Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 7 décembre 2016 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont, rapporteur d'information sur le projet de COM 2016-2020 de France Médias Monde :

On ne peut que saluer votre entrée en matière dans l'Audiovisuel extérieur de la France. Notre commission avait assisté à une guerre des égaux et des ego : guerre des égaux, dès lors qu'Alain de Pouzilhac et Christine Ockrent avaient tous deux été nommés par le Président de la République ; guerre des ego parce qu'aucune des deux personnalités ne voulait s'incliner, chacune s'estimant légitime. Les efforts que vous avez déployés au début de votre mandat ont été couronnés de succès. Nous tenions à vous remercier d'avoir pacifié cette maison, qui a pu se mettre enfin réellement au travail.

En ce qui concerne l'exécution du COM 2013-2015, j'observe tout d'abord que l'État a tenu ses engagements d'augmentation des ressources publiques. Vos ressources ont augmenté de 2 %, alors que les dotations pour France Télévisions ont diminué de 2 %.

L'entreprise a atteint l'ensemble des objectifs portant sur le renforcement des grilles des antennes, leur distribution, leur notoriété et leurs audiences. Ces dernières ont progressé tant en linéaire qu'en numérique, ce dont on ne peut que se féliciter.

En outre, conformément aux objectifs, le 31 décembre 2015, a été signé un accord unique d'entreprise harmonisant les conditions de travail entre les différents salariés, en termes de rémunération et de temps de travail, notamment. Vous avez parlé d'égalité femmes-hommes et des autres éléments contenus dans cet accord. Là aussi, nous tenons à vous en féliciter.

Cependant, si les charges totales de la société ont été maîtrisées dans leur ensemble, la masse salariale, qui devait être stabilisée à 51 % du total des charges d'exploitation, a connu une constante augmentation puisqu'elle est passée à 54 % en 2015, pour un montant de 137 millions d'euros. L'AEF avait pourtant mis en place deux plans de départs volontaires entre 2009 et 2012, qui ont été financés par l'État à hauteur de 41 millions pour le premier et de 24 millions pour le second. Or j'observe que les effectifs de la société sont plus élevés qu'auparavant, avec 1 848 équivalents temps plein (ETP) en 2016, contre 1 703 en 2012. On peut donc légitimement se demander à quoi ont servi les 65 millions d'euros qui ont financé les deux plans de départs volontaires. Nous attendons de votre part des explications sur ce point. Comment envisagez-vous à l'avenir de contenir la masse salariale ?

L'évolution de la masse salariale a conduit l'entreprise, pour équilibrer ses comptes, à comprimer fortement les dépenses de communication et de marketing, qui sont pourtant cruciales pour maintenir la notoriété et les audiences des antennes dans un environnement ultra-concurrentiel.

Je relève par ailleurs que les ressources propres ont été un peu moins dynamiques que ne le prévoyait le COM. Elles s'établissent à 8,7 millions d'euros en 2015, alors que l'objectif était de 10,4 millions. Je note que le projet de COM prévoit, quant à lui, une augmentation de 15 % d'ici à 2020. J'ai cru comprendre que cette progression nécessitait une modification du cahier des charges. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?

Le projet de COM 2016-2020, dont notre commission est saisie, nous paraît globalement très satisfaisant. C'est un document clair, qui repose sur des analyses pertinentes. Le plan d'affaires nous paraît équilibré.

Je note que l'État s'engage à apporter son soutien à France Médias Monde, dont les ressources publiques devraient progresser de 23 millions sur la période. Cet accompagnement significatif doit permettre au groupe de financer ses différentes priorités, sans l'exonérer d'un effort de maîtrise de ses charges, en particulier de personnel.

Je note également que l'entreprise prend des engagements précis en matière d'amélioration de la transparence des informations qu'elle fournit à ses instances de gouvernance.

Je me permets néanmoins de formuler quelques interrogations et suggestions concernant certains objectifs et indicateurs.

