Oui.
Comme vous le savez, la dotation globale de fonctionnement (DGF) aura baissé de 30 % entre 2013 et 2017. Les péréquations ont été accrues en contrepartie, mais les dotations de péréquation, au sens large, ne représentent que 20 % des 23 milliards d'euros embrassés dans l'étude de la Cour. La part de la péréquation dans les dotations a plutôt progressé pour les communes, et plutôt baissé pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à cause du prélèvement effectué au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), pesant sur la dotation d'intercommunalité qui a, pour moitié, une vocation de péréquation. Au total, 80 % de ces flux financiers sont des dotations forfaitaires de compensation.
Le volet statistique de notre étude montre qu'il existe également de fortes disparités entre les dotations dont bénéficient les collectivités, et que ces disparités sont plus importantes que celles relatives aux dépenses : le rapport interdéciles est de 3,5 pour les communes, de 2,8 pour les ensembles intercommunaux. Ces disparités résultent surtout de la dotation forfaitaire des communes, qui comporte en son sein des dispositifs de compensation ayant cristallisé des inégalités de richesse historiques.
Partant de ce constat, la Cour a élaboré une méthodologie, avec ses propres outils statistiques. D'une part, elle s'est constitué sa propre base de données, relatives à l'année 2015, à partir de plusieurs fichiers transmis par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la DGFiP, pour sélectionner les différents facteurs – de ressources et de charges. Ensuite, elle a bâti un modèle économétrique pour évaluer l'élasticité de la dépense par rapport à chacun des principaux facteurs. Il était indispensable de recourir à l'économétrie, car il y a des relations entre ces différents facteurs. Il n'est pas pertinent de ne regarder, par exemple, que la relation entre le niveau de la dépense et celui du potentiel fiscal, ou encore les dotations. Ces dernières dépendent aussi d'autres paramètres.
Nous avons opté pour un modèle de demande : la dépense locale est analysée comme le produit du niveau de service public par le coût marginal de production de ce service. Le niveau de service public est considéré comme une demande émise par l'électeur ou le contribuable médian : les choix locaux de dépenses sont adaptés à la demande de l'électeur médian. Cette demande augmente avec le revenu de l'électeur et décroît avec le « prix fiscal » des services, c'est-à-dire le coût qu'il supporte à travers les impôts locaux qu'il acquitte.
Nous aurions pu choisir un modèle d'offre, qui aurait consisté à partir du principe que c'est avant tout la richesse fiscale, et non le prix fiscal, qui agit sur le niveau de services. Nous avons fait le choix inverse, non pas de façon aléatoire ni arbitraire, mais pour deux raisons principales. D'une part, il fait l'objet d'un large consensus dans le monde des experts et de la recherche, alors que le modèle de l'offre donne lieu à différentes formulations. D'autre part, c'est le même type de modèle qui avait été retenu par les professeurs Gilbert et Guengant, notamment pour les résultats exploités dans leur rapport de 2010. Il était donc intéressant de pouvoir comparer nos résultats avec ceux d'il y a six ans, qui s'appuyaient sur des données de 2005. Nous avons quand même pris la précaution de sécuriser la robustesse de ce modèle économétrique en le soumettant à plusieurs experts, notamment à des statisticiens de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Nous avons discuté avec eux de l'endogénéité de certaines variables.
J'en viens aux conclusions et aux recommandations de la Cour.
Quatre conclusions principales se dégagent de l'étude.
Première conclusion : les disparités de dépense par habitant s'expliquent, s'agissant des communes, pour 50 % par les disparités de ressources et pour 21,5 % par des variables de charges. On retrouve donc les mêmes conclusions qu'en 2005 et en 2010. En revanche, pour les ensembles intercommunaux, niveau dont la pertinence est plus grande aujourd'hui, les facteurs de ressources ne pèsent pas plus que les facteurs de charges pour expliquer les disparités de dépense.