont vraiment un des coeurs de métier et un des coeurs de l'action de la ministre des outre-mer qui, la semaine dernière encore, s'est rendue avec des élus ultramarins à Bruxelles pour rencontrer la commissaire Margrethe Vestager et parler de la révision du règlement général d'exemption par catégorie, le RGEC. C'est un axe d'action fort ancien du Gouvernement. Nous travaillons depuis longtemps sur ce thème. Plusieurs étapes ont été franchies, et nous sommes heureux d'avoir poussé à cette révision du RGEC, à propos de laquelle le Président de la République, le Premier ministre et le président de la Commission européenne sont intervenus.

Au cours de cette mandature, nous avons également beaucoup travaillé et discuté avec Bruxelles sur l'octroi de mer et sa reconduction.

Nous sommes arrivés à une étape importante, puisque les discussions sur la RGEC et sur l'octroi de mer sont à nouveau ouvertes.

Par ailleurs, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, nous travaillons à valoriser et à exploiter toutes les potentialités de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – sur la mise en oeuvre de dispositifs spécifiques en faveur des RUP. Et le travail du député Letchimy, sans être notre livre de chevet, est un des fondements de l'action du ministère des outre-mer.

La ministre est très attachée à la bonne prise en compte des régions ultrapériphériques dans la révision des politiques communautaires, en particulier des politiques de cohésion. Avec les élus ultramarins, nous nous efforçons de développer cette approche auprès de la Commission, qui la reçoit plutôt favorablement. J'en veux pour preuve la dernière rencontre des autorités de gestion des fonds européens, qui s'est tenue à Strasbourg il y a quelques semaines. Comme cette rencontre correspondait à une session du Parlement européen, un dialogue très approfondi a pu s'instaurer avec des présidents de régions, y compris ultrapériphériques. Un échange informel a même eu lieu au cours d'un dîner avec plusieurs commissaires européens, dont Mme Corina Cretu, la nouvelle commissaire chargée de la politique régionale, et Mme Marianne Thyssen, la commissaire européenne chargée de l'emploi – un portefeuille très important pour le FSE (Fonds social européen).

Par ailleurs, M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission, et les commissaires européens compétents tiendront une session de travail, le 30 mars prochain, avec les présidents des RUP des trois États membres qui en comportent, l'Espagne, le Portugal et la France. La ministre des outre-mer prendra toute sa part à la préparation de cette session, qui devrait permettre de sensibiliser la Commission à ce que l'on appelle le « poste 2020 », autrement dit les politiques de cohésion après 2020.

De la même façon, nous avons sensibilisé la Commission – c'est d'ailleurs un des axes d'action de notre ministère et de notre direction générale en particulier – sur la clôture de gestion des programmes européens 2007-2013.

Nous sommes en train de nous réorganiser, au sein de la direction générale, pour travailler avec l'ensemble des autorités de gestion dans les régions ultrapériphériques. Mais le panorama des autorités de gestion outre-mer est complexe ; la discussion avec les collectivités territoriales outre-mer a conduit à des situations qui le sont tout autant. Les fonds sont partagés entre l'État, les régions et les collectivités uniques, là où il y en a – Martinique, Guyane et Mayotte. Le conseil départemental de Mayotte n'ayant pas souhaité prendre cette compétence, l'État est resté la seule autorité de gestion des fonds européens destinés à cette collectivité.

Nous sommes dans une phase d'achèvement des audits de certification des autorités de gestion. Nous n'avons donc pas tout à fait terminé, ce qui nous préoccupe. Les programmations sont faites dans un certain nombre de situations, mais les paiements risquent de prendre quelque retard. Voilà pourquoi nous nous sommes mobilisés, avec le Commissariat général pour l'égalité des territoires, pour que la dynamique des fonds européens produise ses effets sur nos territoires. Ce n'est pas à la délégation aux outre-mer que j'expliquerai qu'il existe sur ces territoires une forte tension sur l'emploi, et que les fonds européens sont absolument nécessaires à leur développement. La perspective « post 2020 » ne doit pas se traduire, pour les territoires ultramarins de l'Union, par des pertes.

