Intervention de Michel Destot

Réunion du 14 décembre 2016 à 9h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Destot, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, c'est la quatrième fois que le Parlement est appelé à autoriser la ratification d'un accord international sur la liaison ferroviaire entre Lyon et Turin. Le premier accord, en date du 15 janvier 1996, instaurait une commission intergouvernementale pour la réalisation de cette liaison ; l'accord du 29 janvier 2001 a institué un promoteur public, la société Lyon Turin Ferroviaire, chargée de conduire les études, les reconnaissances et les travaux préliminaires. Enfin, l'accord du 30 janvier 2012 a défini les modalités de gestion du projet, en instituant un nouveau promoteur public, la société Tunnel Euralpin Lyon Turin, dite TELT, en charge de la conception, de la réalisation puis de l'exploitation de la section ferroviaire transfrontalière.

Le quatrième accord, en date du 24 février 2015, qui fait l'objet de ma présente intervention, marque le lancement effectif des travaux et établit le coût certifié de cet ambitieux projet. Il précise également certaines conditions de sa réalisation, avec principalement un dispositif anti mafieux, à la demande de l'Italie.

Monsieur le Président, mes chers collègues, je rappellerai brièvement ce que représente la liaison Lyon Turin pour la France et pour l'Union européenne, avant de vous décrire les grandes lignes de l'accord de février 2015. L'ancien Premier ministre, M. Manuel Valls, l'a très bien résumé en inaugurant le tunnelier le 21 juillet dernier. « A sa manière, ce tunnel nous parle d'Europe, une Europe par la preuve », a-t-il déclaré.

Que représente le projet Lyon Turin ?

Un court rappel. Dans les années 90, les premières études portaient principalement sur la nécessité d'un report modal de la route vers le rail, en raison de la saturation croissante des vallées alpines et du littoral méditerranéen. Parallèlement, l'Union européenne a mis en place les Réseaux transeuropéens à partir de 1994 pour les transports, l'énergie et le digital. Après un départ trop timide en raison de l'insuffisance des crédits européens, la Commission a décidé en 2011 de faire de ces réseaux un moteur de croissance et a inscrit 50 milliards d'euros de crédits pour la période allant de 2014 à 2020.

La liaison Lyon Turin doit être considérée sous un angle triple :

Premier point : elle constitue un élément majeur de la connexion des grandes zones économiques européennes. Elle ne relie pas uniquement Lyon à Turin ; elle constitue l'élément clé de la liaison entre Paris et Milan, c'est-à-dire qu'elle rapproche l'Ile de France, qui assure 4 % du PIB européen, du Piémont et de la Lombardie, qui forment de leur côté 7 % de ce PIB. Elle permet également de relier la péninsule ibérique à l'Europe centrale.

Deuxième point : cette liaison résout le problème de la saturation du littoral français et des vallées alpines. Le report modal soulagera les infrastructures et diminuera les nuisances sonores ainsi que les émissions de carbone.

Troisième point, rarement abordé par les observateurs : à l'instar de la liaison transmanche, qui génère un trafic d'une valeur annuelle de 110 milliards d'euros grâce à la création de nouveaux marchés, la liaison Lyon Turin va stimuler l'ensemble de l'activité des régions qu'elle traversera, qu'elle reliera ou à proximité desquelles elle passera.

Tels sont, à titre de rappel, les enjeux de ce projet.

J'en arrive aux grandes lignes de l'accord qui nous est soumis par le gouvernement. Il comporte trois volets :

L'accord du 24 février 2015, qui comporte sept articles, relatifs aux conditions de réalisation des travaux définitifs de la section transfrontalière de la liaison Lyon-Turin.

Le protocole additionnel à l'accord du 24 février 2015, signé le 8 mars 2016, qui comprend quatre articles, principalement sur le coût des travaux et le dispositif anti mafia.

Le règlement des contrats annexé à l'accord de 2015 et au protocole de 2016 précités, dont le principal objet est de prévenir toute infiltration mafieuse dans la réalisation des travaux.

L'accord du 24 février est très simple : il marque la volonté de la France et de l'Italie de passer à la phase effective des travaux qui, sauf incident, se dérouleront de 2017 à 2029 et il confie à TELT le soin de les conduire. Il engage également les deux parties à lutter contre toute infiltration mafieuse.

Le protocole additionnel du 8 mars 2016 est relatif au coût du projet : établi par un certificateur extérieur, ce coût est évalué à 8,3 milliards d'euros. Comme l'Union européenne a décidé de financer la liaison à hauteur de 40 % et que la part de la France dans le financement total dépasse légèrement 25%, la somme que devra acquitter notre pays est de 2,21 milliards d'euros.

En tenant compte des hypothèses d'actualisation prévues par l'accord, indiquant que le coût à terme pourrait atteindre 9,6 milliards d'euros, la France devrait contribuer à la liaison à hauteur de 2,46 milliards d'euros.

Le protocole additionnel et le règlement des contrats annexé contiennent un dispositif très détaillé pour prévenir les infiltrations mafieuses. Il a été demandé par le Parlement italien, qui a indiqué à son gouvernement, lors des négociations, qu'il n'autoriserait pas la ratification de l'accord si un tel dispositif n'existait pas. Il convient de garder à l'esprit que 4 entreprises italiennes liées à la mafia ont obtenu des contrats de sous-traitance, lors de travaux préliminaires en territoire italien, et que le ministre des transports a été contraint à la démission en mars 2015, après la découverte de faits de corruption du directeur technique de son ministère. La question n'est donc pas abstraite… En conséquence, le règlement des contrats instaure une procédure pilotée par un préfet français et par le préfet de Turin et permet d'écarter toute entreprise suspecte des appels d'offre.

Vous noterez que le Quai d'Orsay a consulté le Conseil d'Etat sur le contenu du règlement afin de s'assurer qu'il ne remettait en aucun cas en cause des éléments fondamentaux de la souveraineté de la France, comme le contrôle juridictionnel sur les décisions qui seront prises, le pouvoir de police administrative ou les règles françaises applicables aux marchés publics. Il est donc clair que le règlement des contrats vient en complément du droit national français, conformément aux dispositions des articles 6 et 10 de l'accord du 30 janvier 2012, qui prévoit l'application du droit français pour les contrats passés par TELT.

Tels sont les éléments essentiels de l'accord du 24 février 2015. Le gouvernement français et les collectivités territoriales, notamment la région Auvergne Rhône Alpes, doivent rapidement réfléchir aux investissements à lancer afin de recueillir les bénéfices de ce nouvel équipement. Je pense notamment aux plateformes multimodales.

Monsieur le Président, mes chers collègues, compte tenu des avantages économiques et environnementaux de ce projet, compte tenu de son importance pour le maillage de l'Europe, je propose à notre commission d'adopter ce projet de loi.

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