Je participe pour la première fois à une commission d'enquête, et je trouve moi aussi un peu étonnant, même si c'est sûrement la pratique classique, que nous devions nous prononcer, sans pouvoir l'amender, sur un texte rédigé non par la commission, mais par le seul rapporteur, et que nous puissions uniquement, dès lors, joindre des contributions.
Vous avez raison, monsieur Debré : qui se soucie aujourd'hui du fait qu'une fréquence a été attribuée à la chaîne Numéro 23 ? Ainsi que notre groupe l'avait dit au moment où il a été décidé de créer cette commission, on se demande vraiment pourquoi le groupe Socialiste, écologiste et républicain a choisi ce thème, alors qu'il y a tant d'autres problèmes sur lesquelles mener des investigations dans notre beau pays.
Dès lors que tout le monde a menti ou presque, qu'il n'y a pas de preuves, qu'il s'agit de ouï-dire ou de paroles des uns et des autres, qui, de plus, se contredisent la plupart du temps, il est bien difficile d'affirmer que ce rapport est fondé à exprimer ce qu'il exprime. Or, je rejoins le président et Georges Fenech sur ce point, ce rapport contient tout de même une attaque en règle contre le CSA et une attaque en règle contre Pascal Houzelot – qui, manifestement, ne fait pas partie de vos amis, monsieur le rapporteur. Or la parole d'une commission d'enquête, ce n'est pas rien !
Mettons-nous à la place des membres anciens ou actuels du CSA, notamment des deux présidents successifs, mais aussi des investisseurs cités dans le rapport – au passage, vous les qualifiez de « milliardaires » comme si c'était une catastrophe qu'il y ait, dans notre pays, des gens qui ont de l'argent et qui investissent dans l'audiovisuel ; à force de les pointer du doigt, il n'y aura bientôt plus que des groupes américains ou anglo-saxons à le faire, belle réussite ! Si nous étions nous-mêmes pointés du doigt à ce point par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, nous ne dormirions pas tranquilles, et nos enfants non plus. Ce sont tout de même des accusations très lourdes et graves : la connivence, des malversations – c'est le terme que vous avez employé, madame Martinel. Selon moi, on ne mesure pas les conséquences, pour les personnes et pour les institutions, de telles accusations – peut-être fondées, mais nous ne sommes pas en mesure de les prouver, ainsi que vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur – lorsqu'elles sont cautionnées par la publication d'un rapport d'enquête de l'Assemblée nationale.
Peut-être est-il nécessaire de réformer le CSA, mais, lorsque vous avez été rapporteur du projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public, ni vous-même ni la majorité n'avez émis la moindre remarque sur la manière dont il fonctionnait à l'époque. Rappelez-vous ce que notre groupe disait alors : que c'était folie d'attribuer de nouveaux pouvoirs au CSA, ainsi que ce texte le prévoyait, sans remettre à plat l'ensemble des prérogatives du CSA et sans clarifier son fonctionnement. Qui plus est, on est tombé dans le conflit d'intérêts : on ne peut pas être à la fois le régulateur et un acteur majeur du secteur que l'on régule, ce qu'est le CSA dès lors qu'il a obtenu le pouvoir de nommer les dirigeants des groupes de l'audiovisuel public. Malgré ce que nous avons dit, vous avez été le premier, monsieur le rapporteur, à affirmer que ce projet de loi était un bon texte et à le soutenir. Je reconnais bien volontiers que vous avez été beaucoup plus sévère par la suite lorsque vous avez évalué l'application de la loi, tant sur le texte lui-même que sur le fonctionnement du CSA.
J'en viens aux exemples que le rapporteur a donnés pour caricaturer Numéro 23. Évidemment, ce n'est pas la chaîne du siècle, mais il y aurait beaucoup à dire sur la TNT dans son ensemble : Numéro 23 n'est pas la seule dont la programmation n'est pas exceptionnelle en permanence. Je n'ai pas compris l'exemple des émissions sur le tatouage : il ne me paraît pas du tout révélateur d'un dysfonctionnement de la chaîne car le tatouage est un véritable phénomène de société, c'est un mode d'expression artistique et il peut avoir des conséquences physiques et psychologiques lourdes pour certaines personnes. Il ne me paraît pas particulièrement choquant ni ridicule qu'une chaîne traitant de la diversité aborde ce sujet de la façon dont l'a fait Numéro 23.
Le président s'est étonné à juste titre que vous sembliez découvrir le fonctionnement du monde économique en général et du secteur audiovisuel en particulier, qui est, certes, régulé. Vous laissez entendre que M. Houzelot serait le seul à faire du lobbying, alors que tous les investisseurs du secteur en font en permanence auprès des pouvoirs publics, d'autres investisseurs, des banques et de nous tous. Nous rencontrons en permanence, vous comme nous, des responsables des différentes chaînes de télévision et stations de radio, mais cela n'empêche ni le CSA ni nous de nous exprimer en toute indépendance et en respectant les règles de déontologie propres à nos différentes fonctions.
Quant à l'évolution de Pink TV, ce sont des choses qui peuvent arriver dans le secteur audiovisuel. Il s'agissait d'un projet de chaîne de télévision payante, avec des abonnements. Au départ, la programmation de Pink TV a été cohérente avec ce qui avait été proposé au moment de l'attribution de la fréquence. Ensuite, la chaîne a progressivement réduit ses coûts, car le modèle économique ne fonctionnait pas, faute d'abonnements en nombre suffisant. Au bout d'un moment, M. Houzelot a dû choisir entre fermer boutique et proposer un projet alternatif, qui s'est trouvé être celui d'une chaîne porno. Ce n'est pas un scandale : c'est une activité comme une autre. Rappelons qu'un grand chef d'entreprise comme Xavier Niel est passé par le Minitel rose. Certes, cela ne correspondait plus à ce qui était prévu dans le cahier des charges initial, mais M. Houzelot a adapté la voilure, si je puis dire, en pleine concertation avec le CSA, pour sauver sa société.
En définitive, alors même qu'il concerne un sujet qui n'est pas majeur, ce rapport contient des conclusions très à charge pour un certain nombre d'institutions et de personnes, sans apporter de preuves. Cela me paraît de nature à compromettre sa publication. Je rejoins tout à fait Georges Fenech : nous ne mesurons pas les déflagrations qu'il va provoquer.