Intervention de Martine Martinel

Réunion du 8 décembre 2016 à 9h00
Commission d'enquête sur les conditions d'octroi d'une autorisation d'émettre à la chaîne numéro 23 et de sa vente

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Martinel :

Je tiens à remercier le président et le rapporteur, et à souligner l'intérêt du travail réalisé. Le président a dénoncé un ton accusateur ; vous avez estimé, monsieur Fenech, que la montagne allait accoucher d'une souris. De mon point de vue, le rapport contient de vraies propositions.

Il est exact, monsieur le président, que le rapport a une tonalité à charge. Mais, quitte à être immodeste, je rappelle que j'avais souligné dès 2012, dans un rapport, l'incongruité qu'avait constituée l'attribution d'une fréquence à la chaîne Numéro 23, au vu des conditions dans lesquelles cette attribution s'était déroulée et, surtout, de la pauvreté, voire de l'inanité, des programmes diffusés par la chaîne – et il ne s'agit nullement de critiquer les goûts de telle ou telle minorité, sexuelle ou autre. Après moi, bien d'autres l'ont soulignée à leur tour, sur tous les bancs. On peut juger que le rapporteur a fait une lecture partielle et partiale, mais la chaîne a tout de même accordé beaucoup d'attention au tatouage, ce qui n'était le signe d'une grande ambition ni en matière de diversité ni en matière de culture.

S'agissant de la capillarité entre le CSA et les acteurs de l'audiovisuel, j'ai moi aussi assisté au colloque organisé par le Syndicat des entreprises de distribution de programmes audiovisuels (SEDPA), monsieur le président. Plusieurs membres du CSA y sont en effet intervenus. Mais participer à une réunion et y évoquer des sujets communs ou avoir des liens dans les milieux économiques n'est pas la même chose que d'avoir des pratiques qui éveillent des soupçons de connivence. Même s'il n'y a pas de preuves, ce rapport alimente les forts doutes que l'on peut avoir concernant les conditions dans lesquelles les fréquences ont été attribuées – je ne dirais pas qu'elles l'ont été de façon malhonnête, car je n'ai pas les moyens de le vérifier. En tout cas, cela remet en cause tout ce que l'on affirmait, tout ce que l'on croyait, sur l'indépendance du CSA, que le législateur a entendu garantir.

Il ne s'agit pas d'un rapport à charge contre l'action du CSA à telle ou telle période, même si j'estime, pour ma part, que la présidence de M. Boyon a donné le la. Quoi qu'il en soit, il faut réfléchir au rôle du CSA, aux limites de ses attributions et aux garanties de son indépendance – le président Schrameck lui-même a estimé que celle-ci était difficile à défendre. Nous-mêmes, en tant que législateur, n'exerçons pas assez notre pouvoir de contrôle sur l'action du régulateur. De ce point de vue, les propositions contenues dans le rapport ne manquent pas d'intérêt, même si vous les jugez insuffisantes, monsieur Fenech.

Doit-on craindre un effet dévastateur de ce rapport une fois que la presse s'en sera emparée ? Je l'ignore. Dieu merci, nous n'appartenons pas à un milieu qui fonctionne en autarcie, dans lequel nous nous protégerions les uns les autres contre la révélation, je ne dirais pas de malversations, mais de pratiques un peu douteuses. Et dans les auditions, personne, pas même les acteurs les plus directement impliqués, n'a justifié la manière dont l'affaire s'est dénouée pour M. Houzelot.

Ainsi que l'a indiqué le rapporteur, la commission d'enquête a sans doute manqué de temps pour aller jusqu'au bout, même si elle a beaucoup fait en six mois et recueilli de nombreux témoignages, parfois contradictoires. Ce travail était nécessaire, nourrit la réflexion et ouvre la voie à d'autres travaux. Au demeurant, les accusations contenues dans ce rapport, si accusations il y a, ne seront pas des révélations pour le grand public. D'autant que celui-ci ne s'intéresse pas suffisamment, hélas, à ces questions, notamment parce qu'il ne dispose pas des clés nécessaires. En tout cas, ce rapport est important pour ceux qui s'intéressent au milieu audiovisuel, notamment pour nous. Le législateur doit, lui aussi, faire preuve d'indépendance. Je ne sais plus si c'est M. Fenech ou le président qui a parlé des liens avec les milieux économiques, mais nous sommes bien d'accord que les « liens » ne peuvent pas être synonymes de « pratiques troubles ».

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