Je suis heureux de traiter avec vous du cadre fiscal international dans lequel prend place l'accord multilatéral portant sur l'échange des déclarations pays par pays sur lequel vous allez être amenés à vous prononcer. Les mesures s'appliqueront aux entreprises multinationales dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. Elles seront tenues de dévoiler leur stratégie fiscale en détaillant, pays par pays, où se réalise leur chiffre d'affaires, où se trouvent leur personnel et leurs actifs, où sont payés leurs impôts et quel montant de leurs bénéfices est alloué à chaque pays. Les administrations fiscales concernées pourront ainsi concentrer leurs contrôles non plus vers les transactions entre pays à haute fiscalité mais sur les flux qui, en finissant dans les paradis fiscaux, ne sont pas taxés du tout.
La lutte contre les stratégies fiscales agressives a commencé au cours des années 1990, quand l'OCDE a reçu mandat du G7 réuni à Lyon en juin 1996 de remédier à l'absence de transparence et à l'absence de fiscalité caractérisant les paradis fiscaux où, le renforcement de la mondialisation, la fin du contrôle des changes et la libéralisation de la circulation des capitaux aidant, les avoirs se concentraient.
Ces travaux ont été interrompus au début des années 2000 pour plusieurs raisons. La première a été le retrait des États-Unis après l'élection d'une nouvelle administration qui considérait qu'il n'y avait pas tant des paradis fiscaux que des enfers fiscaux et qu'en réalité les premiers maintenaient la pression sur les seconds – la France, avec un taux de prélèvement obligatoire élevé, étant souvent désigné comme un de ceux-là – en les obligeant à réduire leur fiscalité. D'autre part, l'Union européenne avait adopté une directive relative à la fiscalité de l'épargne qui permettait aux États membres de choisir la retenue à la source ou l'échange de renseignements. Cela rendait plus difficile les discussions avec les paradis fiscaux situés hors de l'Union européenne. Ainsi, lorsque je me suis rendu aux Bahamas en 2007, mes interlocuteurs ont eu beau jeu de me dire pour commencer que l'OCDE ferait bien d'inscrire la Suisse sur ses listes de paradis fiscaux, puis de me demander pourquoi les Bahamas devraient mettre fin au secret bancaire alors que l'on pouvait pratiquer la retenue à la source au sein de l'Union européenne. En bref, m'a-t-on dit, « commencez donc par établir des règles de concurrence équitables et nous reparlerons de tout cela ».