Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 14 décembre 2016 à 15h00
Questions au gouvernement — Situation à alep

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Monsieur le député, à la suite d’Olivier Faure, vous venez de décrire, avec beaucoup de tristesse dans votre voix, la situation dramatique de la population d’Alep. La France n’a cessé de dénoncer, et je l’ai fait souvent ici, la stratégie de la guerre totale dans laquelle le régime de Damas s’est engagé, avec ses soutiens russe et iranien.

J’avais mis en garde, car je craignais ce qui allait se passer. Je le dis, en particulier aux adeptes de la realpolitik qui pensent qu’il suffit de parler avec Bachar Al-Assad pour régler le problème : partout où elle est présente – au Conseil de sécurité de l’ONU et samedi, lors de la réunion des pays partisans de la négociation, associant États européens, États-Unis, pays arabes et Turquie – la France continuera de se battre pour une solution de paix.

Il y a trois priorités. La première, c’est l’aide humanitaire. Le Premier ministre l’a rappelé : demain, au Conseil européen, le Président de la République et la chancelière allemande proposeront de confirmer la demande que nous avons faite de couloir humanitaire et d’observateurs internationaux pour permettre l’évacuation, avec l’aide des organisations humanitaires.

La deuxième priorité, c’est de reprendre les négociations politiques à Genève. Nous l’avons dit aux Russes – contrairement à ce que croient ceux qui nous pressent de parler aux Russes, nous ne cessons de le faire ! – : si ces négociations, prévues par la résolution 2254 du Conseil de sécurité, ne reprennent pas, alors les Russes assumeront la responsabilité de s’enfermer dans une stratégie semblable à celle qu’ils ont adoptée en Afghanistan, et dont ils ne pourront sortir.

La troisième priorité, c’est de lutter contre le terrorisme. Il s’agit de combattre Daech, mais aussi de protéger les Français et les Européens. Le régime syrien lutte prétendument contre le terrorisme. En réalité, il lutte contre l’opposition, ce qui a permis aux djihadistes de Daech de reprendre Palmyre. Tout un symbole !

2 commentaires :

Le 15/12/2016 à 16:51, Laïc1 a dit :

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"En réalité, il lutte contre l’opposition, ce qui a permis aux djihadistes de Daech de reprendre Palmyre. Tout un symbole !"

Le symbole concerne surtout les pays occidentaux, incapables d'aider à protéger les sites historique, et critiquant ceux qui essaient de le faire, sans aucun remerciement s'ils arrivent à chasser l’infâme terrorisme daechien de ce bijou de l'histoire antique.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 15/12/2016 à 18:47, chb17 a dit :

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Celui qui le dit c'est lui qui y est ! Cet enfantin adage s'applique malheureusement à notre classe politique - et à nos médias - en ce qui concerne le martyre imposé "par le dictateur sanguinaire à son propre peuple".

La "stratégie de guerre totale" dénoncée par M. Ayrault, c'est en effet plutôt celle du gouvernement français à la remorque de l'OTAN, et d'Israël et des précieux pétromonarques. Nous avons soutenu, contre le choix des urnes syriennes, une opposition offshore inconnue en Syrie, mais déclarée légitime par les maîtres en démocratie frelatée. Nous avons soutenu, armé, formé, et tenu à bout de bras une ASL très proche des variantes d'al Qaeda que l'on dit combattre par ailleurs. Nous avons tenté un bombardement de Damas en 2013, sans aucune preuve d'utilisation d'ADM par le régime (voir les doutes des anglo-US, et leur refus de pilonner !). Nous avons refusé la participation de l'état syrien à toute négociation. Mieux, nous avons quitté les réunions de l'ONU dès que le représentant syrien prenait la parole.

Tout cela, c'est effectivement le choix de la guerre totale, de la part de l'Elysée.

La priorité que le ministre affirme donner à l'aide humanitaire, on l'a vue en action en Libye où ce n'était qu'un prétexte pour lancer des bombes, en Syrie c'était la fourniture d'armes aux terroristes (modérés, paraît-il, comme ceux d'Alep Est qui continuaient à lancer des obus sur Alep Ouest jusqu'à la semaine dernière, et qui ont tellement choyé les gens sous leur contrôle que ceux-ci ont fui en masse dès que cela a été possible). Notre allié turc a aussi profité de convois « humanitaires » pour passer des armes de guerre.

Quant à la reprise de Palmyre par Daesh, qui y a lancé des troupes venant de Raqqa, de Mossoul et d'ailleurs, le renseignement - notamment par satellite ! - de nos alliés qui n'en ont pas plus vu la préparation qu'ils ne voyaient les files de camions du trafic de pétrole a sans doute autant de responsabilité dans l'affaire que les russes ou les syriens. En accuser al Assad ressort d'une sempiternelle diabolisation plus belliciste qu'honnête.

Et voilà qu'Alep est libérée. Le gouvernement - qui a commis quelques bavures et exécutions extra judiciaires en Syrie - pousse des cris d'orfraie, à propos de morts rapportées par des « témoins » situés à des centaines de km ? La belle affaire. Notre propre guerre n'est pas si propre à Mossoul qu'on puisse donner des leçons.

La diplomatie ne dit pas toujours la vérité, mais la nôtre excelle dans le mensonge minable. Elle

« s'enferme dans une stratégie » odieuse, et perdante.

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