Je suis un peu déçue par certains de vos commentaires, notamment parce que vous vous référez systématiquement aux rapports Vickers et Liikanen en donnant l'impression qu'ils font les mêmes recommandations. Or c'est totalement faux ! Le rapport Vickers propose la séparation des activités de crédit de celles de marché, tandis que le rapport Liikanen, comme le projet de loi français, opte pour une filialisation des activités les plus risquées et une étanchéité entre la filiale et la maison-mère. Les deux rapports ne recommandent pas du tout la même chose en termes de régulation des structures, et c'est pourquoi je suis ennuyée de vous entendre systématiquement donner l'impression du contraire.
Par ailleurs, je me dois de corriger une de vos affirmations : il est inexact d'affirmer que le rapport Liikanen demande la séparation des activités de marché. Ce qu'il réclame, c'est la filialisation des activités pour compte propre – y compris les activités de tenue de marché, et c'est sur ce point qu'il se distingue du texte français.
Ma première question portera sur votre vision de la construction européenne. La logique du projet de loi français est en effet d'anticiper une future régulation des structures bancaires au niveau européen, dont tout porte à croire qu'elle s'inspirera fortement du rapport Liikanen, et donc de mettre en cohérence sa législation avec les préconisations de ce dernier. Ainsi, dans l'hypothèse où la Commission prendrait effectivement ce rapport pour base de travail afin d'élaborer une directive, notre pays ne serait pas en situation de devoir revenir sur son système de régulation bancaire. Cette démarche visant à construire une régulation commune à l'Union n'est-elle pas la plus raisonnable aux yeux de Finance Watch ? Selon moi, ainsi que pour une grande partie de la majorité, la prise en compte de l'échelon européen est en tout cas un élément crucial de la réflexion.
À de nombreuses reprises, vous vous êtes référé au rapport Vickers et au projet de législation britannique. Mais alors que la loi française, que vous critiquez fortement, doit s'appliquer en 2015, le projet Vickers, s'il prend forme de loi, n'entrerait en vigueur qu'en 2020. N'y a-t-il pas une incongruité à vouloir s'inspirer d'une législation que les Britanniques eux-mêmes refusent d'appliquer avant tant d'années ? Si le Royaume-Uni est si sûr de proposer la bonne solution, pourquoi se donner un tel délai ? On peut penser, en tout état de cause, qu'une directive européenne aura été adoptée dans l'intervalle, une directive que les Britanniques, s'ils maintiennent leur présence dans l'Union, se verront eux-mêmes contraints d'appliquer. Cela signifie donc que la législation inspirée du rapport Vickers ne sera en réalité jamais appliquée en l'état. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi vous insistez autant sur ce travail.
En ce qui concerne la résolution bancaire, vous affirmez que tous les pays s'apprêtent à imputer les pertes résultant d'une éventuelle faillite sur tous les créanciers, y compris seniors. Il est vrai que tout le monde souhaiterait un jour en arriver là, mais dans les faits, à ma connaissance, aucun pays n'a adopté cette pratique. Des discussions sont cependant en cours au sein de l'Union européenne, et j'ai cru comprendre que la France était plutôt favorable à une telle disposition. Mais est-il envisageable qu'un pays décide d'appliquer unilatéralement à ses créanciers obligataires un traitement différent par rapport aux autres pays ? Les conséquences ne seraient-elles pas très graves ? Je rappelle que c'est au moment où un bail-in a été décidé sur les créances de dette senior que la situation a dérapé en Grèce.
Enfin, s'agissant de la présence d'établissements financiers ou de leurs filiales dans les paradis fiscaux, quelles sont les pratiques des autres pays européens en matière de transparence ?