Intervention de Christian Martin

Réunion du 29 novembre 2016 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Martin, conseiller maître à la Cour des comptes :

Les données datent de 2015. Il faudra sans doute du temps, en effet, pour constater des évolutions notables.

Deuxième conclusion, qui rejoint celles du précédent rapport : au sein des ressources, les dotations fournissent la première explication des disparités de dépenses. Elles contribuent, à elles seules, à près de la moitié de l'effet « ressources » : à 46 % pour les communes, à 52 % pour les ensembles intercommunaux. En revanche, le ratio fiscal, c'est-à-dire le coût fiscal supporté par le contribuable médian, n'a qu'un impact relativement faible sur le niveau de la dépense : 10 % pour les communes, 12 % pour les ensembles intercommunaux.

Résultat surprenant, le revenu par habitant a un impact quasi nul sur les disparités de dépenses. Il convient néanmoins de relativiser cette affirmation : on constate en réalité que lorsque des communes sont dans la même situation de potentiel fiscal ou de revenu par habitant, les dotations ont beaucoup d'effet sur le niveau de la dépense.

Troisième conclusion : la contribution des dotations aux disparités de dépenses vient pour les trois quarts des dotations forfaitaires ou compensatrices,et pour un quart seulement des dotations de péréquation. Cela s'explique par le fait que les dotations forfaitaires ont été constituées par sédimentations successives, ayant cristallisé depuis longtemps des inégalités initiales ou historiques, notamment de richesse fiscale. Par conséquent, les écarts de dotations forfaitaires amplifient les inégalités de richesse fiscale.

Le prolongement pratique de ce constat est qu'il paraît judicieux, pour obtenir une meilleure maîtrise des dépenses locales, de mettre en oeuvre la CRFP en réduisant la part des dotations forfaitaires et, en contrepartie partielle, en augmentant celle des dotations de péréquation. Le problème, c'est que la dotation forfaitaire, bien souvent, n'y suffit plus. Il faudrait donc élargir le périmètre à d'autres dotations forfaitaires, comme il est proposé dans le rapport établi en juillet 2016 pour votre commission des finances par Mmes Pires Beaune et Louwagie.

Quatrième conclusion : les variables de charges expliquent les disparités de dépenses dans une proportion nettement plus faible que les variables de ressources. Il existe différentes variables de charges, et l'élasticité de chacune d'elles est bien plus faible que celle des dotations. Les principales variables de ressources sont les dotations et la richesse fiscale, alors qu'il y a toute une série de paramètres censés représenter le niveau de charges auquel est exposée une collectivité. L'éclatement de ces charges réduit le rôle de chacune d'entre elles. Si on fait l'effort de les regrouper, on observe que le niveau de charges pèse tout de même, lui aussi, sur les dépenses. On voit ainsi que les critères de charges relatifs à la population des collectivités – nombre de résidents, part des enfants d'âge scolaire, nombre d'actifs – pèsent sur les disparités de dépenses. De même, la fonction touristique est une autre variable de dépenses importante, bien plus que les variables « de territoire » comme la localisation en zone de montagne ou en zone de revitalisation rurale (ZRR), la concentration urbaine, la voirie ou la superficie.

Les travaux de la Cour n'ont pas permis, en revanche, de conclure au caractère significatif de plusieurs variables qui sont pourtant souvent retenues comme étant des variables de charges : les critères de centralité, le nombre de bénéficiaires des aides au logement, le nombre de logements sociaux.

Partant de ces résultats, la Cour a formulé trois recommandations.

La premièreporte sur la réduction souhaitable de la part des dotations forfaitaires, qui paraît compatible avec une meilleure maîtrise de la dépense locale et confirme le bien-fondé de la stratégie qui a été suivie jusqu'à présent. La Cour plaide d'ailleurs, de façon plus générale, pour une réforme globale des dotations de l'État au sens large, s'orientant vers une réduction des composantes forfaitaires au profit de dotations qui représentent davantage les niveaux de richesse et de charges auxquels les collectivités sont réellement exposées.

La deuxième recommandation vise à la poursuite du développement des dispositifs de péréquation, à condition qu'en soient évalués l'impact sur la situation financière des collectivités et l'efficacité dans la réduction des inégalités. Un effort de cohérence doit être fait dans la définition des objectifs et des indicateurs de ces différentes dotations. Il convient également, comme cela nous a été confirmé par certaines associations de collectivités parmi lesquelles l'Assemblée des communautés de France (AdCF), de faire un effort d'articulation entre péréquation verticale et péréquation horizontale – la seconde ne tenant pas compte des effets de la première, ce qui peut avoir des conséquences assez violentes.

La troisième recommandation porte surla réforme de certaines variables, retenues pour l'attribution des dotations, et dont la pertinence et la fiabilité sont insuffisamment avérées. Il s'agit en particulier de certains indicateurs de richesse et de charges retenus pour le calcul des dotations. Il faudra aussi tenir compte à partir de janvier prochain, en matière de richesse et de charges, de la nouvelle carte intercommunale, qui induira une nouvelle carte des inégalités entre les territoires.

Tels ont été les travaux de la Cour et sa méthode. Nous espérons avoir répondu aux attentes de votre commission. Nous avons noté que le projet de loi de finances pour 2017 comportait des dispositions répondant en partie, mais en partie seulement, aux recommandations que je viens de mentionner. Pour la Cour, la réforme globale des dotations aux collectivités est un chantier urgent, car le dispositif actuel a atteint ses limites, comme le montre la mise en oeuvre de plus en plus délicate de la CRFP.

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