Ce rapport a été délibéré, au stade provisoire puis définitif, par la formation interjuridictions sur les finances publiques locales, que je préside et qui élabore par ailleurs chaque année le rapport public de la Cour sur la situation financière et la gestion des collectivités locales. Le rapport a été adressé aux ministères concernés ainsi qu'aux associations d'élus locaux, et leurs réponses ont naturellement été prises en compte.
La démonstration du rapport s'articule autour de trois points. Elle part du constat qu'il y a de grandes disparités dans les montants par habitant des dépenses des communes et de leurs groupements, et plus encore des dotations qui leur sont versées. Cela incite à se demander s'il n'y a pas un lien entre ces disparités. Le deuxième point concerne la méthodologie retenue par la Cour des comptes sur les plans statistique et économétrique. Troisième et dernier point, le rapport présente les conclusions de cette étude assez technique et par conséquent assez inhabituelle pour la Cour – les instances de délibéré ont d'ailleurs un peu tiqué, mais ont fini par considérer comme positive l'acceptation de cette demande, qui nous a fait beaucoup de bien en nous incitant à innover dans ses méthodes et à travailler avec le monde universitaire. Cette étude technique a toutefois une vocation limitée : celle d'être une aide à la réflexion et, le cas échéant, à la décision qui appartient au Parlement et à lui seul.
Premier point : on constate des disparités importantes de montant de dépenses par habitant.
Ces dépenses ont progressé de façon soutenue sur une longue période, mais leur augmentation a récemment ralenti. Entre 2009 et 2013, leur croissance, pour l'ensemble des collectivités locales, a été de 9 % – et de 13 % pour le seul bloc communal. En 2015-2016, on a assisté à un ralentissement de cette croissance – notamment pour les dépenses de fonctionnement – en lien avec la baisse des concours financiers de l'État, ce qui confirme le bien-fondé de la question posée par la commission des finances à la Cour. Mais les disparités restent fortes.
Le rapport interdéciles, soit le rapport entre la dépense par habitant des 10 % des communes qui dépensent le plus et celle des 10 % qui dépensent le moins, est de 3,28 pour les dépenses totales et de 2,75 pour les dépenses de fonctionnement. Ce rapport interdéciles est un peu moins élevé pour les ensembles intercommunaux, mais tout de même assez important : 2,03 pour les dépenses totales et 2,13 pour les dépenses de fonctionnement. Les écarts sont tout aussi grands lorsqu'on sélectionne des collectivités de même strate démographique ou ayant un potentiel fiscal comparable. On se dit alors que de multiples facteurs peuvent influer sur le montant des dépenses.
Le premier facteur qu'a examiné la Cour est celui des dotations versées aux collectivités. Le rapport de 2010 indiquait que ces dotations pouvaient peser sur l'évolution de la dépense. La Cour des comptes a retenu une acception assez extensive de la notion de dotation : le périmètreintègre l'ensemble des dotations de l'État qui ont une vocation de compensation ou de péréquation, mais pas la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ni les versements du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), qui sont des subventions d'investissement. En revanche, nous avons pris en compte certaines ressources qui sont hors concours financiers stricto sensu, comme les versements du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ou encore les dispositifs de péréquation horizontale, qui pèsent de plus en plus lourd dans le système de péréquation. Le périmètre couvert représente, au total, 23 milliards d'euros de dotations.