Par ailleurs, si l'on n'y prend pas garde, le Brexit peut avoir un effet en Martinique, que sa situation de richesse relative peut conduire à sortir de certains mécanismes européens. Aucune décision n'a été prise, mais nous sommes entrés dans une phase très proactive, au cours de laquelle nous devrons faire preuve de pédagogie vis-à-vis de la Commission.

Nous avons eu le sentiment, lors de nos derniers contacts, qu'aussi bien les services de la Commission que les directions générales de la Commission ou les commissaires eux-mêmes portaient une réelle attention aux spécificités des régions ultrapériphériques. Un certain nombre de commissaires se sont déplacés et prévoient de se déplacer régulièrement dans nos territoires, que ce soit dans l'Atlantique ou dans l'océan Indien – à La Réunion et à Mayotte, dont la situation particulière est bien prise en compte.

Tout à l'heure, monsieur le président, vous avez évoqué le calendrier politique de la France par rapport à celui de l'Union. C'est ce que nous disent à la fois nos collègues des services de la Commission et les commissaires : il faut que le mandat de la Commission se déroule normalement dans le cadre du calendrier qui est le sien.

Les vingt-huit États ont leur propre calendrier électoral, et aucun ne doit prévaloir sur les autres – hormis celui qui est lié au Brexit. Nous devons nous préparer sans attendre que l'élection présidentielle et les élections législatives qui la suivent soient passées. N'oublions pas que le calendrier de la Commission la conduira à finaliser à l'été 2017 les premières orientations des programmes européens.

Les travaux de la Délégation, qui sont très larges, nous seront très précieux. Ils nous aideront à construire un discours, des propositions, à sensibiliser les uns et les autres sur les retards économiques de nos territoires ultramarins et sur la nécessité de leur octroyer des aides à l'emploi, qui sont au coeur du FSE et de l'IEJ (Initiative pour l'emploi des jeunes).

Nous devons aussi porter attention à l'éventuelle absence d'engagement de projets ou de paiements. On ne peut pas, en effet, tenir un discours sur la situation très dégradée ou très préoccupante de nos territoires en termes de développement économique et social et d'égalité réelle si, en même temps, les fonds disponibles ne sont, soit pas programmés, soit pas engagés. Cela risque de fragiliser grandement le message politique que le Gouvernement, le Parlement national et les élus peuvent porter.

Nous sommes donc très soucieux de la qualité de la gestion. Certes, nous avons pu rencontrer des difficultés dues au fait que nous avons organisé, conformément aux décisions du Parlement et aux orientations voulues par la majorité, le transfert d'une grande partie de la gestion des fonds européens aux régions. Ces difficultés ont pu retarder l'organisation des différents dispositifs. Mais nous nous efforçons de rattraper ces retards.

Voilà donc quelques éléments rapides sur les actualités européennes. Je laisserai Stanislas Cazelles compléter mon propos sur les points qu'il a plus particulièrement suivis, notamment sur le RGEC.

Je remarquerai, de manière un peu humoristique, que la première destination de travail de la direction générale des outre-mer n'est pas l'outre-mer… mais Bruxelles. Nos échanges les plus fréquents – et les plus soutenus – se font avec les services des différentes directions générales de la Commission, en particulier celles de la politique régionale et urbaine et celle de la concurrence – DG REGIO et DG Concurrence.

Il faut expliquer, sans jamais se lasser, la spécificité de nos territoires, leur situation et le caractère absolument indispensable de l'accompagnement européen. Il faut démontrer que nos territoires ne vont pas porter de graves atteintes à la libre circulation et aux différentes libertés fondamentales de l'Union, auxquelles nous sommes tous attachés, et que les spécificités citées à l'article 349 ne vont pas lourdement entraver la concurrence dans ces territoires. La taille, l'éloignement et l'insularité de ces territoires s'opposent à leur rentabilité économique, et justifient que l'on prenne en compte certaines situations.

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