Tout d'abord, en ce qui concerne le lancement d'une offre en espagnol de France 24, je comprends parfaitement l'intérêt pour France Médias Monde de se développer en Amérique latine. Ce projet est particulièrement innovant et intéressant dans son organisation, qui repose sur des synergies fortes entre radio, télévision et numérique. Cependant, à la lecture des indicateurs, les retombées attendues peuvent paraître limitées au regard du coût du projet : avec un budget de 7,3 millions d'euros en année pleine, l'objectif est d'atteindre une distribution permettant de toucher potentiellement 6 millions de foyers en 2020, pour une audience réelle qui sera nécessairement très inférieure à ce chiffre. Cela fait donc plus de 1 euro par foyer desservi. Pourriez-vous préciser les éléments que vous avez pris en compte dans le bilan coût-bénéfices de ce projet ?

Un autre exemple a retenu mon attention : le développement en Inde. Sauf erreur de ma part, la présence de France 24 en Inde se traduit par une distribution desservant 35 millions de foyers, pour une audience estimée à moins de 1 million de téléspectateurs. Pouvez-vous nous indiquer combien coûte cette présence en Inde, le projet de COM faisant état d'un renchérissement brutal des coûts, imposé par la principale plateforme de distribution indienne ?

Dans un contexte extraordinairement concurrentiel et budgétairement contraint, n'y a-t-il pas un risque de dilution de la stratégie et de l'impact des antennes de France Médias Monde ? Les moyens consacrés à ces zones de conquête ne sont-ils pas susceptibles de remettre en cause les moyens nécessaires pour consolider et renforcer la présence de France Médias Monde dans ses zones d'influence prioritaires – Afrique et Moyen-Orient en particulier –, dans lesquelles la concurrence s'accroît ? Le développement de la TNT en Afrique, par exemple, demande naturellement des moyens importants, et ceux affectés à l'Inde ne sont pas disponibles pour l'Afrique. Comment s'opèrent les choix de France Médias Monde pour les zones à conquérir ?

Vous déployez également des montants significatifs pour les nouveaux médias, puisque ces crédits vont augmenter de 1,8 million d'euros. Cependant, compte tenu de l'enjeu majeur que constitue la performance numérique de ses antennes pour l'avenir de FMM, je m'interroge sur l'adéquation des moyens consacrés à cet axe, au regard notamment de l'investissement de 7,3 millions d'euros consenti pour le développement de l'offre en espagnol. Je voudrais connaître votre sentiment sur ce point.

Par ailleurs, vous avez à l'instant indiqué le projet de déploiement de RFI en France ainsi que votre souhait, réitéré à plusieurs reprises, de voir France 24 atteindre la TNT sur l'ensemble du territoire français. Notre commission a déjà traité de cette question. France 24 s'adressant aux étrangers, ce n'est pas la même chose que France 24 s'adressant aux expatriés ou aux Français en France : la ligne éditoriale n'est évidemment pas la même, d'autant que l'objectif de développer des recettes nouvelles conduit sans doute plutôt à mettre l'accent sur la France.

Par ailleurs, certains des objectifs fixés par le COM mériteraient, il me semble, d'être réévalués. À titre d'exemple, le nouvel indicateur n° 3 mesure le volume de contacts hebdomadaires enregistrés par les antennes en linéaire et sur le numérique. Je note que l'objectif est de passer de 120 millions à 150 millions de contacts par semaine de 2015 à 2020. Cependant, le nombre de contacts actuels par semaine s'établit déjà à 135 millions en 2016. L'ambition n'est donc pas très élevée.

De même, les cibles de l'indicateur n° 4 relatif aux performances numériques de France Médias Monde peuvent paraître peu ambitieuses au regard de l'explosion de ce mode de communication. Ainsi, l'entreprise se fixe l'objectif de faire progresser le nombre de visiteurs uniques par mois sur l'ensemble de ses sites et applications d'environ 25 % en cinq ans, alors que la progression a été de 65 % ces trois dernières années. De même, l'entreprise fixe également un objectif d'augmentation de la consommation de vidéos et de sons par mois sur les réseaux numériques de 26 % en cinq ans, alors que la progression a été de près de 300 % sur le précédent COM. Une réévaluation de ces objectifs vous paraît-elle envisageable ?

Sous le bénéfice de ces observations et recommandations, c'est un avis favorable que je demande à mes collègues de formuler sur ce projet de COM, car vos ambitions doivent être encouragées.

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