Intervention de Olivier Falorni

Réunion du 14 décembre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni, rapporteur :

Nombre des thèmes traités par les orateurs font l'objet d'amendements que nous examinerons ensuite ; aussi ne les aborderai-je pas dans l'immédiat.

À M. Antoine Herth et à M. Germinal Peiro, je répondrai par une boutade : je suis moi aussi un être sensible, un être sentimental, mais je suis aussi un être rationnel. Or cette proposition de loi est le fruit du travail très rationnel conduit pendant six mois par une commission d'enquête qui a su surmonter le choc produit par les images dont il a été question. Toutefois, les actes qui nous ont heurtés sont minoritaires, et les salariés que nous avons rencontrés au cours de nos travaux accomplissent un travail extrêmement difficile. Ils sont souvent cassés physiquement et psychologiquement, et nombre d'entre eux sont malheureux dans cette profession et vivent mal qu'on les stigmatise, ce que la commission d'enquête s'est bien gardée de faire.

Au terme de ces travaux, je suis parvenu à une conclusion : le bien-être des salariés est intimement lié au bien-être de l'animal. Lorsque les salariés se sentent mal dans leur métier, le risque que se produisent des actes de maltraitance, volontaires ou non, augmente. Car, si certains actes de maltraitance sont volontaires, relevant du sadisme ou de la perversité, d'autres sont le fruit de l'habitude, d'une mauvaise formation, mais aussi de l'utilisation d'un matériel inadapté.

Sans le dire vraiment, M. Guillaume Chevrollier a reconnu qu'il était important que les parlementaires puissent se rendre dans les abattoirs, non pas pour exercer un contrôle qui outrepasse leurs compétences, mais parce qu'il est indispensable de prendre conscience de certains faits : si, en tant que président de la commission d'enquête, je m'étais borné à présider des auditions, je n'aurais pas saisi la réalité que je viens de décrire.

Par ailleurs, ces visites d'abattoir peuvent donner l'occasion de tordre le cou à certaines idées reçues. À l'occasion d'une visite inopinée dans l'abattoir de mon département, j'ai constaté que tout s'y faisait dans les règles, et, alors que, au départ, les responsables de l'établissement semblaient inquiets, ils ont fini par être rassurés. Les boucheries des alentours ont d'ailleurs affiché l'article de presse rapportant cette visite, en indiquant à leur clientèle qu'elle pouvait consommer sans crainte la viande qu'elles se procuraient dans cet abattoir, puisque les bêtes y avaient été traitées dans les règles de l'art. Les visites des parlementaires n'ont pas pour objet de stigmatiser, mais doivent permettre aux élus d'être au fait d'un sujet qui n'avait jamais été abordé au Parlement.

M. Alain Suguenot a souligné la place que tiennent les conditions d'abattage au sein de la filière de l'élevage, et c'est une question majeure : les éleveurs eux-mêmes ont déploré le manque de transparence des abattoirs.

M. Germinal Peiro a évoqué le temps où un lien très fort existait entre l'éleveur et celui qui abattait, qui était parfois la même personne ; et nombre de nos interlocuteurs éleveurs ont considéré que ce lien était aujourd'hui rompu.

C'est d'ailleurs l'un des arguments qui plaide en faveur des abattoirs mobiles qu'ont évoqués Mmes Brigitte Allain, Laurence Abeille et Michèle Bonneton. Ce type d'abattoirs ne constitue pas une panacée, mais ils peuvent parfois suppléer la fermeture regrettable de petits abattoirs de proximité, car les communes ou communautés de communes n'ont plus les moyens de les financer. C'est aussi un moyen de renouer un lien entre l'éleveur et la personne chargée de l'abattage.

Les abattoirs itinérants ne sont pas mentionnés dans la proposition de loi, parce qu'il est déjà possible de les ouvrir. En revanche, le rapport prône leur expérimentation. Quiconque souhaite créer un abattoir mobile peut déposer un dossier, comme pour toute demande d'ouverture d'abattoir traditionnel ; il suffit de satisfaire aux règles sanitaires et environnementales. Le ministre de l'agriculture a indiqué qu'il étudierait sans préjugé cette possibilité, ces équipements ne pouvant toutefois pas se substituer aux abattoirs traditionnels.

Comme le montre l'expérience menée en Suède, les abattoirs mobiles concourent à diminuer la souffrance animale, notamment en supprimant le transport, et en limitant le stress, les bêtes étant abattues là où elles ont vécu.

En réponse aux préoccupations exprimées par M. Éric Straumann, je rappelle que tous les pays de l'Union européenne sont soumis aux mêmes règles d'abattage, qui résultent de la réglementation de 2009. La proposition de loi ne crée donc pas de distorsion de concurrence avec d'autres pays, comme l'Allemagne. S'il est moins cher de tuer en Allemagne qu'en France, c'est parce que ses abattoirs font massivement appel à une main-d'oeuvre de travailleurs détachés.

S'agissant du coût de l'installation de la vidéo dans les établissements, nous disposons d'éléments de comparaison avec l'Angleterre où cette pratique est quasi généralisée. Des responsables français d'abattoirs nous ont confié qu'ils installaient des caméras dans le double dessein de redonner confiance aux consommateurs et de pouvoir exporter leur viande en Angleterre, car cela est désormais exigé par les cahiers des charges de ce pays.

La question de l'abattage rituel n'entre pas dans le champ de la proposition de loi, mais le rapport l'a abordée sans tabou. Il s'agit d'un abattage sans étourdissement, pour la production des viandes halal et casher. Nous avons toujours entendu ensemble les représentants des cultes juif et musulman afin de ne stigmatiser aucune religion, et parce que les pratiques d'abattage, qu'elles soient halal ou casher, sont pratiquement les mêmes, c'est-à-dire sans étourdissement.

Le rapport propose l'introduction de deux autres types d'abattage, qui ont pu être reconnus par certaines instances représentatives du culte musulman et certains pays musulmans. Il s'agit en premier lieu de l'étourdissement réversible, qui garantit que la bête n'a pas été tuée, car l'animal ne doit pas être mort au moment de l'égorgement. Une expérimentation sur de gros bovins est menée à Castres dans un abattoir du groupe Bigard. Dans certains pays, des fatwas précisent que cette pratique est licite. Le second type d'abattage proposé est l'étourdissement post-jugulation, pratiqué immédiatement après la saignée : cette méthode supprime le délai de souffrance vécue par l'animal. Nous prônons l'élargissement du recours à ce type d'étourdissement, car nous considérons que le consommateur, qu'il soit juif ou musulman, n'est pas moins sensible que les autres à la question de la maltraitance animale : encore faut-il lui proposer une offre diversifiée. Cette préconisation de notre rapport ne figure pas dans la présente proposition de loi, car elle relève du domaine réglementaire.

Par ailleurs, je rappelle que les sanctions comme le contrôle s'appliquent à tous les abattoirs, et l'augmentation de la présence de vétérinaires, l'installation de caméras dans les postes d'étourdissement et d'abattage concerne tout le monde. Si des sanctions doivent être prises, elles le seront.

Enfin, l'objet de cette proposition de loi est de faire en sorte que les animaux soient respectés dans les abattoirs, mais que ceux qui sont amenés à les tuer soient également respectés. Je suis convaincu que les deux ne sont pas contradictoires, et j'espère que ce texte saura nous rassembler autour de cet objectif commun.

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